Poète hébraïque (Rady, Ukraine, 1873 - Vienne 1934).
Né dans une famille pauvre mais éprise de culture, orphelin à l’âge de sept ans, Bialik s’initie auprès d’un aïeul érudit et sévère à la tradition juive et à la littérature rabbinique. Il découvre les écrivains de la Haskalah et songe un moment à poursuivre ses études à Berlin, mais entre en 1890 à l’école talmudique de Volojine, en Lituanie.
Il y subit une double influence : celle de S. Frug, poète de langues russe et yiddish, et celle des écrits d’Ahad Haam (Ginzberg) [1856-1927] ; dès 1891, il fonde un cercle sioniste, Netzah Israël (l’Espoir d’Israël), dont il publie le manifeste dans Ha-Melits (l’Interprète). Quelques mois plus tard, il fait paraître dans Ha-Pardès (l’Orangerie) son premier poème, El Hatsipor (À l’oiseau), où il exprime sa nostalgie de la terre d’Israël. Il apprend cependant le russe et l’allemand, lit Cervantès. Marié en 1893 à Mania Averbuch, il s’efforce sans succès de seconder son beau-père dans le commerce du bois : il accepte alors un poste de professeur d’hébreu à Sosnowiec, en Pologne. Rentré à Odessa en 1900, il participe, aux côtés de S. Benzion et de J. H. Ravnitsky, à l’édition de nombreux livres scolaires sur la Bible, la poésie médiévale, l’histoire de la littérature juive. Célèbre dès la parution de son premier recueil de poèmes à Varsovie, en 1902, il est l’année suivante membre de la commission d’enquête sur le pogrom de Kichinev : son poème Be-ir ha-harega (Dans la ville du massacre) dénonce aussi bien la résignation des victimes que l’ignominie des bourreaux.
En 1905, alors que la révolution russe lui inspire le premier poème épique de la nouvelle littérature hébraïque (Megillat ha-esh [le Rouleau de feu]), il fonde avec Benzion la maison d’édition Moriah, afin de rendre accessibles à un plus grand nombre la langue et la littérature hébraïques : c’est là, avec sa participation assidue aux congrès sionistes, une des manifestations essentielles de son apostolat en faveur d’un retour à la culture et à la terre originelles. En 1910, il entreprend avec Ravnitsky son premier voyage en Palestine.
Il séjournera cependant à Odessa jusqu’en 1921, publiant plusieurs recueils de nouvelles et de récits autobiographiques comme Safiah, l’Étudiant du Talmud, puis gagne Berlin avec un groupe d’écrivains. Il y poursuit l’œuvre de Moriah, fonde les éditions Devir. Mais, en 1924, il arrive en Palestine, où il se fixe définitivement. Il se consacre alors moins à son œuvre personnelle qu’au développement de la vie culturelle de la communauté juive : il édite et commente les textes de l’époque talmudique, les poèmes d’Avicébron et d’Aben Ezra. Il ne cesse jusqu’à sa mort de parcourir l’Europe et l’Amérique, prêchant la reconstruction de la vie matérielle et spirituelle juive en Palestine.
Poète national, Bialik célèbre à la fois la fidélité au passé, aux traditions millénaires, à une histoire de souffrances et de cataclysmes, et l’apparition d’une génération nouvelle, rejetant le fatalisme du ghetto. Vivant la crise de la conscience juive, entre un monde mourant et une terre qui n’est encore que promise, Bialik, qui remet en honneur les expressions les plus archaïques et qui crée les néologismes les plus audacieux, trouve la paix et l’harmonie dans son œuvre lyrique, mémoire de son enfance. Sachant garder l’équilibre entre la fulguration de la prophétie et le réalisme quotidien, Bialik est le grand classique, le modèle par excellence des lettres hébraïques. C’est pour cela que son nom consacre depuis 1933 la plus haute récompense littéraire décernée en Israël.
N. G.
E. Müller, Bialik (Vienne, 1922). / J. Fichman, Hayyîm Nahman Bialik, sa vie et son œuvre (Tel-Aviv, 1933). / F. Lachower, Hayyîm Nahman Bialik, sa vie et sa création (Tel-Aviv, 1944).