Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bernard (saint) (suite)

Les Cisterciens avaient renoncé à tout sauf à l’art d’écrire. Le style de saint Bernard est brillant, recherché même ; il abonde en jeux de mots, en allitérations. S’il est nerveux, il est souvent exubérant. Mais, sous cette apparence, il y a un principe d’ordre et d’équilibre, d’harmonie dans le parallélisme, et l’on a remarqué que la langue de Bernard devient plus sobre et plus dépouillée lorsqu’il parle de l’expérience mystique. Saint Bernard possède aussi un certain art dramatique, comme lorsqu’il tient en suspens l’humanité, la cour céleste et Dieu lui-même dans l’attente de la réponse de la Vierge Marie au message de l’Ange de l’Annonciation.

Il a toujours été beaucoup lu et étudié. Du pape Jean XXII, au xive s., au pape Jean XXIII, les hommes d’Église l’ont pris pour guide de leur vie personnelle et de leur ministère. Luther même l’estimait. Les moines le considèrent comme leur maître spirituel. Les philosophes de l’esprit Maurice Blondel, Louis Lavelle, Aimé Forest ont reconnu en lui, après Pascal, celui qui avait donné aux concepts de liberté et de conscience une place prépondérante dans l’histoire de la pensée.

Saint Bernard eut une vie partagée, divisée même, entre l’action et la contemplation. Il s’en plaignit souvent, mais il vécut intensément ces deux vies, en les unifiant en un merveilleux équilibre par la pureté de son intention. Bergson ne reconnaissait-il pas dans cette ambivalence des mystiques chrétiens, fruit de leur charité, le critère certain du dynamisme de l’esprit ?

Les œuvres littéraires

Les traités

Sur les degrés de l’humilité et de l’orgueil (avant 1125).

Sur l’amour de Dieu (v. 1125).

Apologie (v. 1125).

De la grâce et du libre arbitre (v. 1128).

Sur les mœurs et le devoir des évêques (v. 1128).

Aux chevaliers du Temple : la louange de la milice nouvelle (v. 1130).

De la conversion. Aux clercs (1140).

Sur le précepte et la dispense (av. 1143).

La Vie de saint Malachie (v. 1151).

La Considération. Au pape Eugène III.

Les sermons

À la louange de la Vierge Mère (entre 1120 et 1125).

Les Sermons pour l’année liturgique.

Les Sermons sur le Cantique des cantiques (à partir de 1135).

Les Lettres, dont il reste plus de 500.

C. D.

➙ Cisterciens / Monachisme.

 L. Janauschek, Bibliographia bernardina (Vienne, 1891). / E. Vacandard, Vie de saint Bernard, abbé de Clairvaux (Lecoffre, 1895 ; nouv. éd., Gabalda, 1927 ; 2 vol.). / E. Gilson, la Théologie mystique de saint Bernard (Vrin, 1934 ; 3e éd., 1969). / W. W. Williams, Saint Bernard of Clairvaux (Manchester, 1935). / Saint Bernard théologien (Actes du congrès de Dijon) [Rome, 1953]. / Commission d’histoire de l’ordre de Cîteaux, Bernard de Clairvaux (Alsatia, 1953). / Mélanges saint Bernard (Impr. Darantière, Dijon, 1954). / J. de La Croix-Bouton, Bibliographie bernardine, 1891-1957 (Lethielleux, 1958). / I. Vallery-Radot, Bernard de Fontaines, abbé de Clairvaux (Desclée et Cie, 1964-1969 ; 2 vol.). / J. Leclercq, Saint Bernard et l’esprit cistercien (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1966). / Z. Oldenbourg, Saint Bernard (A. Michel, 1970).

La vie de saint Bernard

1090

Naissance de Bernard, fils de Tescelin le Saure et d’Aleth de Montbard.

1112

Entrée de Bernard à Cîteaux.

1115

Bernard abbé de Clairvaux.

1118

Clairvaux fait sa première fondation : Trois-Fontaines, en Champagne.

1126

Intervention de Bernard auprès du pape pour l’élection épiscopale de Châlons.

1128

Bernard est secrétaire au concile de Troyes.

