Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

bombe nucléaire (suite)

Le 12 août 1953, les Soviétiques, à leur tour, faisaient exploser leur première bombe H. Alors qu’ils avaient mis quatre ans pour rattraper les Américains dans le domaine de la fission, neuf mois leur suffirent pour combler leur retard dans celui de la fusion. Ce premier engin soviétique était plus perfectionné et plus puissant que la bombe américaine, en ce sens que le tritium était produit directement dans l’engin en partant du lithium.

• Les effets des bombes H. Si, pour les bombes A de 1945, les chiffres traduisant les résultats correspondent à 5 ou 10 p. 100 de la réalité, ceux qui sont relatifs à l’éclatement des engins de 10 Mt et plus doivent être interprétés avec réserve. Il faut surtout noter qu’il n’y a aucune proportionnalité entre la puissance et les effets. Si, par exemple, un engin est mille fois plus puissant que la bombe d’Hiroshima, cela ne signifie pas que ses effets seront mille fois plus importants.

Que peut-on donc savoir des effets d’une bombe H ?

Onde de choc.
On estime que les effets mécaniques se font sentir dans un rayon de 20 à 30 km, avec une destruction complète jusqu’à environ 10 km du point zéro. Leur action n’est efficace que si l’explosion se produit ni trop haut ni trop bas. Pour des explosions à basse altitude, l’onde de choc est limitée dans ses effets ou même arrêtée par la configuration du terrain (comme à Nagasaki) ; pour les explosions à haute altitude (une dizaine de kilomètres), l’absence d’atmosphère empêche la propagation de l’onde de choc, dont l’effet se trouve affaibli.

Effets thermiques.
Le problème paraît plus complexe, et les experts ne sont pas d’accord sur les résultats à prévoir en ce domaine. Dans la stratosphère (10 à 25 km d’altitude), l’air étant trente fois moins dense que la troposphère (0 à 10 km), les radiations thermiques ne subiront qu’une très faible absorption. Celle-ci est due à la vapeur d’eau et non à l’oxygène ou à l’azote de l’air. Or, les trois quarts de la vapeur d’eau ne s’élèvent pas au-delà de 4 km, et celle-ci n’existe dans la stratosphère que dans la proportion de 1/500 de sa valeur au sol ; les rayons thermiques se dirigeant obliquement ne seront donc pas atténués.

Le rendement maximal des engins de fusion est obtenu par une explosion entre 25 et 80 km d’altitude. Aussi, le général soviétique Pokrovski estime-t-il qu’une bombe de 50 à 60 Mt explosant à ces altitudes pourrait allumer des incendies dans un cercle de 150 km de rayon ; la quasi-totalité de l’énergie libérée est irradiée jusqu’au sol, notamment dans la bande des infrarouges. Si la bombe A apparaît capable de détruire une ville, la bombe H serait par excellence l’arme stratégique qui pourrait détruire toute une région. Soulignons enfin que, dans les bombes de fusion, il n’y a pas, du moins théoriquement, de production de radio-activité instantanée, sauf celle qui provient du détonateur de fission. En raison de l’altitude où elles doivent exploser et de l’étendue de leur rayon d’action, les bombes H sont surtout destinées à l’armement des missiles. Il en résulte que, après avoir réalisé une miniaturisation suffisante de l’engin, il a fallu le loger dans l’ogive d’un missile : les Américains ont mis presque dix ans à résoudre ce problème.

Retombées radio-actives.
Par rapport à ceux d’une bombe A, les effets de l’explosion d’une bombe H se trouvent aggravés par le phénomène dit « des retombées radio-actives ». Le champignon nucléaire entraîne en effet dans l’atmosphère un tonnage considérable de matériaux les plus divers, qui vont retomber dans une zone affectant l’allure d’un cigare recourbé de 300 à 400 km de long et de 100 km de large. Ce danger vient s’ajouter aux effets immédiats de la bombe, mais la protection contre ce péril est assez simple : si l’on se trouve à une distance du point zéro telle que les constructions soient à peu près intactes, il suffit de rester à l’intérieur, de préférence dans les parties basses, et d’attendre que les consignes soient données pour sortir.


Conséquences des explosions nucléaires

De 1945 à 1963, date où les accords de Moscou ont mis un terme aux explosions aériennes, l’énergie dégagée par l’ensemble des explosions nucléaires a été évaluée à environ 700 Mt, soit 200 pour le secteur de la fission et 500 pour le secteur de la fusion.

Afin d’apprécier l’importance de ces chiffres, on notera que l’énergie dégagée de 1939 à 1945 par l’ensemble des projectiles tirés par tous les belligérants est estimée voisine de 5 Mt de T. N. T. Ainsi, « en temps de paix », l’homme a fait exploser en énergie dégagée 140 fois plus que pendant la Seconde Guerre mondiale.

Comme la fission engendre la radio-activité, on peut se demander dans quelle mesure ces explosions ont augmenté la radio-activité naturelle. Si on estime que, dans une bombe A, il y a formation d’environ 50 g de produits de fission par kilotonne, on arriverait, pour 200 Mt, à un poids de l’ordre d’une dizaine de tonnes de ces produits. Par ailleurs, la répartition de l’activité totale résiduelle des explosions nucléaires serait de : un tiers en retombée locale (arrivant au sol dans les 24 heures qui suivent l’explosion) ; un tiers en retombée différée ; un tiers en suspension dans l’air (dont une partie resterait pendant un certain temps dans la stratosphère). Du fait de la formation de produits de fission à longue période (il y en a une quinzaine), il peut y avoir augmentation de la radio-activité naturelle qui proviendra de l’action des pluies. En fait, c’est la formation des nuages qui, au niveau où elle se produit, draine les poussières. Celles-ci sont concentrées dans les nuages, qui les agglomèrent dans les gouttes de pluie avec lesquelles elles précipitent au sol : c’est le plus important du phénomène des retombées. En outre, des retombées dites « sèches » existent en l’absence de toute précipitation et semblent être une autofiltration des produits de l’atmosphère sur le sol ; elles représentent 20 p. 100 des retombées stratosphériques, 40 à 60 p. 100 des retombées troposphériques.