Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Berthollet (Claude Louis, comte) (suite)

Cependant, il poursuit ses études sur le chlore et découvre les chlorates, dont les propriétés explosives lui suggèrent l’emploi dans les armes à feu. Une expérience malheureuse, réalisée à Essonnes, coûte la vie à cinq personnes, parmi lesquelles le directeur des poudres. Le Comité de salut public a d’ailleurs confié à Berthollet la présidence d’une commission pour étudier les problèmes de chimie et de physique intéressant la défense nationale.

Avec Monge, son intime ami, il fonde l’École polytechnique ; il y professe la chimie, Fourcroy la chimie générale, Guyton de Morveau la chimie minérale et Chaptal la chimie végétale.


Les expéditions

Et voici qu’en 1796, avec Monge et quelques autres, le Directoire l’envoie en Italie pour qu’il rapporte des œuvres d’art. C’est là que tous deux entrent en relation avec Bonaparte, qui avait été leur auditeur à l’École polytechnique. Celui-ci charge les savants de préparer en secret la mission scientifique qu’il projette d’emmener en Égypte. À peine l’armée est-elle établie sur le sol des pharaons qu’ils organisent l’Institut d’Égypte. Berthollet et Monge visitent l’isthme de Suez et la presqu’île du Sinaï. Mais tous ces voyages ne sont pas sans périls, et les deux savants n’y échappent que de justesse.


Les règles de Berthollet

De retour en France, Berthollet est rendu à l’Institut, et il reprend ses travaux. En 1803, il publie Essai de statique chimique ; il s’attaque dans cet ouvrage au principe de la fixité absolue de composition des espèces chimiques, défendu par Proust, avec qui il engage une longue polémique. Proust va finalement obtenir gain de cause, mais Berthollet trouvera sa revanche lorsque s’établira la notion d’équilibre chimique. La même année, il écrit aussi Recherches sur les lois des affinités chimiques ; il y énonce les règles, qui porteront son nom, permettant de prévoir les réactions de double décomposition entre sels, acides et bases.

En 1804, il est nommé à la sénatorerie de Montpellier, et il organise une préparation industrielle du carbonate de sodium.


La Société d’Arcueil

Il se retire à sa campagne d’Arcueil, où il peut partager son temps entre l’étude et la satisfaction de ses goûts simples. Tout son luxe consiste en un laboratoire, une bibliothèque et une serre qui lui tient lieu de salon. Plein des souvenirs de sa campagne d’Afrique, il fait décorer son cabinet à l’égyptienne, et les zodiaques de la Thébaïde sont peints sur le plafond. C’est là qu’il fonde, avec Laplace et grâce aux libéralités de l’Empereur, la « Société d’Arcueil », « formée dans le but d’accroître les forces individuelles, par une réunion basée sur l’estime réciproque et des rapports de goûts et études, mais en évitant les inconvénients d’une assemblée trop nombreuse ». Parmi les fidèles de ce cénacle, on compte les plus grands savants, comme Jean-Baptiste Biot, A. von Humboldt*, Gay-Lussac*, Jacques Thenard, Arago*, Denis Poisson, E. L. Malus, P. L. Dulong..., et aussi beaucoup de jeunes, à qui Berthollet ne ménage pas ses encouragements.


La fin de sa vie

Bien qu’ami de Napoléon, il n’en vote pas moins, en 1814, sa déchéance, par horreur de la guerre. Nommé pair de France par la Restauration, il refuse et renvoie le cordon de l’ordre de Saint-Michel ; car courage et loyauté s’unissent chez lui au plus complet désintéressement.

Ses dernières années sont marquées par de cruelles épreuves. En 1811, il a perdu son fils, qui, ruiné par de malheureuses spéculations industrielles, a mis fin à ses jours à Marseille, le laissant dans le dénuement. Mis au courant, Napoléon lui fait remettre cent mille écus. Puis il voit mourir coup sur coup ses deux grands amis, Guyton de Morveau et Monge. Sa santé, pourtant, demeure assez bonne. Mais un anthrax, qu’il cache aux siens, provoque sa fin.

R. T.


Les contemporains de Berthollet


Jean Antoine Chaptal, comte de Chanteloup,

chimiste français (Nojaret 1756 - Paris 1832). D’une famille de propriétaires terriens, il devient docteur en médecine à Montpellier, puis se rend à Paris pour s’initier à la chimie. Il installe près de Montpellier une fabrique de produits chimiques qui donne au commerce français l’acide sulfurique, l’alun, le salpêtre, les savons, et naturalise la teinture du coton par le rouge d’Andrinople et la culture du pastel. Il imagine le sucrage des vins et invente un mortier hydraulique. Revenu à Paris, professeur à l’École polytechnique, membre de l’Institut (1795), il est appelé au Conseil d’État après le 18-Brumaire et est nommé ministre de l’Intérieur en 1800. Il établit les chambres de commerce et fonde la première école d’arts et métiers. (Acad. des sc., 1796.)


Antoine François, comte de Fourcroy,

chimiste français (Paris 1755 - id. 1809). De famille modeste et peu brillant dans ses études, il est d’abord commis de bureau. Mais, en 1780, il obtient par concours le titre de médecin. En 1784, il succède à Macquer dans la chaire de chimie du Jardin du roi et entre à l’Académie des sciences. Député suppléant à la Convention, il est nommé par Bonaparte directeur général de l’Instruction publique.

Parmi ses travaux, on peut noter l’analyse des guanos du Pérou, l’obtention de la baryte et de la strontiane, la mise au point d’un procédé de séparation du cuivre et de l’étain, et des recherches sur les albumines et la gélatine.


Baron Louis Bernard Guyton de Morveau,

chimiste français (Dijon 1737 - Paris 1816). D’abord magistrat à Dijon, il s’intéresse aux sciences physiques et assure l’enseignement de la chimie dans les cours publics créés par les états de Bourgogne (1774). Chaud partisan de la Révolution, il est membre du Comité de salut public, puis, sous l’Empire, directeur de l’École polytechnique et administrateur des Monnaies (1800).

On lui doit l’emploi du gaz chlorhydrique pour la désinfection et la liquéfaction de l’ammoniac. Il est l’auteur des Éléments de chimie théorique et pratique (1778). [Acad. des sc., 1795.]


Joseph Louis Proust,