Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Blocus continental (suite)

Les résultats

Ces buts furent-ils atteints ? Napoléon avait voulu non pas affamer la Grande-Bretagne, mais l’acculer à la négociation par la ruine économique et financière. Effectivement, à partir de 1809, des faiblesses apparaissent dans le « système britannique », la livre connaît des défaillances en 1811, on enregistre faillites, chômage et quelques troubles sociaux, et puis la guerre avec les États-Unis, survenue en ricochet du duel franco-anglais en juin 1812, ouvre une perspective dangereuse.

Mais de l’autre côté, dans l’Empire français, une crise éclate également en 1810-11, avec la débâcle de négociants en denrées coloniales, avec l’agonie des ports atlantiques, avec l’impopularité du « système », moins en France qu’au-dehors (notamment en Allemagne et en Suisse), où les taxations, les séquestres, les destructions brisent la nécessaire régularité des échanges. Les jugements des cours prévôtales, à commencer par les plus bénins, ceux qui condamnent les humbles « porteurs » de contrebande à six mois de prison, irritent.

La balance est donc incertaine des chances de succès et des risques d’échec. En dépit de certaines contradictions internes (entre les exigences politiques, financières et économiques), l’entreprise pourrait, avec le temps, réussir. Mais la campagne de Russie (1812) va entraîner l’effondrement du Blocus continental.

F. L.

➙ Empire (premier) / Napoléon Ier.

 E. F. Heckscher, The Continental System, An Economic Interpretation (trad. du suédois, Oxford, 1922). / M. Dunan, Napoléon et l’Allemagne. Le système continental et les débuts du royaume de Bavière (Plon, 1942). / B. de Jouvenel, Napoléon et l’économie dirigée. Le Blocus continental (La Toison d’or, Bruxelles, 1942). / F. L’Huillier, Étude sur le Blocus continental (P. U. F., 1952). / F. Crouzet, l’Économie britannique et le Blocus continental (P. U. F., 1959 ; 2 vol.). / J. Godechot, l’Europe et l’Amérique à l’époque napoléonienne (P. U. F., coll. « Magellan », 1967).

blocus naval

Ensemble des opérations ayant pour but d’investir une ville, un port ou les côtes d’un pays afin d’interdire ou d’intercepter ses communications avec l’extérieur.



Introduction

Apparu en français au xvie s., le terme de blocus s’appliqua d’abord à la guerre de siège, où le premier objectif d’une armée assiégeante est de réaliser un investissement sans faille des garnisons assiégées. (V. fortification.)

Toutefois, les conflits modernes ont mis surtout en valeur le blocus naval, qui, visant le ravitaillement par voie maritime d’un pays belligérant, menace directement son économie et donc sa capacité de résistance. On conçoit qu’il s’agit là d’une très vaste opération, exigeant de gros moyens et de longs délais. Elle intéresse aussi les pays neutres, dont les navires sont seuls, en temps de guerre, à pouvoir théoriquement naviguer sans risquer d’être saisis. En revanche, celui des belligérants qui possède la maîtrise des mers cherchera à contrôler la navigation des neutres et surtout à leur interdire le transport d’armes ou de toute marchandise utile aux fabrications de guerre. Cette prétention, qui définit à la fois la contrebande de guerre et le droit de prise, a été formulée pour la première fois en 1604 par le juriste hollandais Grotius*. La notion de blocus demeure contestée, et l’histoire nous apprend que les belligérants l’ont toujours interprétée dans le sens qui leur était le plus profitable.


Blocus naval britannique et Blocus continental

• Au xviie et au xviiie s., c’est l’Angleterre qui, dans sa longue lutte pour acquérir la suprématie navale, va user le plus largement du blocus. En 1689, par une simple proclamation aux neutres, elle l’applique à toutes les côtes françaises, puis renouvelle cette prétention durant les guerres de Sept Ans et de l’Indépendance américaine. Ces blocus restèrent toutefois souvent fictifs dans la mesure où ils n’étaient pas appuyés par la présence effective de bâtiments de guerre.

• Les campagnes de la Révolution et de l’Empire vont permettre aux Anglais de pratiquer un blocus rigoureux : le port de Brest est ainsi bloqué en permanence de 1803 à 1806 par l’amiral Cornwallis (1744-1819) avec un minimum de vingt vaisseaux. Un ordre de l’Amirauté du 16 mai 1806 met en état de blocus les côtes de l’Empire français entre Brest et l’Elbe ; c’est pour répondre à cette décision que Napoléon lance le Blocus continental (v. art. précédent), qui ferme théoriquement le continent aux marchandises anglaises.


Le blocus, facteur important de la décision dans les deux guerres mondiales

Après les traités de Paris de 1815 et de 1856, le blocus est astreint à des règles plus strictes. Il ne suffit plus qu’un port soit investi pour que cette opération prenne effet immédiatement sur les neutres. Ceux-ci doivent être avertis du fait et de l’intention précise du belligérant, notifiée aux autorités du port bloqué en donnant un délai aux navires neutres pour qu’ils puissent sortir librement.

Quand, en 1914, éclate la Première Guerre mondiale, les alliés franco-anglais veulent aussitôt profiter de leur maîtrise incontestée des mers pour tenter de bloquer le ravitaillement des Empires centraux. Cela entraîne des mesures sévères fondées sur la déclaration de Londres de 1909 ; celles-ci sont annoncées par les Alliés dès le 29 octobre 1914. Sauf preuve du contraire à fournir par les armateurs, tous les navires marchands sont considérés comme transportant des marchandises destinées aux Empires centraux. La liste des produits désignés comme contrebande de guerre (métaux, caoutchouc, laine, etc.) est publiée et s’allongera sans cesse.

L’amirauté allemande répondra en accentuant la guerre au commerce allié. Celle-ci prendra d’abord la forme d’une guerre de course, mais c’est surtout le sous-marin qui, dès la fin de 1914, apparaît aux Allemands de façon très pragmatique comme l’arme la plus efficace contre le blocus. Proclamée en 1915, aggravée en 1917, la guerre sous-marine menée par le Reich se proposait de faire capituler l’Angleterre en tarissant son ravitaillement. Ainsi, de façon toute fortuite, les problèmes du blocus se trouvaient liés à ceux de la guerre sous-marine. Leur importance sera considérable dans la défaite allemande de 1918.