Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Böll (Heinrich) (suite)

Mais c’est un homme de ce temps-ci, et déjà dans ses souvenirs d’enfance les grands événements politiques ont leur place : « Mon premier souvenir, c’est le retour de l’armée de Hindenburg ; grise, en bon ordre, elle a défilé devant nos fenêtres avec ses canons, ses chevaux, son désespoir ; j’étais sur le bras de ma mère et je regardais les colonnes sans fin qui marchaient vers le pont du Rhin. » Puis il y eut l’inflation de 1923, la crise économique de 1929-30, le chômage, la radicalisation de la lutte politique, la prise du pouvoir par Hitler (« quelques années plus tard, les chômeurs étaient tous casés : policiers, soldats, bourreaux, travailleurs dans l’armement... le reste était au camp de concentration »). Notations sans pathétique ni emphase, mais avec une ironie souvent amère, telle est la manière de Böll.

Ses premiers livres relatent tous des épisodes du temps de guerre, non pas des combats, mais des situations saisies souvent en marge de la guerre pour leur valeur révélatrice, ainsi dans Le train était à l’heure (1949) ou Voyageur, si tu vas à Spa... (1950).

Le titre de cette nouvelle était aussi celui du premier recueil qui fit connaître le nom de Heinrich Böll. Ces quelques pages font revivre dans un monologue intérieur entrecoupé de notations narratives les impressions d’un soldat blessé, évacué dans un hôpital provisoire qui se trouve justement être l’école d’où il est parti peu de temps avant. Mais tout est devenu autre et lui-même aussi.

L’immédiat après-guerre, l’Allemagne des décombres, du marché noir, de l’occupation alliée, des hivers meurtriers et des familles entassées dans ce qui restait des maisons fournissent le décor et les sujets de plusieurs récits de Heinrich Böll. Les images de cette époque se mêlent encore aux souvenirs de guerre dans Der Zug war pünktlich (1949) et Wo warst du, Adam ? (1951). La nouvelle intitulée Lohengrins Tod raconte la mort d’un orphelin de guerre obligé, dans les années juste après 1945, de faire vivre un jeune frère : il vole du charbon dans les convois qui vont vers les hauts fourneaux, se blesse grièvement en voulant sauter d’un train en marche et meurt à l’hôpital. Le médecin découvre alors son prénom : « Il s’appelait Lohengrin, car il était né en 1933, au moment où les illustrés publiaient des photos de Hitler au festival de Bayreuth. » Image symbolique à coup sûr que celle de ce Lohengrin né en 1933 et mort misérablement en 1945. Autre symbole cher à Böll la croix qui, sur le mur de son école, transparaît à travers la mauvaise couleur qui a été étendue sur le mur après 1933 pour masquer l’ancienne appartenance catholique de l’établissement.

Böll est, en effet, un écrivain catholique, mais très volontiers critique envers l’Église comme envers la société établie. Cela apparaît particulièrement dans la deuxième partie de son œuvre, celle qui se situe dans l’Allemagne restaurée, revigorée, devenue riche et prospère dans les années entre 1950 et 1960 : Und sagte kein einziges Wort (1953), Haus ohne Hüter (1954), Billard um halbzehn (1959), Ansichten eines Clowns (1963), Billard um halbzehn est, de tous les romans de Böll, celui qui embrasse la plus longue période, puisque l’action s’étend sur trois générations, de l’époque wilhelminienne aux lendemains de la défaite de 1945. Quant au clown, il est une sorte de symbole de la conscience intellectuelle dans la société contemporaine : il a au plus haut degré le sentiment non seulement de la relativité des valeurs grâce auxquelles se soutient la société établie, mais aussi de l’absurdité des situations qu’elle impose. Le clown est aussi un raté, un artiste manqué, à qui sont restés seulement le regard critique et un ricanement qui rappelle parfois celui de Christian Buddenbrook, cette figure du roman de Thomas Mann dont tout le talent était dans la parodie et la moquerie. Le clown de Böll est plus populaire, plus tragique, plus proche de la misère.

La foi catholique de Böll n’est pas sans problèmes et son credo, qui doit beaucoup à Kierkegaard, est assez proche du credo quia absurdum. La philosophie de l’absurde transparaît souvent dans cette œuvre qui se sauve par une sorte d’amour des simples, de cordialité proche des petites gens. Böll refuse toutes les conventions et les satisfactions immédiates d’un monde dont il embrasse l’évolution d’un regard de plus en plus large (Gruppenbild mit Dame, 1971). En 1972, il a reçu le prix Nobel de littérature.

P. G.

 Der Schriftsteller Heinrich Böll, ein biographisch-bibliographischer Abriss (Cologne, 1960).

Bologne

En ital. Bologna, v. d’Italie, capit. de la région de l’Emilie-Romagne ; 494 000 hab.


Bologne est un important centre commercial, industriel, administratif et universitaire. C’est aussi un nœud de communications essentiel entre l’Italie du Nord et l’Italie centrale et méridionale.

Les conditions géographiques ont fixé très tôt les hommes sur l’emplacement actuel de Bologne. La situation est favorable, car l’obstacle de l’Apennin est ici moins rigoureux grâce à la présence de cols (Porretta, monte Citerna, Futa) ouvrant la route de la Toscane. Bologne, outre sa position sur la Via Emilia joignant Milan à l’Adriatique, commande ainsi la liaison nord-sud, empruntée par les voies ferrées et l’autoroute du Soleil. La ville, à 55 m d’altitude, se trouve au contact des derniers contreforts de l’Apennin et de la fertile plaine padane, entre le fleuve Reno et le torrent Savena ; ce site, à l’abri des inondations des rivières, permettait dans le passé une défense aisée.

Les documents archéologiques prouvent la présence humaine dès le Néolithique. Au vie s. av. J.-C., une ville étrusque (Felsina) s’y élève, détruite ensuite par les Gaulois. En 189 av. J.-C., les Romains y placent un castrum (Bononia), qui devient un centre commercial et agricole notable. De nouveau détruite lors des invasions barbares, soumise à diverses dominations, réduite à l’état de misérable bourgade, Bologne renaît avec le mouvement communal médiéval. À la fin du xie s., elle devient, grâce à son université, un foyer culturel de rayonnement européen. Elle atteint son apogée au xive s. et compte alors 55 000 habitants. Ses progrès sont, par la suite, plus lents, et, au moment de l’unité italienne, Bologne dépasse à peine 100 000 habitants. La mise en place du chemin de fer (1859) et celle des activités industrielles vont, toutefois, lui donner une vigoureuse impulsion.