Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Birmanie (suite)

Les Pyus

Les Pyus sont des Tibéto-Birmans dont l’existence nous est connue seulement par les chroniques chinoises et les vestiges archéologiques qu’ils ont laissés. Il semble que leur royaume se soit effondré définitivement au ixe s., et que leur race ait été alors décimée au point de s’éteindre ; il fut question d’eux, ensuite, dans l’inscription dite « de Myazedi » (mais provenant de Kubyaukyi) [xiiie s.], en quatre langues, dont l’une est le pyu : la disparition totale d’une ethnie aussi importante reste en partie inexpliquée.

Les chroniques chinoises du iiie au ixe s. apr. J.-C. décrivent le raffinement de leur civilisation, leurs costumes blancs, leurs musiciens et leurs chanteurs, les murs de briques vernissées de l’une de leurs villes, pleines de monastères et d’œuvres d’art.

Les vestiges archéologiques prouvent l’existence de cités considérables, l’usage, au moins depuis le vie s., d’une écriture proche de celle de l’Inde méridionale ; les urnes funéraires et d’autres indices suggèrent qu’ils incinéraient leurs morts ; des statues, restes de temples, témoignent de croyances bouddhistes et vishnuistes ; trois de ces cités ont été découvertes : Peikthano (Peiqçanô), près de Taungdwingyi (Taundwin‘ji), Śrīkṣetra, maintenant village de Hmawza (Hmoza), près de Prome, où les inscriptions attestent l’existence d’une dynastie de 673 à 718, enfin Halin (Haling), au sud de Shwebo (Chwébô), cette dernière décrite par les chroniques chinoises.


Les Môns

Ils étaient établis au Siam (royaume de Dvāravatī, qui existait au viie s. et peut-être antérieurement), mais leurs États s’étendaient jusqu’au golfe de Martaban (Môttema’) ; leur royaume (ou province ?) de basse Birmanie était le Ramnadeśa, pays des Rmens, ou Môns.

Les géographes arabes et les témoignages archéologiques nous renseignent sur eux. D’après les sources arabes, qui décrivent la richesse du Ramnadeśa au ixe s., le centre de cet État se déplaça à cette époque vers l’ouest, vers Thaton, dont l’enceinte subsiste ; quant à Pegu (Pégou), ultérieurement capitale, diverses chroniques attribuent sa fondation à 825. On sait, par les chroniques chinoises, que les attaques du Nan zhao (Nan-tchao) échouèrent en 835 contre les Môns.

Ensuite, on entend encore parler d’un florissant royaume môn en basse Birmanie, quand le premier roi birman « historique », Aniruddha (ou Anoratha), en conquit la capitale, Thaton (Çatong), au xie s. La civilisation des Môns donna une écriture et un style architectural aux Birmans, et, tandis que le royaume birman de Pagan contrôlait de plus en plus difficilement la basse Birmanie, les Môns regagnaient leur indépendance.

Au moment de la chute de Pagan, lorsqu’il s’empara de Martaban (Môttema’), l’aventurier thaï Wareru (Warérou) fit alliance avec le roi môn de Pegu pour chasser définitivement les gouverneurs birmans du pays, puis se débarrassa de son allié ; le royaume môn se trouva consolidé par ce Thaï. Il fit compiler un code fameux, dit « loi de Manu », d’après des usages môns déjà consignés par écrit, code qui fut ensuite emprunté par les Birmans.

Le royaume môn de Pegu dura jusqu’en 1559. Paisible, prospère, bien administré, il fit l’admiration de voyageurs russes et italiens au xve s., Afanassi Nikitine, Niccolo dei Conti et Ludovico de Varthema. Ils vantèrent la splendeur de la capitale, Pegu, et aussi la pagode Shwedagong du village de Dagon (futur Rangoon), pagode qui est aujourd’hui le symbole de la Birmanie pour les touristes...

La basse Birmanie ne fut troublée, pendant toute l’hégémonie des Môns, que par les attaques des Thaïs du Siam, qui annexèrent la partie sud du Tenasserim, par celles des Chans et des Birmans de Birmanie centrale, attaques sans résultat jusqu’à ce que les Birmans fussent redevenus les maîtres en Birmanie centrale.

Les guerres de ces derniers avec le Siam, les levées épuisantes en hommes que ces campagnes provoquèrent parmi les Môns, les ravages que subit leur pays, lieu de passage des armées belligérantes et souvent lieu de bataille, entraînèrent au xviie s. plusieurs vagues de migration des Môns vers le Siam ; lorsque la capitale de l’Empire birman fut transférée de Pegu à Ava, en 1635, le dépeuplement du delta et de la basse Birmanie, par suite de l’exode massif des Môns, était déjà très avancé.

Mais, en même temps que leurs maîtres birmans allaient s’affaiblissant, ils s’éloignaient. En 1740, les Môns cessèrent de reconnaître l’autorité d’Ava, mirent sur le trône de Pegu un roi môn, et, en 1752, prirent et brûlèrent Ava. Ce fut la dernière et fugitive reconstitution de l’Empire môn : en 1754, Ava retomba aux mains des Birmans. Un chef local réussit à prendre la tête d’un mouvement de résistance nationale birmane, qui arracha successivement aux Môns le contrôle de la Birmanie centrale, puis de la basse Birmanie ; Pegu tomba et fut brûlée en 1757 ; une rébellion des Môns fut écrasée deux ans plus tard, et l’exode môn reprit vers le Siam.

Pendant deux siècles, on n’entendit pour ainsi dire plus parler des Môns.

En 1948, une « Regional Autonomy Commission » fut chargée d’étudier la question de l’autonomie des Môns, des Karens et des Arakanais. L’année suivante, alors que le soulèvement karen avait commencé, des groupements appelés National Defence Organization, Karens et Môns, furent mis hors la loi.

Lors de l’amnistie offerte aux insurgés par le Premier ministre U Nu en 1958, 360 Môns du « Mon People Front » se rendirent, et un plus grand nombre encore un mois plus tard ; U Nu leur promettait de ne pas s’opposer à la création d’un État môn séparé, autour de Moulmein (Môle-myaing), promesses qu’il renouvela lors de la campagne électorale de 1960 ; triomphalement élu, il annonça ensuite la création d’une commission préparatoire pour la formation d’États môn et arakanais.