1129

Il s’oppose à Louis VI et au pape en faveur d’Étienne de Senlis, évêque de Paris, qui a jeté l’interdit sur les terres du roi.

1130

À la mort d’Honorius II, double élection papale : Innocent II et Anaclet II. Au concile d’Étampes, Bernard domine les débats et rallie le roi et l’assemblée à la cause d’Innocent II, à laquelle il gagne aussi Henri, roi d’Angleterre.

1131

Il accompagne le pape pour un voyage. Il passe à Morigny où il rencontre Abélard, puis à Châlons, Saint-Quentin, Cambrai et Lobbes. Le 22 mars, à Liège, rencontre du pape et de Lothaire. L’empereur demande, en échange de son adhésion à Innocent II, le droit d’investiture abandonné par Henri V. L’épiscopat allemand qui l’entoure n’ose intervenir. Bernard défend avec fougue l’indépendance de l’Église et la sauve du joug impérial.

1132

Voyage à Poitiers, où il convainc le comte Guillaume X, duc d’Aquitaine, d’abandonner l’antipape. Mais, Bernard parti, le duc retombe sous l’emprise de Girard, évêque d’Angoulême et chef des partisans d’Anaclet II dans le midi de la France.

1133

Bernard rejoint Innocent II à Pise. Son ambassade à Gênes met fin à une longue hostilité entre Pise et Gênes. Il entre à Rome à la suite d’Innocent et de Lothaire.

1134

Au cours d’une messe, il s’adresse personnellement à Guillaume de Poitiers et le détache de l’antipape.

1135

À la diète de Bamberg, il réconcilie l’empereur avec les Hohenstaufen. Il est l’animateur du concile de Pise.

1137

Œuvre de conciliation entre le pape et l’empereur, puis entre Lothaire et Roger de Sicile.

1138

Après la mort d’Anaclet, Bernard gagne les partisans du schisme et même celui qu’ils avaient élu comme successeur à Anaclet, Victor IV.

Il rentre en France par Lyon, où il entretient l’archevêque de l’élection épiscopale de Langres. L’élection du moine clunisien est cassée. Bernard, élu à son tour, refuse, et le chapitre choisit Geoffroy de La Roche, prieur de Clairvaux.

1139

Bernard, élu à l’archevêché de Reims, refuse.

1140

Le concile de Sens, sous son influence, condamne les erreurs d’Abélard. Celui-ci fait appel au pape. Grande activité de Bernard pour que la décision de Sens soit ratifiée par le pape et la curie romaine.

1142

Le mariage de Raoul de Vermandois avec Aliénor est déclaré valide, et son union avec Pétronille illégitime. Louis VII soutient son vassal excommunié, et Bernard prend parti contre le roi.

1144

Son intervention, à Saint-Denis, rétablit la paix entre le roi et le comte de Champagne.

1145

Bernardo Paganelli († 1153), moine de Clairvaux, abbé en Italie, est élu pape sous le nom d’Eugène III. Bernard va en Languedoc pour combattre l’hérésie cathare.

1146

Le 31 mars, il prêche la croisade à Vézelay, puis en Flandre et en Allemagne. Il assiste à la diète de Spire. Après plusieurs tentatives infructueuses pour entraîner l’empereur Conrad dans la croisade, le 27 décembre, au cours d’une messe, il l’apostrophe, l’ébranlé et emporte son adhésion.

1147

C’est lui, après avoir consulté ses collègues, qui désigne Suger pour exercer l’autorité royale pendant l’absence de Louis. Il reçoit le pape Eugène III à Clairvaux (6 avr.) et l’accompagne à Verdun et à Trèves.

1148

Il joue un grand rôle dans la condamnation des erreurs de Gilbert de La Porrée.

1153

Déjà malade, il répond à l’appel de l’évêque de Trèves, va à Metz et réussit à éviter une guerre entre l’évêque de Metz (et ses partisans) et Matthieu, duc de Lorraine.

Le 20 août, mort de Bernard.

1173

Canonisation de saint Bernard.

1830

Saint Bernard est déclaré docteur de l’Église.