Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Berry (suite)

Passé sous la domination des Plantagenêts en 1152, le Berry occidental est restitué à terme à la monarchie capétienne en tant que dot de Blanche de Castille (paix du Goulet, 22 mai 1200). Définitivement incorporé au domaine royal à l’avènement de Louis VIII, il est administré dès le début du xiiie s. par des baillis, tandis que le roi confirme de nombreuses chartes de communes. Victime des raids anglais dans la première partie de la guerre de Cent Ans, le Berry est uni à l’Auvergne en 1360 afin de constituer un duché donné en apanage à Jean, troisième fils de Jean II le Bon. Doté par son nouveau prince d’un sénéchal (1374), d’une chambre des comptes (1379) et d’une cour fastueuse résidant à Bourges, le Berry est victime de la reprise de la guerre de Cent Ans. Ravagé par les Anglais et les Bourguignons, le duché revient au dauphin Charles lorsque son oncle Jean de Berry, soutien du parti armagnac, meurt à Paris en 1416. Écarté du trône par le traité de Troyes (1420), le futur Charles VII se réfugie dans le duché. Devenu le « petit roi de Bourges », il en fait avec l’Anjou et le Languedoc l’une des bases essentielles de sa puissance territoriale et de sa politique de reconquête du royaume. Apanage du jeune frère de Louis XI, Charles de France, jusqu’à sa participation à la Ligue du bien public (1465), le duché de Berry ne retrouve une apparente indépendance que pendant les « règnes » de Jeanne de France (1499-1505), épouse répudiée de Louis XII, de Marguerite d’Angoulême (1515-1549), sœur de François Ier et de Marguerite de France (1549-1575), sœur d’Henri II, qui laisse la réalité du pouvoir à son chancelier Michel de l’Hospital et à son surintendant des Finances, Claude Laubespine, qui sont en fait les hommes du roi. Reconstitué en apanage au profit du duc François d’Alençon, frère cadet d’Henri III (1576-1584), le duché de Berry est alors définitivement réincorporé au domaine royal, au sein duquel il constitue la généralité de Bourges.

À deux reprises encore, le titre de duc de Berry sera porté par des princes de sang royal : Charles de France (1686-1714), troisième petit-fils de Louis XIV, et Charles Ferdinand de Bourbon (1778-1820), dernier fils de Charles X, époux de Marie-Caroline de Bourbon-Sicile (1798-1870), célèbre pour son équipée de 1832.

P. T.

➙ Bourges / Centre / Châteauroux / Cher (département du) / Indre (département de l’).

 G. Thaumas de la Thaumassière, Questions et responses sur les coutumes de Berry, avec les arrêts et jugements rendus en interprétation d’icelles (Bourges, 1691). / L. H. C. de Raynal, Histoire du Berry depuis les temps les plus anciens jusqu’en 1789 (Dumoulin, Bourges, 1844-1847 ; 4 vol. ; nouv. éd. Guénégaud - F. E. R. N., 1972). / H. de Mazières, le Régime municipal en Berri des origines à 1789 (A. Rousseau, 1903). / M. Marion, Histoire du Berry et du Bourbonnais (Firmin-Didot, 1933). / R. Lacour, le Gouvernement de l’apanage de Jean duc de Berry (1360-1416) [A. Picard, 1934]. / R. Crozet, l’Art roman en Berry (Leroux, 1935) ; l’Abbaye de Noirlac et l’architecture cistercienne en Berry (Leroux, 1935). / J. des Gachons, le Berry (Arthaud, Grenoble, 1936). / H. Soulange-Bodin, les Châteaux du Berri (Van Oest, 1946). / C. Gauchery-Grodecki, l’Architecture en Berry sous le règne de Henri IV et au début du xviie siècle (Union des Sociétés savantes de Bourges, 1951-52). / Visages du Berry (Horizons de France, 1952). / J. Favière, le Berry roman (Zodiaque, La Pierre-qui-Vire, 1970).


L’art du Berry

Avant l’épanouissement de l’époque romane, peu de vestiges témoignent réellement d’une création architecturale. Les ruines romaines du petit théâtre de Drevant (Cher) sont trop mutilées ; stèles funéraires, céramiques locales, bronzes n’ont guère de caractères autochtones.

À partir de la seconde moitié du xie s., bénédictins et cisterciens rivalisent pour fonder des établissements religieux. À l’actif des premiers, il faut citer le magnifique chœur de l’abbatiale de Fontgombault, à déambulatoire et chapelles rayonnantes d’inspiration poitevine (1140). Sous la même obédience, l’église Saint-Genès de Châteaumeillant (Cher) est la mieux conservée et la plus complète des églises romanes en Berry : chœur à doubles bas-côtés, sept absides en échelon, grand transept illustrent parfaitement l’équilibre harmonieux du plan bénédictin typique du xiie s. Exceptionnelle est l’église à plan centré de Neuvy-Saint-Sépulchre, inspirée du Saint-Sépulcre de Jérusalem.

Les moines de Cîteaux ont laissé à Noirlac (Cher) l’une de leurs plus belles réalisations. Le cloître gothique (xiiie et xive s.) en est l’élément central. Du côté nord, l’église abbatiale juxtapose deux époques et deux styles : les doubles chapelles de l’est et le sanctuaire à chevet carré, rigoureusement cisterciens, sont encore voûtés en berceau brisé à la manière romane ; transept, nef et bas-côtés, par contre, élevés vers 1180, sont couverts d’ogives gothiques. À l’est, salle capitulaire du xiie s. et salle des moines sont surmontées du dortoir réaménagé au xviiie s. Au sud se trouvent le réfectoire et le chauffoir. À l’ouest, le cellier à deux nefs, long de 28 m, a toujours son admirable voûte d’ogives du xiiie s. Au-dessus s’étend un immense grenier en charpente. Une enceinte fortifiée défend le monastère et ses dépendances.

Les larges surfaces murales des églises du xiie s. ont incité les peintres à décorer l’église de Brinay (Cher) dans le style des bords de Loire, celle de Vicq (Indre) avec une vigueur narrative plus pittoresque.

Toute l’activité du xiiie s. se concentre sur le chantier de la cathédrale de Bourges*. C’est aussi à Bourges, autour de Jean de Berry*, que le xive s. accumule ses productions les plus rares. Pour le duc, l’architecte Gui de Dammartin († v. 1398) bâtit le château de Mehun, dont les ruines démantelées sont encore émouvantes au-dessus de l’Yèvre. Paul de Limbourg a laissé dans les Très Riches Heures l’image élancée de la forteresse-palais, dans toute sa gloire.