Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bohême (suite)

L’histoire


Les origines

Les vallées de la Bohême ont été occupées par l’homme durant toute la préhistoire. Au milieu du Ier millénaire av. J.-C., un peuple celte, les Boïens, envahit le pays. Il a donné son nom à la Bohême : Bojohemum. Il a laissé un héritage durable dans les techniques du travail des métaux et des outils, et il a servi de pont avec le monde méditerranéen. Déjà attaqués au iie s. par les Cimbres et les Teutons, les Celtes sont battus, vers les années 9 et 8 av. J.-C., par les tribus germaniques des Quades et des Marcomans. Le chef des Marcomans, Marobode (ou Marobud), élevé à la cour d’Auguste, essaie d’imiter l’Empire romain en unifiant les tribus guerrières qui menaçaient constamment le limes romain construit sur le Danube. Les découvertes archéologiques attestent un net recul de l’occupation germanique en Bohême au ve et au vie s., sous l’influence de l’invasion des Huns et du glissement général des peuples germaniques vers l’ouest.

Au ve s. apparaissent les Slaves* en deux vagues d’invasion. Contrairement à ce que l’on a cru longtemps, le peuple nomade des Avars, d’origine turque, n’est arrivé qu’un siècle et demi plus tard.

On sait peu de chose sur les viie et viiie s. Le marchand franc Sámo aurait, vers 623, unifié les tribus slaves, battu les Avars et tenu en échec en 631 une armée d’invasion franque.

À la fin du viiie s. et pendant tout le ixe s., la Bohême participe à la splendeur de la Grande-Moravie*, dont elle constitue la marche occidentale. Elle est ainsi touchée par le vaste mouvement d’évangélisation du ixe s., prêché par les missionnaires allemands et organisé par les frères Cyrille et Méthode, qui, en 863, sont appelés de Byzance par le prince Rostislav. Au début du xe s., l’invasion hongroise provoque l’effondrement de la Grande-Moravie et rejette les Slaves du bassin danubien vers le nord-ouest.


Les Přemyslides

Ainsi, le pouvoir se déplace de la Moravie du Sud vers la Bohême, où il va s’établir durablement. Avec le prince Bořivoj, la dynastie des Přemyslides impose, au début du xe s., son autorité aux autres tribus slaves de Bohême. Le court règne de Venceslas* (Václav Ier), qui dura de 921 à 929, devait prendre après sa canonisation une dimension légendaire et faire de lui, dans la conscience populaire, le prince-protecteur et le saint patron de la Bohême.

Sous ses successeurs Boleslav Ier (929-967) et Boleslav II (967-999), la Bohême renforce son caractère d’État organisé et indépendant, héritier de la Grande-Moravie. L’installation d’un évêché indépendant à Prague en 973 transporte le centre du pouvoir religieux dans la résidence favorite des Přemyslides. Le nouvel État a à défendre son indépendance contre son puissant voisin de l’Ouest, l’Empereur. Les princes de Bohême doivent prêter à l’Empereur un serment d’allégeance, mais il s’agit d’un lien purement personnel. En 1085, Vratislav II obtient de l’Empereur la dignité royale en échange de son aide. Ce titre ne lui est accordé qu’à titre personnel, mais la Bulle d’or de 1212 reconnaîtra officiellement la couronne royale de Bohême.

Au cours du xiie s., la puissance du souverain semble menacée à l’intérieur par le renforcement de la noblesse. L’empereur Frédéric Barberousse tente d’affaiblir le prince de Bohême en créant un margraviat de Moravie et en encourageant les prétentions des évêques de Prague à jouer un rôle politique. Mais, à la fin du xiie s., l’accord des candidats au trône met fin à ces querelles en donnant à Otakar Ier Přemysl un pouvoir incontesté.

Le xiiie s. marque le triomphe de la monarchie féodale en Bohême. L’agriculture avait déjà connu de grands progrès lors de l’introduction de l’assolement triennal du ixe au xie s. Mais, avec le xiiie s., les grands défrichements favorisent la création de nouveaux villages. Les Přemyslides font appel à des colons allemands, qui s’installent en grand nombre sur le pourtour du quadrilatère de Bohême et dans les plaines de Moravie. Les Allemands participent également à l’essor des villes, en prenant une place importante dans l’artisanat et dans le commerce. Le réseau des villes de Bohême est alors le plus dense de toute l’Europe centrale, et la civilisation urbaine, surtout dans les villes royales, appuyées sur les corporations d’artisans et sur les guildes de marchands, peut supporter alors la comparaison avec les villes de l’Europe occidentale. La découverte de riches gisements d’argent à Kutná Hora et dans le centre de la Bohême attire des mineurs, venus en partie de la Saxe. C’est dans les villes minières privilégiées de la Bohême que s’élabore le droit minier de l’Europe centrale. Ainsi, le royaume peut compter sur une solide monnaie d’argent, le groš de Prague. L’introduction de l’argent dans l’économie facilite au xiiie s. la transformation des droits seigneuriaux en une rente en argent et la libération de la paysannerie des formes les plus contraignantes de la dépendance.

Avec Otakar Ier Přemysl (1197-1230), le royaume de Bohême joue un rôle de plus en plus important dans les affaires de l’Empire, et le roi de Rome et de Sicile Frédéric II reconnaît par sa Bulle d’or de 1212 la position privilégiée de la Bohême. Otakar II Přemysl (1253-1278) est l’un des plus puissants souverains de son temps. Par la conquête de la Styrie et de la Carniole, il étend les frontières du royaume de Bohême jusqu’à l’Adriatique. Son ambition inquiète les autres pays de l’Europe centrale. En 1273, il prétend à l’Empire, mais Rodolphe de Habsbourg est élu à sa place. Otakar conteste l’élection par les armes ; le nouvel Empereur rassemble contre lui une coalition du duc de Bavière, du comte de Tyrol et du roi de Hongrie, et le bat à Dürnkrut, dans le Marchfeld (1278). Le roi de Bohême périt dans le combat.

Son fils Venceslas II (1278-1305) se réconcilie avec les Habsbourg. Rejeté et vaincu à l’ouest, il cherche des compensations à l’est. Il se fait couronner roi de Pologne en 1300, et, lorsque la dynastie des Árpád s’éteint en Hongrie en 1301, il sollicite pour son fils ce dernier royaume. Mais il se heurte à l’opposition du pape et des Habsbourg. Venceslas III (Václav III) réunit symboliquement en sa personne les trois royaumes, mais périt assassiné en 1306. Avec lui disparaît la dynastie des Přemyslides.