Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Berry (suite)

La fin de la période médiévale voit fleurir l’architecture militaire et civile. À la sévérité sans grâce de la façade de Culan (Cher), flanquée de ses trois tours rondes à hourds de bois (xve s.), on peut préférer Le Lys-Saint-Georges, bâti par Jacques Cœur (milieu du xve s.), et L’Isle-Savary, de son ami Guillaume de Varye (à Clion, Indre). Par son plan ramassé quadrangulaire, le château de Sarzay (Indre) rappelle certaines petites forteresses d’Auvergne (Anjony). Très différente est la belle enceinte close, augmentée d’un logis flamboyant de style Louis II, d’Ainay-le-Vieil. Au même moment, la première Renaissance déploie sa plus luxuriante parure sur la façade intérieure et les tours de Meillant (Cher). La cour à arcades à l’italienne rend aimable le gros donjon carré d’Argy (Indre). Villegongis, avec son aile François Ier, nous fait entrer dans le domaine des châteaux de la Loire, auquel appartient Valençay, construit pour la famille d’Etampes à partir de 1540.

L’art provincial fait place désormais aux importations parisiennes. De l’architecture brique et pierre, et des premiers essais d’urbanisme du début du xviie s., un exemple est resté inachevé en raison de la mort d’Henri IV : la ville d’Henrichemont. Elle était dessinée autour d’une place centrale d’où rayonnaient huit voies en étoile, d’une conception géométrique très méditée. Le château de Lignières (Cher), avec ses jardins et ses miroirs d’eau, est l’œuvre imposante du premier grand architecte de Versailles, Louis Le Vau, assisté de Le Nôtre. François Mansart dresse des coupoles à la Ferté-Reuilly (1656). Dernier des maîtres versaillais, Jacques Ange Gabriel crée pour un financier parvenu, Le Blanc de Marnaval, une délicate merveille inspirée du Trianon, le château de Bouges (Indre).

En face de cette richesse de l’art civil, l’art religieux ne laisse que peu de chose : des tombeaux classiques assez conventionnels, des peintures commandées à Philippe de Champaigne ou à Le Brun.

Dans sa maison de Nohant, George Sand* reçut tous ses amis romantiques. Elle y est morte en 1876. Salons, chambres, petit théâtre ont gardé l’ameublement, l’atmosphère, le charme désuet d’alors.

F. E.

Berry (Jean de France, duc de)

Prince français (Vincennes 1340 - Paris 1416).


Troisième fils de Jean II le Bon et de Bonne de Luxembourg, Jean de France est nommé lieutenant du roi en Languedoc en 1355, charge qu’il remplit effectivement après le désastre de Poitiers (1356). Il organise alors la défense du Languedoc, négocie avec les états pour obtenir des subsides, et finalement s’attache la maison d’Armagnac en épousant la comtesse Jeanne, dont le décès en 1387 l’amènera à se remarier avec Jeanne de Boulogne en 1389.

Apanagé du comté de Poitiers (1356) augmenté du comté de Mâcon à titre viager (1359), il se trouve privé du premier de ces biens lorsque le traité de Brétigny le cède à Edouard III d’Angleterre (1360). Aussitôt le roi Jean II le Bon lui concède en échange le duché de Berry et la terre d’Auvergne (1360). Otage à Londres jusqu’en 1367, il est réinvesti du comté de Poitiers par son frère Charles V lorsque la guerre franco-anglaise reprend (1369). Ce n’est pourtant qu’en 1372 qu’il réoccupe Poitiers et La Rochelle, à la suite d’une campagne menée aux côtés de Du Guesclin, et en échange de la seule rétrocession du Mâçonnais.

Jean de France se trouve dès lors à la tête d’une vaste principauté territoriale qui, des confins de l’Atlantique à ceux de la Loire à l’est de Bourges, couvre près du septième du royaume. Se consacrant à la gestion de ses domaines, il s’efforce de les agrandir par des voies plus ou moins légales. Surtout, il tente de les constituer en un véritable État par l’appropriation progressive des prérogatives royales : concession de franchises à des municipalités ; institution de foires et de marchés ; octroi de lettres d’amortissement et d’anoblissement ; frappe de monnaies ; levée du ban et de l’arrière-ban en 1413 ; limitation de fait des possibilités d’appel de ses sujets au parlement de Paris, notamment en se faisant nommer lieutenant général du roi en Berry, ce qui lui permet de faire trancher les débats par des commissions extraordinaires qu’il nomme ou qu’il préside au nom du souverain ; atteintes au privilège d’exemption dont bénéficient les églises cathédrales et les établissements religieux, atteintes pour lesquelles il obtient le consentement tacite du haut clergé local ; enfin droit de lever les aides sous la double forme du fouage et d’une taxe de 5 p. 100 sur certaines marchandises.

En outre, il dote son apanage d’institutions centralisées sur le modèle de celles qui existent dans le royaume : l’hôtel, le conseil, la chancellerie, la chambre des comptes, etc.

Une telle politique inquiète Charles V, qui l’écarté de la direction des affaires par son testament en date du 5 octobre 1380. N’en tenant aucun compte, Charles VI lui confie dès le 19 novembre la lieutenance générale du Languedoc, charge que Jean de Berry remplira jusqu’en 1388.

En fait, profitant de la jeunesse et de l’inexpérience de son royal neveu trop souvent souffrant, Jean de Berry devient l’arbitre du conseil royal. Conciliateur, il facilite ainsi la conclusion de trêves entre la France et l’Angleterre au lendemain de Rozebeke en 1382, puis en 1393, ensuite en tentant d’apaiser la querelle qui oppose au début du xie s. les maisons de Bourgogne et d’Orléans. Aussi est-ce à lui que le duc de Bourgogne, Jean sans Peur, avoue sa participation à l’assassinat de Louis d’Orléans en 1407. La mort de ce dernier, la fuite de son meurtrier contribuent à faire du duc de Berry l’un des chefs virtuels du parti des Armagnacs. Capitaine de Paris en 1413, il reçoit de nouveau du roi — qui le dote de pensions substantielles — la lieutenance du Languedoc.

Pour soutenir son rang exceptionnel à la Cour, il mène une vie fastueuse tant à Bourges, où il entretient sa propre cour, qu’à l’hôtel de Nesle, sa principale résidence parisienne.

Lorsqu’il meurt, le 15 juin 1416, Jean de Berry laisse une fortune considérable, évaluée à 158 000 livres tournois, mais aussi d’importantes dettes.

Il est probable que, si la disparition en bas âge de ses deux fils n’avait pas permis le retour à la couronne de son apanage, celui-ci aurait constitué pour la monarchie capétienne un danger presque égal à celui que représentait l’apanage bourguignon.

P. T.