Bonald (Louis, vicomte de) (suite)
Bonald se retire définitivement au Monna. Il boude la monarchie de Juillet et refuse toute pension. Dans ce contexte, il ne parvient pas à publier ses ouvrages, dont l’un représente sa « somme » personnelle (Du pouvoir et des devoirs dans la société), tandis qu’un autre demeure une originale tentative de philosophie religieuse (Réflexions sur l’accord des dogmes de la religion avec la raison).
L’écriture de Bonald est celle d’un autodidacte aux prises avec un vocabulaire plutôt limité. Aussi les notions forgées ou remaniées par l’auteur font-elles l’objet d’un labeur acharné de type artisanal. La pensée souffre à son tour d’un registre conceptuel restreint, mais Bonald, dans une lutte dramatique contre ses propres limites, recherche la cohérence et l’unité à travers une sorte d’algèbre mentale.
En appliquant le terme social à l’homme, Bonald s’efforce d’éliminer toute conception contractuelle pour dégager la constitution fondamentale de l’être humain, de la naissance au tombeau. Social il est dans sa famille, la société politique, la société religieuse et devant Dieu. Créant l’homme comme être social, Dieu lui confère le langage et par là lui permet de s’éveiller à la pensée. Bonald se place parmi les précurseurs de la linguistique moderne. Précurseur, Bonald l’est aussi par la notion de nature humaine, qui n’est pas un donné initial, mais un idéal historique à atteindre dans la civilisation et la culture.
L’idéal de Bonald est celui d’un légitimiste meurtri par la séparation de la société politique et de la société religieuse, qui entend montrer que, par Constitution divine et naturelle, les deux sociétés sont indissolublement liées comme le corps et l’âme ou encore le père et la mère. Une société monarchique, certes, mais où les corps intermédiaires ont une fonction médiatrice indispensable, d’où la trilogie : pouvoir - ministre - sujet. Le parallélisme entre la société politique et la société religieuse est grand, mais le gentilhomme gallican veille et s’arrête aux bords de la théocratie : la société politique a un monarque terrestre, mais la société religieuse n’a qu’un « vicaire », le monarque étant Jésus-Christ. Bonald, en reliant toute responsabilité sociale au sacrifice du Christ, est l’initiateur d’une profonde spiritualité du service public.
J. G.
C. Maréchal, la Jeunesse de La Mennais (Perrin, 1913). / H. Moulinié, De Bonald, la vie, la carrière politique, la doctrine (Alcan, 1915). / F. Baldensperger, le Mouvement des idées dans l’émigration française (Plon, 1925 ; 2 vol.). / A. Latreille, l’Église catholique et la Révolution française (Hachette, 1949 ; 2 vol.). / D. Bagge, le Conflit des idées politiques en France sous la Restauration (P. U. F., 1953). / J. Gritti, Bonald (Bloud et Gay, 1962).