Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bolivie (suite)

L’histoire


Une province de l’Empire inca

Le processus d’unification commence au xiie s. à partir de Cuzco (Pérou) et atteint la zone de l’actuelle La Paz sous l’Inca Mayta Cápac (1195-1230) ; au xiiie s., l’expansion se fait en direction du nord, non plus dans la zone de langue aymara, mais vers les hautes terres quechuas. De cette époque, la Bolivie a hérité ses masses indiennes, Aymaras, concentrés autour du lac Titicaca, et Quechuas, qu’on trouve au nord de Cuzco. La Bolivie rurale a gardé l’« ayllu », base de la société indienne, communauté religieuse clanique et économique fondée sur la consanguinité, le culte des dieux lares et la propriété collective.


La mine de l’Empire espagnol

Les conquistadores entrent à Cuzco le 15 novembre 1533 ; le départ d’Almagro pour le Chili encourage le soulèvement de l’Inca Manco Cápac, le demi-frère de l’Inca Atahualpa, et derrière lui celui des hautes terres quechuas. En 1538, la résistance indienne prend fin. La grande province minière de l’Empire espagnol se trouve à cheval sur les actuels Pérou et Bolivie, c’est-à-dire dans la zone de plus dense peuplement indien ; le fameux argent du Pérou est donc en grande partie bolivien. Ces mines du Pérou et de Bolivie bénéficient d’un recrutement de main-d’œuvre sur place grâce à la « mita », travail forcé, corvée héritée du système des Incas. Elles se trouvent sur le plateau à 4 000 m d’altitude, et l’abondance de leur production s’explique par l’abondance de la main-d’œuvre. Les conditions de travail sont atroces : les galeries émergent souvent à 4 500 m, et, au manque d’oxygène, s’ajoutent le froid, les contrastes de température entre la surface et la mine, le manque de nourriture. La Bolivie, c’est la mine et ses mineurs ; administrativement, elle dépend du vice-royaume du Pérou et de l’« audience » de Charcas, qui regroupe le haut Pérou et les plateaux aymaras de l’actuelle Bolivie. Cette « audience » est rattachée au xviiie s. au vice-royaume de La Plata (v. Argentine). La Bolivie, qui n’existe donc pas comme unité administrative, est une des zones restées les plus indiennes : les créoles n’y représentent que 15 p. 100 de la population. Avec le bas Pérou, elle constituera la zone loyaliste par excellence au moment de l’indépendance.


Le xixe siècle

Le Pérou et la Bolivie sont restés fidèles à l’Espagne jusqu’au bout, comme si les Indiens pressentaient que l’indépendance aggraverait leur condition. Et, en effet, ce sont les haciendas, renforcées par le fameux décret de Bolívar (qui a donné son nom au pays) du 8 avril 1824, qui bénéficient de l’indépendance (laquelle sera proclamée officiellement le 6 août 1825). Le décret ordonne bien la répartition des terres de communauté pour susciter une petite propriété indienne, mais il n’a d’autre résultat que de permettre l’accaparement frauduleux de ces terres par les haciendas, d’où la réduction des Indiens à un quasi-servage qui prend le nom de colonat ou de huasipongaje. Une telle pression crée une situation explosive qui provoque de violentes jacqueries et explique aussi le succès des dictatures militaires. C’est le cas de la dictature du général Andrés de Santa Cruz, à partir de 1829. Ce métis, qui se prétend fils d’une princesse inca, rêve de rassembler les deux Pérous pour reconstituer l’Empire inca : maître du haut Pérou et de la Bolivie, ayant rallié les masses indiennes, il épouvante l’aristocratie créole du bas Pérou, qui redoute un possible radicalisme social de la part de ce métis. En 1835, Santa Cruz prend Lima ; en 1836, il proclame la confédération, qui est reconnue par la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis. Mais les Amériques latines blanches, Chili et Argentine, craignent le monde indien ; par la force, en 1839, elles obtiennent la dissolution de la confédération. Depuis les victoires de Santa Cruz, la Bolivie, retournée à son isolement, n’a plus connu que des défaites. Lors de la guerre du Pacifique (1879-1883), le Chili lui enlève toute sortie sur le Pacifique et, en 1903, le Brésil lui prend le territoire amazonien d’Acre (150 000 km2, une poignée d’Indiens de l’âge de la pierre).


1902-1935

Vaincue encore en 1935 par le petit Paraguay au cours d’une atroce guerre de trois ans, pour la possession du désert du Chaco, la Bolivie a un taux de croissance démographique très bas, signe de misère et de faiblesse. « Sous la domination espagnole, la Bolivie a tiré de ses mines 21 millions de ducats, dont elle a gardé 5 millions, soit un quart ; de 1941 à 1946, les seules mines de la compagnie Patiño ont réalisé un bénéfice de 1 515 millions de bolivianos, triplant le capital initial et ne payant que 307 millions d’impôt », dit un rapport de 1946. La compagnie Patiño contrôlait 60 p. 100 de la production d’étain en Bolivie et se trouvait représentée sur tous les gisements d’étain dans le monde ; elle en assurait aussi la fonte. La puissance économique des compagnies, Patiño en tête, devint rapidement la source du pouvoir réel.


1936-1952

Les gouvernements militaires qui se succèdent après la guerre du Chaco sont animés de préoccupations nationalistes et socialistes ; mais ils se heurtent constamment à l’oligarchie minière.

En 1936, l’armée confie le pouvoir au colonel José David Toro ; en 1938, au colonel Germán Bush. En 1940, le général Peñaranda, représentant la droite, succède à ces gouvernements fascistes de gauche. En 1943, un nouveau coup d’État militaire donne le pouvoir au colonel Gualberto Villaroel, qui s’appuie sur le M. N. R. (Mouvement nationaliste révolutionnaire). Villaroel encourage la formation d’un syndicalisme des ouvriers mineurs, amorce une législation du travail et supprime, en principe, le huasipongaje (la servitude) des Indiens. Mais il est renversé et assassiné (1946) par un mouvement fomenté par l’oligarchie et appuyé par des officiers conservateurs. La tendance conservatrice se maintient à grand-peine au pouvoir durant la période agitée 1946-1952.