Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bhoutan ou Bhutān (suite)

L’économie

Elle repose encore sur le système largement autarcique de l’agriculture dans les vallées médianes, occupant non seulement les fonds plats des vallées, mais des terrasses soutenues par des murettes de pierre, qui s’échelonnent depuis 1 200 jusqu’à 2 700 m d’altitude. Un système d’irrigation très développé amène l’eau de très loin par des aqueducs. On cultive le riz et le maïs sur les basses pentes ; plus haut, le blé, l’orge, le sarrasin. Dans les vallées les plus importantes, la population s’agglomère en villages, que dominent, perchées sur des éperons, les architectures des châteaux et des monastères. Mais on voit partout des habitations éparpillées sur les versants, entourées de vergers. Une réforme agraire a restreint la propriété individuelle à 12 ha. Les paysans pratiquent plus ou moins l’élevage : bovins pour le travail ; moutons et chèvres transhumants, que l’on conduit l’été sur les alpages. Des artisanats traditionnels (bambou, vannerie, tissage, travail des métaux, etc.) répondent aux besoins locaux.

Depuis 1960, l’abandon de la politique d’isolement permet la construction de routes avec l’aide financière et technique de l’Inde. Le gros village de Paro (centre de la vallée la plus peuplée) n’est qu’à une journée de Jeep de la frontière, dont il se trouvait à six jours de marche dans le système du portage humain.

J. D.

 P. P. Karan et W. M. Jenkins, The Himalayan Kingdoms : Bhutan, Sikkim and Nepal (Londres, 1963).

Bhubaneswar ou Bhuvaneshwar

En sanskr. Bhuvaneśvara, v. de l’Inde du Nord-Est, capit. de l’Orissa, sur le delta de la Māhānadī, au sud de Cuttack ; 38 000 hab. C’est, depuis le viiie s., un centre sivaïte important.


Les temples, une quarantaine groupés autour d’un lac artificiel, au sud de la ville moderne, ont été édifiés par les souverains Keśari et Ganga (orientaux) du viiie au xiiie s. L’ensemble est typique de l’art du Kalinga (ancien nom de l’Orissa), l’un des plus brillants de l’Inde médiévale. Les trois phases de cet art, que distingue le déplacement d’activité à Puri (Jagannāth, xie-xiiie s.), puis à Konarak (Sūrya Deul, ou temple du Soleil, v. 1250), reflètent surtout les changements politiques, le style évoluant sans heurts et atteignant son parfait équilibre dès l’époque de Bhubaneswar, vers l’an 1000 (temple du Liṅgarāja).


L’art de Bhubaneswar

Les temples les plus anciens sont généralement de dimensions plus modestes et plus simples que les fondations les plus tardives (Ananta Vasudeva, v. 1278), mais tous sont caractérisés par la salle de culte (jagamohana) qui précède le sanctuaire (vimāna). Le plan peut se compliquer par adjonction de salles destinées aux danses (naṭamandira) et à la préparation des mets offerts (bhogamaṇḍapa). La silhouette en obus du vimāna, avec son puissant couronnement circulaire (āmalaka), est caractéristique (type śikhara), comme l’est celle du jagamohana avec sa toiture en pyramide quadrangulaire qui remplace la toiture plate primitive. Étroitement associée à l’architecture, la sculpture joue un rôle important : le décor, riche et varié, affirme l’unité des compositions ; les figures élancées sont d’une réelle distinction et d’une grâce souriante en dépit de quelque maniérisme et d’attitudes parfois un peu raides ; réaliste ou fantastique, l’art animalier témoigne de l’imagination des sculpteurs.

Parmi un ensemble remarquable, Paraśurameśvara (viiie s.), aux proportions encore un peu lourdes, annonce le style futur tout en trahissant une parenté avec l’art chalukya, tandis que Vaital Deul, sans doute un peu plus récent, montre ses hésitations en évoquant les traditions dravidiennes. Mais, dès le xe s., Mukteśvara présente toutes les caractéristiques de l’art du Kalinga, que le Liṅgarāja, le plus considérable et le plus célèbre des temples de Bhubaneswar, avec ses sculptures pleines d’élégance, porte à son apogée. À Rājarāṇī (xiie s.), temple de dimensions modestes mais d’harmonieuses proportions, la sculpture prend un caractère un peu anecdotique qui nuit à sa qualité.


Les environs

Au sud-est du site subsiste l’enceinte de Śiśupalgarh, ancienne Tosali. Régulière, d’environ 1 200 m de côté, percée de huit portes fortifiées, elle est attribuée au iie s. av. J.-C. Au nord-ouest, dans les escarpements des collines d’Udayagiri et de Khaṇḍagiri, tout un ensemble de caves jaina (iie s. av. J.-C. à iie s. apr. J.-C.) représente un type particulier d’architecture rupestre (Gaṇeśagumphā, Rāṇīgumphā, Bāghgumphā...).

J. B.

➙ Inde.

 D. Mitra, Bhubaneswar (New-Delhi, 1958). / K. C. Panigrahi, Archaeological Remains at Bhubaneswar (Bombay, 1961).

Biafra

Nom donné pendant sa sécession à la province orientale de la République fédérale du Nigeria.


Le Biafra (capit. Enugu) couvrait 75 000 km2, réunissait 13,5 millions d’habitants, dont 8 d’Ibos chrétiens, produisait les deux tiers du pétrole et la plus grande partie du charbon nigérian. Les Ibos, mieux que les Yoroubas de l’Ouest, aux traditions culturelles et artistiques plus riches, et que les musulmans des sultanats du Nord, se sont adaptés aux techniques occidentales. Ils fournissaient 60 p. 100 des cadres de la fédération quand les troubles ont commencé de l’ébranler.

La crise débuta par les mutineries militaires de janvier 1966, l’assassinat des Premiers ministres du Nigeria, du Nord et de l’Ouest, puis, en juillet, par ceux du général Ironsi, un Ibo devenu Premier ministre nigérian, et de nombreux autres Ibos. L’accession au pouvoir du lieutenant-colonel Yakubu Gowon, issu d’une petite tribu chrétienne, rassura les minorités et les nordistes. Une conférence constitutionnelle (12 sept. - 30 oct.), interrompue par de nouveaux massacres d’Ibos dans le Nord, mit en évidence l’ampleur des dissensions entre les délégations du Nord et de l’Ouest d’une part, et celle de l’Est d’autre part, que gouvernait le lieutenant-colonel Odumegwu Ojukwu. Celui-ci n’admettait qu’un lien confédéral fort lâche et demandait une meilleure répartition des revenus pétroliers, trop favorables à la fédération et aux autres régions. Des milliers de réfugiés ibos affluèrent à l’Est, tandis qu’Ojukwu chassait de sa région les fonctionnaires non ibos. Une conférence des gouverneurs à Aburi (Ghāna) en janvier 1967 adopta les thèses d’Ojukwu qui, prétendant alors appliquer les accords, s’empara des postes fédéraux du Biafra. Lagos réagit le 28 mai en décidant unilatéralement de diviser le Nigeria en douze États, dont trois dans l’Est ; ainsi les Ibos étaient confinés dans leur territoire d’origine, Enugu et Onitsha, à l’exclusion de la région pétrolifère de Port Harcourt.