Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

bombardement aérien

Attaque d’un objectif au moyen de bombes lancées d’avion ou au moyen d’engins variés et notamment de missiles balistiques.


Jusque vers 1955-1960, le bombardement par air à longue distance a été le fait exclusif des avions. Son histoire est liée aux possibilités matérielles des appareils disponibles et par conséquent au développement technique de l’industrie aéronautique.

Les bombes d’avions

Les bombardiers emploient soit des bombes nucléaires, soit des bombes classiques. Dans cette catégorie, le type le plus répandu est la bombe explosive, comportant une charge de poudre contenue dans une enveloppe d’acier fuselée et munie d’empennage formant le corps de la bombe. À l’avant et à l’arrière sont placés des détonateurs, ou fusées, qui provoquent l’explosion à l’impact. Des anneaux soudés au corps de la bombe permettent de l’accrocher à un dispositif de largage, ou « lance-bombe ». Les bombes à souffle comportent près de 70 p. 100 de leur poids total en poudre et une enveloppe mince. Les bombes perforantes n’ont que 15 p. 100 d’explosif et un corps en acier spécial muni à l’avant d’une ogive. Les bombes explosives vont de 10 kg à 10 t ; les plus courantes sont celles de 150 à 500 kg.

Il existe bien d’autres types de bombes : incendiaires (depuis les plaquettes au phosphore jusqu’aux bombes spéciales de 1 t) ; au napalm (gel à base d’essence et de palmitate de sodium ou d’aluminium contenu dans un réservoir en alliage léger et dont l’allumage se fait à l’impact par une grenade incendiaire) ; toxiques (chargées de gaz de combat) ; bombes-mines (se posant au sol et n’éclatant qu’au passage d’un homme ou d’un véhicule) ; bombes éclairantes, fumigènes, d’exercice, etc. Certaines bombes, dites « cluster » (ou « en paquetage »), sont constituées par un assemblage de multiples bombettes ou grenades d’un kilo. Le paquetage est largué d’un seul coup et se défait au bout d’un certain temps de chute, dispersant les projectiles sur une grande surface.


1914-1918, la naissance du bombardement

L’idée du bombardement par air est venue tout naturellement aux premiers équipages qui, en 1914, survolèrent impunément l’ennemi et imaginèrent de lancer par-dessus bord des obus d’artillerie, des grenades, voire des fléchettes. On perfectionna vite les armes, les méthodes, et on créa des avions spécialisés, surtout en 1917 (Breguet « XIV » français, « Gotha » allemand, « Handley Page » britannique). Les objectifs visés sont généralement militaires et choisis sur le champ de bataille ou à proximité. Cependant, pour répondre aux bombardements allemands d’intimidation sur les villes par « Zeppelin » puis « Gotha », des raids de représailles sont lancés sporadiquement. La guerre s’achève sans que le bombardement ait pu jouer un grand rôle ; mais on a compris partout que son efficacité dépend de son emploi en masse. Après la guerre, le général italien Giulio Douhet (1869-1930) consacrera sa vie à défendre la thèse que la guerre future doit se gagner par l’aviation de bombardement, en subordonnant à son action toutes les autres catégories de forces, y compris la chasse de défense du territoire. Cette théorie fit l’objet de vives polémiques entre 1922 et 1928 et influença beaucoup les doctrines d’emploi de tous les pays. (V. aviation.)


1939-1945, le bombardement, élément indispensable de la décision

Au début de cette guerre, l’aviation de bombardement n’est pour tous les états-majors qu’une composante du combat terrestre visant à prolonger ou remplacer (Stuka) l’action de l’artillerie. C’est ainsi qu’elle est largement employée par les Allemands, qui l’utilisent pendant la guerre éclair pour détruire au sol l’aviation polonaise, désorganiser les bases aériennes françaises, semer le désordre et la panique dans les colonnes de ravitaillement et de réfugiés. Plus tard, à Malte, les bombardiers de la Luftwaffe arriveront presque à contraindre les Britanniques à abandonner l’île. Mais en 1944, durant la bataille de Normandie, 2 000 bombardiers alliés larguant 5 000 t de bombes sur un secteur de 1 600 m de large et 8 km de long ouvrent dans le front allemand de Saint-Lô la brèche où s’engouffre la Ire armée américaine ; trois semaines plus tard, la contre-offensive de la VIIe armée allemande sur Mortain est enrayée par l’aviation de bombardement.

Cependant, deux événements révèlent le rôle capital que peut jouer le bombardement aérien indépendamment des opérations terrestres : la bataille d’Angleterre de 1940, dont l’échec fut attribué par les Britanniques à l’insuffisance des moyens mis en œuvre par la Luftwaffe ; l’attaque japonaise sur Pearl Harbor en 1941, qui démontra l’efficacité d’un raid massif de bombardiers.

Aussi les Alliés révisèrent-ils leur doctrine et se lancèrent-ils fiévreusement dans la fabrication accélérée de quadrimoteurs lourds et la mise au point — qui durera deux ans — de bombes adaptées, de systèmes de navigation, de procédés de bombardement et de tactiques d’emploi. La priorité fut donnée à l’action stratégique, comme le voulait Douhet, sans cependant négliger l’aspect tactique. En 1943, à Casablanca, les Alliés optent pour des actions de bombardement visant systématiquement les villes allemandes en y paralysant les industries de guerre ; seront attaqués sans répit : les chantiers de construction de sous-marins, l’industrie aéronautique et des transports, les fabriques et entrepôts d’essence, les usines d’armement.

Ces divers objectifs ne sont plus désormais la cible de petits groupes d’avions de bombardement, mais celle de formations de plus en plus importantes qui iront jusqu’à représenter des flottes entières de plus de 1 000 bombardiers formés en vagues successives s’étirant sur 400 km. De jour — ce sera la tactique préférée des Américains — les avions volent groupés en « flight » de six appareils, qui, conjuguant leurs feux (10 mitrailleuses lourdes chacun), se défendent mieux et peuvent appuyer l’unité voisine. Les raids de nuit, pratiqués surtout par les Britanniques volant en flot serré, sont plus sûrs mais moins précis, malgré les destroyers marqueurs d’objectifs (« Mosquito » le plus souvent). Pour parfaire la tactique et augmenter la sécurité, des itinéraires sont empruntés à des altitudes différentes pour converger vers l’objectif. La défense antiaérienne intervient cependant avec une efficacité certaine, et les Alliés perdront plus de 9 000 avions dans les opérations de bombardement sur le Reich.

Si les effets sont loin d’être immédiats, ils n’en sont pas moins positifs, affaiblissant le soutien logistique au point de paralyser temporairement des unités combattantes de toutes sortes et absorbant pour la défense aérienne des effectifs hors de proportions avec ceux des attaquants.