Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

aériens (transports) (suite)

Les transformations sont d’abord venues des progrès réalisés dans le matériel volant. Les « Constellation » et les « Super-Constellation » des années 1950 n’étaient guère que des versions améliorées et agrandies des Douglas « DC-4 » des années précédentes. L’utilisation des turbopropulseurs ne modifia pas considérablement les caractères des avions : elle ne permit que des gains limités de vitesse et n’eut d’importance que par la diminution des coûts qu’elle provoqua. Mais les données ont changé brutalement avec la mise en service des avions à réaction travaillant à vitesse subsonique. La rotation des appareils s’est trouvée considérablement accélérée, si bien que la capacité des lignes s’est trouvée accrue. Avec l’apparition des avions moyens porteurs tels que la « Caravelle », les Boeing « 707 » et « 727 », qui emportent plus de cent personnes à moyenne ou à longue distance, la transformation s’est accélérée ; elle est plus rapide encore avec l’entrée en service des gros porteurs comme le Boeing « 747 ». Les possibilités offertes au transport des personnes sont beaucoup plus grandes que par le passé. En même temps, le renouvellement anticipé du matériel des grandes lignes met sur le marché une flotte importante d’appareils encore en état, ce qui favorise le développement des transports à la demande pour les passagers — ou pour les marchandises.

Toute l’organisation du système des transports aériens se trouve de la sorte rapidement modifiée. L’offre de transport croît très rapidement, ce qui s’accompagne d’une baisse des prix. Les infrastructures créées depuis la dernière guerre se révèlent brutalement insuffisantes. Les pistes doivent être plus longues, plus éloignées des centres des grandes agglomérations pour que les nuisances dues au bruit des réacteurs ne deviennent pas intolérables. Le problème des liaisons avec les moyens de transport terrestres est donc plus difficile à résoudre : un grand aéroport doit être desservi par des autoroutes, ainsi que par des voies ferrées à grand débit. Avec les Airbus de grande capacité, les installations terminales devront être plus complexes, et les capacités hôtelières dans les aires de départ et d’arrivée plus élevées. L’avion gros porteur ne peut trouver de clientèle que sur des lignes à trafic élevé : il est fait pour les liaisons entre très grandes villes. En un sens, il peut faciliter la solution de certains des problèmes clefs de l’espace aérien : réduire l’encombrement des corridors aériens par exemple. La situation est, de nos jours, dramatique dans les zones à circulation intense ; le long de la Megalopolis américaine, les appareils attendent parfois une heure avant de pouvoir se poser. Mais le remède sera-t-il efficace ? Les gros avions ne vont-ils pas amener la concentration des relations modernes et bon marché sur quelques grands axes, ce qui est précisément à l’origine de la saturation de l’espace aérien qui se manifeste dans toutes les régions industrielles à forte densité ?

L’évolution qui se dessine va donc conduire à la mise en place de réseaux de types très contrastés : entre les grandes agglomérations, les appareils encombrants assureront des liaisons régulières et rapides, cependant que les localités moins importantes ne seront desservies que par des flottes de turbopropulseurs de moyenne ou de petite dimension. Les avions lourds n’y effectueront de liaisons qu’à la demande. La desserte de détail sera assurée par de petits appareils, et l’on verra prospérer à la fois l’aviation privée des individus et des firmes.

La baisse des prix a été rendue possible par l’évolution technique, qui permet d’accélérer la rotation des appareils et de diminuer le prix de revient de la tonne-kilomètre ou du voyageur-kilomètre. Elle a été plus rapide qu’il n’était prévisible, par suite du jeu de la concurrence. Les tarifs de conférence sont très supérieurs à ceux qui sont pratiqués par les transporteurs à la demande, ce qui crée une compétition très vive. Une bonne partie des relations par air peuvent en effet se faire par des avions « charters » : il en va ainsi des déplacements liés au tourisme ou aux congrès. De leur croissance dépend en bonne partie l’augmentation souhaitée des déplacements. Ces mouvements risquent d’échapper aux lignes régulières, qui ont pourtant besoin d’un coefficient d’occupation élevé si elles veulent rentabiliser leurs vols : elles se trouvent conduites à offrir des tarifs spéciaux, à diminuer leurs prix. Ainsi se trouve accélérée la baisse des prix, qui est à l’origine de la transformation fondamentale contemporaine.

Pour les transports de passagers à moyenne et à longue distance, le trafic devrait augmenter très vite durant les années qui viennent. Les déplacements touristiques devraient s’allonger et se multiplier. L’évolution est dès maintenant sensible : c’est ainsi que pour les Canadiens, grâce aux prix plus bas pratiqués par l’hôtellerie ibérique, il est devenu aussi tentant d’aller passer quinze jours en Espagne ou aux Canaries qu’aux Bahamas ou à la Jamaïque.

En ce qui concerne les mouvements de marchandises, l’évolution est un peu semblable. Il fut un temps où le fret aérien constituait pour l’essentiel un complément de charge pour les avions de passagers. Sur les lignes les plus importantes, comme celles de l’Atlantique Nord, la situation évolue. Une flotte d’avions commerciaux spécialisée se crée, et la part qu’elle prend aux relations intercontinentales est devenue prépondérante depuis 1966. Le tonnage transporté par l’ensemble des lignes aériennes du monde a crû jusqu’au début des années 1970 de 20 p. 100 par an, alors que l’augmentation n’était que de 14 p. 100 en 1960, avant l’entrée en service des avions lourds.

Du même coup, les habitudes se transforment. La gamme des produits confiés aux transporteurs aériens se diversifie. L’imprimé a dès maintenant une place de choix dans tous les mouvements. Les textiles occupent une place notable dans certaines relations : les articles de confection représentent un produit idéal, de forte valeur sous un faible poids, cependant que la mode, assurant un vieillissement rapide à la production, donne au temps une grande valeur. Les viandes, les légumes, les fruits fournissent des tonnages élevés.