Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

biologie (suite)

Ces acquisitions récentes trouvent leur application dans le domaine humain. La séquence des acides aminés de diverses protéines de l’Homme est établie : insuline, 51 acides aminés (F. Sanger, 1953) ; ribonucléase, 124 ; myoglobine, 153 ; chymotrypsinogène, 246 ; hémoglobine, 534. On sait que les hémoglobines diffèrent les unes des autres par un ou plusieurs acides aminés. La substitution d’acides aminés, en changeant la nature des protéines synthétisées, agit sur le rôle de ces protéines. Les perturbations, inhibition ou apparition de nouvelles fonctions, se manifestent dans les diverses maladies du métabolisme et dans les nombreuses hémoglobinopathies.

Lors d’une trisomie 21 (trois chromosomes 21 au lieu de deux), l’activité phosphatasique alcaline des polynucléaires est 1,5 fois plus grande que chez les sujets normaux à deux chromosomes 21, soit le même rapport 3/2 que celui noté dans le nombre des chromosomes 21. Ce chromosome 21 paraît donc renfermer le ou les gènes en rapport avec l’élaboration de la phosphatase alcaline.

Les Crick, Watson, Nirenberg, Ochoa, Kornberg, Jacob, Monod ont fait progresser la génétique moléculaire ; elle complète la génétique classique et explique la nature de faits anciens ou nouvellement acquis. Elle n’est jamais en contradiction avec la génétique mendélienne.


Évolution

Le problème de l’origine des êtres vivants s’est toujours posé à l’Homme. Deux solutions, fixiste et évolutionniste, paraissaient susceptibles d’expliquer la genèse des espèces animales et végétales.

Le fixisme, ou créationnisme, vraisemblablement la plus ancienne hypothèse, admet que les êtres vivants ont été créés « chacun selon son espèce » ; la création des espèces suivait un certain ordre, celle de l’Homme étant la dernière. Ainsi était accepté le dogme de la création relaté au premier chapitre de la Genèse. Cette conception, ardemment défendue au xvie s. par un jésuite espagnol, le père Francisco Suárez (1548-1617), a prévalu jusque vers le xviiie s. Linné écrivait en 1736 : « Il y a aujourd’hui autant d’espèces que l’Être infini en a créé au début. » Mais vingt ans plus tard sa pensée devait se modifier, car il avait constaté la naissance d’espèces nouvelles à la suite de croisements entre espèces préexistantes. La découverte des fossiles animaux et végétaux fit apparaître une difficulté majeure : il fallait expliquer l’origine de ces peuplements disparus et fort dissemblables des espèces vivantes. Cuvier, le créateur de la paléontologie, imagina des cataclysmes variés qui détruisaient beaucoup d’êtres vivants ; le repeuplement se réalisait grâce aux faunes et flores épargnées ou par des créations nouvelles. Alcide d’Orbigny (1802-1857) n’hésita pas à admettre 27 cataclysmes successifs nécessitant de nouvelles créations pour repeupler la Terre.

L’absurdité de telles hypothèses discrédita la conception fixiste, qui n’a plus qu’un intérêt historique.

L’évolutionnisme est fondamentalement différent du fixisme ; la fixité, caractère essentiel, disparaît pour être remplacée par le changement. Les êtres vivants se transforment les uns dans les autres ; ils sont devenus ce qu’ils sont. Le déroulement des transformations de la matière vivante, depuis son origine estimée à quelque deux milliards d’années au moins, constitue le fait de l’évolution.

L’évolution est en effet un fait observé et analysé. Les diverses espèces végétales et animales dérivent les unes des autres par filiation, les plus récentes provenant des plus anciennes, ainsi que le montrent des preuves paléontologiques, embryologiques, anatomiques, chimiques.

L’évolution, phénomène très lent, obéit à des lois qui présentent des caractères généraux : complexité constamment croissante, cycles évolutifs (naissance, épanouissement, diversification, sénescence, mort), formes primitives synthétiques, relais des groupes, orthogenèses, irréversibilité de l’évolution régressive.

Cette conception évolutive était déjà adoptée par des philosophes grecs (Anaximandre, Empédocle, Démocrite, Aristote), des Pères de l’Église (saint Grégoire de Nysse, saint Augustin). Mais il faudra attendre le xviiie s. pour que les idées évolutionnistes prennent leur essor ; des précurseurs : Buffon, Maupertuis, Diderot, Erasme Darwin préparaient les esprits à comprendre les conceptions proposées par J. B. Lamarck et Ch. Darwin.

Il restait à déceler les mécanismes qui avaient permis ces transformations successives. Des hypothèses : lamarckisme, darwinisme, mutationnisme, théorie synthétique, ont tenté d’en donner une explication. Aucune de ces hypothèses n’est totalement satisfaisante ; chacune renferme une part plus ou moins importante de valeur explicative. Mais, actuellement, de fort nombreux mécanismes ne sont pas compris.

Pour conclure, il est intéressant de poser la question : que sait-on scientifiquement de la vie ?

Honnêtement, l’on est contraint de répondre : à peu près rien, aussi bien sur sa nature que sur son origine.

La notion de génération spontanée fut liquidée par les expériences de Pasteur (1860-1866), qui eut encore à lutter contre des antagonistes (A. G. Pouchet, Adolf Bastian). Les progrès de la biochimie et de la biologie moléculaire ont fait naître des espoirs. À partir de corps présents dans l’atmosphère primitive (vapeur d’eau, gaz carbonique, méthane, ammoniac), on a réussi la synthèse des composés de la matière vivante (sucres, acides gras, acides aminés, nucléotides...). La « soupe chaude primitive » de l’Anglais John Scott Haldane, les « coacervats » du Soviétique Aleksandr Ivanovitch Oparine pourraient suggérer des conditions et des milieux favorables à la naissance du vivant, mais il reste à le prouver expérimentalement.

Toutes les synthèses de molécules, de macromolécules, de chaînes plus ou moins complexes de macromolécules, de protéines constituent des acquisitions offrant un puissant intérêt ; mais tous ces produits réalisés au laboratoire conservent leur statut de composés organiques et sont, jusqu’à présent, dépourvus de ce « quelque chose » qui en ferait de la matière vivante. L’ignorance est totale, actuellement, dans ce domaine.

A. T.