Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bonald (Louis, vicomte de) (suite)

Bonald se retire définitivement au Monna. Il boude la monarchie de Juillet et refuse toute pension. Dans ce contexte, il ne parvient pas à publier ses ouvrages, dont l’un représente sa « somme » personnelle (Du pouvoir et des devoirs dans la société), tandis qu’un autre demeure une originale tentative de philosophie religieuse (Réflexions sur l’accord des dogmes de la religion avec la raison).

L’écriture de Bonald est celle d’un autodidacte aux prises avec un vocabulaire plutôt limité. Aussi les notions forgées ou remaniées par l’auteur font-elles l’objet d’un labeur acharné de type artisanal. La pensée souffre à son tour d’un registre conceptuel restreint, mais Bonald, dans une lutte dramatique contre ses propres limites, recherche la cohérence et l’unité à travers une sorte d’algèbre mentale.

En appliquant le terme social à l’homme, Bonald s’efforce d’éliminer toute conception contractuelle pour dégager la constitution fondamentale de l’être humain, de la naissance au tombeau. Social il est dans sa famille, la société politique, la société religieuse et devant Dieu. Créant l’homme comme être social, Dieu lui confère le langage et par là lui permet de s’éveiller à la pensée. Bonald se place parmi les précurseurs de la linguistique moderne. Précurseur, Bonald l’est aussi par la notion de nature humaine, qui n’est pas un donné initial, mais un idéal historique à atteindre dans la civilisation et la culture.

L’idéal de Bonald est celui d’un légitimiste meurtri par la séparation de la société politique et de la société religieuse, qui entend montrer que, par Constitution divine et naturelle, les deux sociétés sont indissolublement liées comme le corps et l’âme ou encore le père et la mère. Une société monarchique, certes, mais où les corps intermédiaires ont une fonction médiatrice indispensable, d’où la trilogie : pouvoir - ministre - sujet. Le parallélisme entre la société politique et la société religieuse est grand, mais le gentilhomme gallican veille et s’arrête aux bords de la théocratie : la société politique a un monarque terrestre, mais la société religieuse n’a qu’un « vicaire », le monarque étant Jésus-Christ. Bonald, en reliant toute responsabilité sociale au sacrifice du Christ, est l’initiateur d’une profonde spiritualité du service public.

J. G.

 C. Maréchal, la Jeunesse de La Mennais (Perrin, 1913). / H. Moulinié, De Bonald, la vie, la carrière politique, la doctrine (Alcan, 1915). / F. Baldensperger, le Mouvement des idées dans l’émigration française (Plon, 1925 ; 2 vol.). / A. Latreille, l’Église catholique et la Révolution française (Hachette, 1949 ; 2 vol.). / D. Bagge, le Conflit des idées politiques en France sous la Restauration (P. U. F., 1953). / J. Gritti, Bonald (Bloud et Gay, 1962).

Bonaparte (les)

Famille dont est issu l’empereur Napoléon Ier.


Sous l’Empire, des généalogistes complaisants n’ont pas manqué de rattacher la famille Bonaparte à la gens Julia de la Rome antique, aux empereurs d’Orient ou à des souverains lombards. Napoléon les renvoyait à son frère Joseph, le « généalogiste de la famille », et n’accordait aucun crédit à leurs flatteuses fantaisies. Il avait l’habitude de dire que sa noblesse « ne datait que de Montenotte ou du dix-huit brumaire ». Noblesse ancienne pourtant, si on rattache les Bonaparte à la famille lombarde des Cadolingi qui, avant 1100, se divise en trois branches, établies à Bologne, Trévise et Florence. La branche florentine donne naissance aux Bonaparte de San Miniato et aux Bonaparte de Sarzane. Vers 1520, l’un de ces derniers, François, passe en Corse et s’y fixe. Ses descendants sont presque tous des magistrats ou des avocats. Au xviie et au xviiie s., la république de Gênes reconnaît leurs titres de noblesse ; les autorités françaises prendront la relève. Bonaparte, bona parte, le « bon parti », cette famille est parfaitement honorable, sans ambition particulière, mais d’une fortune plutôt médiocre.

Elle a pour chef, au moment où la Corse devient française (1768), Charles Marie Bonaparte. Douze enfants naîtront de son union (1764) avec Letizia (ou Laetitia) Ramolino. Huit survivront : Joseph, Napoléon, Lucien, Elisa, Louis, Pauline, Caroline et Jérôme. Letizia, jeune femme presque totalement illettrée, a « un grand caractère, de la force d’âme », et surtout se donne beaucoup de mal pour élever les siens. Charles, s’il a « de la chaleur et de l’énergie », est de tempérament léger, dépensier, versatile ; après avoir appuyé le mouvement séparatiste de Paoli, il se rallie à la France, fait, à son tour, reconnaître les titres de noblesse de sa famille et obtient des bourses pour ses trois aînés. Aussi Napoléon est-il admis au collège de Brienne (1779), puis à l’École militaire de Paris (1784). Quelques mois plus tard, Charles meurt d’un cancer à l’estomac.


Chef du clan Bonaparte

Chef de famille non pas de droit (Joseph est son aîné d’un an), mais de fait, Napoléon prend en charge les siens lorsqu’ils arrivent à Toulon (1793), ayant dû fuir la Corse devant les paolistes. Naguère, il s’est occupé de l’éducation de son cadet, Louis ; aujourd’hui, il améliore de sa solde la vie très difficile de sa mère et de ses sœurs dans le Midi. S’il manifeste quelque irritation devant le mariage (1794) du plus doué de ses frères, Lucien, avec Christine Boyer, la fille d’un aubergiste, il laisse faire l’union de Joseph, la même année, avec Julie Clary, fille d’un riche négociant. Le futur empereur est l’âme du « clan » Bonaparte ; c’est lui qui met en selle les uns et les autres, leur obtient des postes, tour à tour « banquier », « homme d’affaires » du groupe. Mais une ombre ternit ces rapports : juste avant de partir pour l’armée d’Italie, Napoléon épouse Joséphine de Beauharnais (1796), au grand scandale de la famille, qui n’admettra jamais cette créole, l’ « intruse ». L’année suivante, autre acte d’autorité : il rompt la liaison de Pauline avec l’ex-Montagnard Fréron et la marie à l’honnête général Leclerc ; en revanche, il accepte, sans enthousiasme, qu’Elisa épouse un médiocre officier, Félix Baciocchi.