Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Berlin (suite)

Abondance des espaces verts

Rares sont les quartiers qui ne disposent pas d’espaces libres étendus. Près des deux tiers de l’étendue urbaine sont occupés par ces derniers (parcs, jardins, bois, lacs, rivières, etc.). Les souverains ont favorisé le développement des parcs dès le xviie s. À la fin du xixe s., l’empereur fit aménager trois zones importantes : Humboldthain, Treptower Park (secteur oriental) et Viktoria Park à Kreuzberg. Il n’est pas exagéré de parler d’une véritable politique des espaces verts, qui furent peut-être la contrepartie des « casernes locatives » construites sous l’urbaniste James Hobrecht. Le plan d’urbanisme de 1925, consécutif à la formation du « Gross-Berlin », prévoyait un aménagement et une extension des surfaces vertes intra-muros. Le premier souci était de protéger les bois qui longeaient les rives de la Havel, de la Sprée et des canaux. Ainsi, des kilomètres de rubans verdoyants traversent la ville. Du palais des Congrès jusqu’à Spandau, les espaces verts se déroulent sur près de 7 km de long. Les hostilités avaient laissé 80 millions de mètres cubes de décombres. Quelques urbanistes eurent l’idée ingénieuse de les utiliser pour former des collines artificielles à l’intérieur de la ville. Le Trümmerberg de Wilmersdorf et l’Insulaner de Tempelhof ont été aménagés et, en partie, équipés d’installations sportives. Le troisième, le Trümmerberg am Teufelssee de Grunewald, a « digéré » 21 millions de mètres cubes de décombres ; une piste artificielle permet d’y skier. Le sud-ouest de la ville est le quartier le plus riche en verdure : Forst Grunewald (5 152 ha) et Wannsee (260 ha) sont des lieux de loisirs très fréquentés. Au nord-ouest, Stadtforst Spandau (1 447 ha) et Tegeler See (408 ha) attirent une clientèle plus ouvrière. Partout, des chemins ont été tracés, des bancs et parkings aménagés. Les bois sont plantés de pins qui, selon la tradition populaire, exprimée à travers les « Berliner Witze » ou les chansons berlinoises, ont donné ce parfum particulier de l’« air de Berlin » (Berliner Luft).


Berlin, centre culturel

Alors que les capitales européennes comme Rome, Londres, Paris, voire Vienne avaient déjà quelques siècles de passé glorieux derrière elles, Berlin commençait à peine à devenir une grande ville. Pendant longtemps, le foyer culturel du germanisme a été ailleurs que sur les bords de la Sprée. Pour les gens cultivés du xixe s., Vienne avait plus d’attrait que Berlin « la parvenue ». L’immigration accrue amena un tel mélange de population que l’homogénéité du milieu humain en fut affectée. Les Rhénans avaient quelque mépris pour cette ville qui virait au gigantisme. Cependant, Berlin fut un creuset, ou au moins un lieu de contact et d’échanges. Déjà au xviie s., la ville fut accueillante pour les huguenots. La tradition de ville-refuge lui est restée. Plus de vingt confessions ont des édifices cultuels dans la ville. Les juifs furent mieux traités ici que dans les territoires orientaux. Le cosmopolitisme avait imprégné l’esprit berlinois, qui réservait une grande place à la critique. Mais ce cosmopolitisme était plus continental, plus centre-européen, contrairement à l’Europe de l’Ouest, où l’outre-mer joua un rôle précoce.

La perte de la fonction politique entraîna, après 1945, un déclin du rôle culturel. Aussi, la municipalité s’est-elle attachée à promouvoir la vie intellectuelle et spirituelle. L’université Humboldt, sise en secteur oriental, fut remplacée par une création nouvelle : la Freie Universität à Dahlem (1948) ; il s’y ajoute la Technische Universität. Environ 10 p. 100 des étudiants viennent de l’étranger. La ville possède encore au moins quatre autres établissements d’enseignement supérieur. Hahn-Meitner Institut für Kernforschung, les départements de l’Institut Max Planck et la Versuchsanstalt für Wasserbau und Schiffbau illustrent la recherche dans différents domaines. La vie culturelle n’a peut-être plus le brillant de la grande époque. Mais, treize théâtres privés complètent les quatre théâtres municipaux (Deutsche Oper, Schlosspark-Theater, Schiller-Theater, Werkstatt-Bühne) et l’esprit d’avant-garde est une tradition du théâtre berlinois.


Les problèmes berlinois

Politiquement et économiquement, Berlin présente un cas de géographie urbaine très particulier. La ville n’est pas un Land. Juridiquement, la législation alliée est encore applicable à la ville. En réalité, c’est le conseil municipal (Senat) qui exerce le pouvoir. Les lois votées à Bonn n’ont pas automatiquement cours à Berlin ; le Senat doit les voter à son tour (« Mantelgesetze » ou lois de couverture). De même, les députés berlinois n’ont pas le droit de vote à l’Assemblée fédérale (Bundestag). Ils ne peuvent voter que dans les commissions.

Sur le plan démographique, la situation n’est guère brillante. Ville sans région, Berlin-Ouest ne peut attirer la main-d’œuvre de ses environs. Véritable enclave dans la République démocratique allemande, elle est confrontée à de multiples problèmes. La population reste stationnaire, voire recule certaines années. De 1964 à 1969, elle a perdu 73 000 personnes. Pour 100 hommes, on compte 132 femmes, déséquilibre qui se répercute sur la structure de la population active. L’excédent féminin touche les tranches d’âge de plus de trente-cinq ans. Le renouvellement de la population n’est guère assuré.

Les personnes âgées de plus de soixante-cinq ans totalisent dans la ville 22 p. 100 de la population, contre seulement 11,1 p. 100 pour la République fédérale d’Allemagne. Seule la nuptialité berlinoise semble plus favorable que la moyenne fédérale, et à cela il y a des explications : les jeunes Berlinois sont dispensés du service militaire et la main-d’œuvre est attirée par des avantages spéciaux. Sans une intense immigration, la population berlinoise ne cesserait de décliner d’une manière irrémédiable. Entre 1950 et 1966, l’excédent migratoire a dépassé 265 000 personnes, la plupart étant des jeunes séduits par les avantages économiques, financiers et sociaux. Les universités et autres établissements d’enseignement supérieur se préoccupent, particulièrement, d’attirer les étudiants des autres Länder ainsi que de l’étranger. Jusqu’à la construction du « mur », Berlin-Ouest connaissait un afflux considérable de citoyens de la République démocratique. Les usines tournaient avec une main-d’œuvre recrutée dans les arrondissements de Berlin-Est. Depuis l’érection du « mur », les données démographiques ont complètement changé. L’évolution récente ne semble pas tourner à l’avantage de la ville. Le groupe des cinq à vingt ans totalise un tiers en moins que la moyenne fédérale. La vitalité de Berlin risque, à la longue, d’être gravement compromise. L’évolution démographique négative de Berlin-Ouest illustre remarquablement ce qu’une grande ville est susceptible de puiser comme substance vitale dans son « Umland ». Cette situation n’est pas étrangère au problème des accès. Berlin est une véritable enclave dans un corps politiquement, économiquement et idéologiquement étranger.