Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

biologie (suite)

À partir de 1910, l’orientation des travaux changea ; l’école américaine (T. H. Morgan, C. B. Bridges, A. H. Sturtevant, H. J. Muller) choisit un nouveau matériel, la Mouche du vinaigre (Drosophila melanogaster) ; sa reproduction rapide, l’abondance des individus dans les générations successives (un couple produit 200 à 300 descendants en douze jours à 20 °C), l’élevage standard facile en faisaient un matériel éminemment favorable. Ainsi furent élucidés divers mécanismes, et des hypothèses explicatives furent proposées : théorie chromosomique de l’hérédité, théories de l’association (linkage) et de la recombinaison (crossing-over, ou enjambement) des gènes, hérédité liée au chromosome sexuel, carte des gènes des différents chromosomes de la Drosophile, chromosomes géants des Diptères, théorie de la dominance, effet de position. Les techniques de transplantation d’organes (G. Beadle et Ephrussi, 1936), appliquées à l’œil de la Drosophile, ont permis de débrouiller les étapes successives de la pigmentation oculaire. L’induction expérimentale de mutations par les rayons X (Muller, 1927) permit l’analyse des mutations, de leurs divers types, de leur rôle dans la spéciation (A. H. Sturtevant, T. Dobzhansky). De nombreux facteurs mutagènes furent découverts.

Puis la Drosophile, la Mouche « miracle », perdit peu à peu de son importance ; elle fut remplacée par des Champignons Ascomycètes (Neurospora) et des micro-organismes variés (Bactéries, Bactériophages, Virus), matériaux mieux adaptés à des recherches de génétique physiologique et à l’étude structurale des gènes.

La génétique des micro-organismes, à peu près inconnue, fit de considérables progrès au cours des trente dernières années. Les premières expériences sur les mutations dirigées ont été faites sur les microbes : Pneumocoques, Colibacilles ; commencées par Griffith (1928), elles ont été continuées par O. T. Avery, Dawson et Sia, Alloway, Boivin, Weil. Tout se passait comme si une substance transformatrice libérée par une Bactérie B pénétrait dans la Bactérie A et lui donnait les propriétés antigénétiques et chimiques de B. En 1944, O. T. Avery, McLeod et McCarty prouvaient que cette substance transformatrice était l’acide désoxyribonucléique ; une substance chimique contenait l’information génétique. Nous avons déjà indiqué l’importance capitale de cette découverte. Au cours des transformations bactériennes (transfert de caractères génétiques de Bactéries donatrices à des Bactéries réceptrices par l’intermédiaire de l’A. D. N. des Bactéries donatrices), l’A. D. N. est capable d’induire des caractères variés : antigènes capsulaires, enzymes produisant la fermentation des sucres, résistance à des antibiotiques, aux sulfamides.

Lederberg et Tatum (1946) démontrent expérimentalement la recombinaison génétique, ou transfert de caractères héréditaires, chez Escherichia coli. Les travaux de Hayes, Jacob, Wollman mirent en évidence une différenciation sexuelle, les Bactéries donatrices de matériel sexuel étant considérées comme mâles, alors que les Bactéries réceptrices, participant à la formation du zygote, étaient considérées comme femelles. Zinder et J. Lederberg (1952) mettaient en évidence chez différentes Bactéries (Salmonella, Shigella, Escherichia) la transduction, ou transmission de caractères héréditaires, d’une Bactérie à une autre, par l’intermédiaire d’un Bactériophage.

Les mécanismes de la génétique des Bactériophages sont à leur tour élucidés ; les recombinaisons génétiques existent chez les Bactériophages (M. Delbrück, Benley) ; les caractères héréditaires des Bactériophages dépendent d’unités génétiques disposées sur un chromosome circulaire, dont la carte a été établie pour le Bactériophage T4.

La génétique moléculaire, enfin, permit de comprendre beaucoup de faits observés mais non expliqués.

La structure du gène est enfin connue. Le gène représente la plus petite portion du génome ayant une fonction génétique ; il correspond à une portion de la molécule d’A. D. N. ; il comprend de nombreux sites où une mutation pourra se manifester ; un gène de dimension moyenne renferme de 500 à 1 000 sites mutationnels. Les gènes régissent l’élaboration des enzymes et des protéines spécifiques ; ainsi la proposition ancienne un gène → une enzyme se précise et devient un gène → une chaîne polypeptidique.

Le dogme fondamental admet que l’information génétique de l’A. D. N. se transmet à des matrices intermédiaires, molécules d’A. R. N.-m qui se comportent à leur tour en molécules matrices de protéines. À la transcription fait suite la traduction.

Les protéines sont élaborées suivant les besoins de la cellule. Les mécanismes d’élaboration qualitative et quantitative des protéines sont à peu près élucidés chez les Bactéries ; on estime que le même schéma général s’applique aux êtres vivants. François Jacob et Jacques Monod ont proposé une théorie de l’opéron (1960). L’opéron comprend des gènes de structure et un gène opérateur. Les gènes de structure régissent la structure de la protéine, c’est-à-dire la séquence de ses acides aminés. Le gène opérateur contrôle l’activité des gènes de structure en réagissant avec les répresseurs qui sont élaborés par les gènes régulateurs ; les répresseurs sont capables de bloquer la synthèse de l’A. R. N.-m, qu’ils contrôlent. Une rétroaction intervient, l’accumulation de la protéine synthétisée bloquant toute synthèse. Le gène étant une séquence désoxyribonucléique, toute perturbation dans l’enchaînement des paires de bases provoquera un trouble qui sera à l’origine d’une mutation. Une mutation est une « erreur de copie » ; le sens chimique, écrit avec les quatre signes, est modifié ; cette perturbation retentit finalement sur l’A. R. N.-m, et donc sur la séquence des acides aminés de la protéine élaborée au cours de la synthèse protéique. Il en résultera une protéine différente, jouissant de nouvelles propriétés et partant capable d’assurer une autre fonction.

Les « erreurs de copie », qui revêtent plusieurs aspects expliquent aussi le mécanisme des agents mutagènes : chacun perturbe la séquence des quatre signes de l’A. D. N.