Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

béribéri (suite)

La survenue du béribéri a été rattachée principalement à une carence en vitamine B1, mais le plus souvent coexistent d’autres carences en vitamines du groupe B, telles que les vitamines B2 ou B6. C’est Christiaan Eijkman (1858-1930), qui, le premier, en soignant des prisonniers de l’île de Java, remarqua que des poules nourries de riz poli présentaient des troubles nerveux comparables à ceux des prisonniers. Ces troubles disparaissaient si l’on donnait du riz complet. Il s’agissait donc de troubles dus à l’absence d’un principe existant dans l’écorce du riz, ce que prouva Gerrit Grijns (1865-1944). De fait, la consommation presque exclusive de riz décortiqué dans le Sud-Est asiatique rend encore actuelle cette avitaminose, dont le traitement repose avant tout sur l’administration de vitamine B1. Celle-ci, prescrite suffisamment tôt, fait rétrocéder tous les signes, y compris l’insuffisance cardiaque ; dans les formes œdémateuses, on y associe des diurétiques, mais surtout doit être mise en œuvre la prévention de la carence par une éducation sanitaire appropriée. Celle-ci comportera à tout le moins la recommandation d’un régime alimentaire comportant du riz non poli.

M. R.

➙ Carence / Vitamine.

Berio (Luciano)

Compositeur italien (Oneglia 1925).


Après ses études au conservatoire de Milan, il crée le studio de musique électronique de la radio italienne, qu’il dirige de 1955 à 1959 avant d’enseigner à Darmstadt, à Dartington, au Mills College d’Oakland (Californie), à Harvard et à la Juilliard School of Music de New York, où il est nommé en 1967. Tôt venu au mouvement sériel, il prend rapidement sa liberté pour écrire dans tous les styles avancés, en exprimant une nature qui est l’indépendance même : c’est un baroque dont l’invention jaillissante et la sensibilité mobile assimilent tout ce qui passe à sa portée.

Au début de sa production, il attire l’attention avec Nones (1954) pour orchestre, d’après un poème de W. H. Auden sur l’agonie du Christ et de l’homme moderne : c’est une page intégralement sérielle et embrasée par une émotion intense. Puis, après quelques expériences électro-acoustiques comme Mutazioni (1955) et Perspectives (1956), il commence ses recherches de « liturgies de la parole », notamment avec Circles (1960), où un texte d’E. E. Cummings subit tout un ensemble de manipulations verbales sur un accompagnement de harpe et de percussions. De même esprit sont les Sequenza I à VI (à partir de 1958), traitant chacune un instrument soliste ou une voix à l’extrême limite de ses moyens sonores. Dans Thema : Omaggio a Joyce (1958), la même technique de décomposition spectrale d’un texte poétique est appliquée à des fragments de l’Ulysse traduits en trois langues, et ici l’expérience a une incontestable portée dans le domaine poétique. Berio élargit alors le système avec Epifanie (1960-61), pour voix et orchestre, où il atteint à la grandeur.

Il explore ensuite la « forme ouverte » et les « collages » (Chemins), le « théâtre musical », ou « musique en action » (Laborintus), et surtout la spectaculaire réussite de Sinfonia, qui sera créée en 1968 par le New York Philharmonic Symphony Orchestra et les Swingle Singers.

Il y a chez Berio un véritable poète lyrique qui emprunte son matériau à toutes les substances.

Ce poète est ouvert sur le frivole comme sur le tragique ; il s’exprime avec volubilité intellectuelle ; il danse sur un volcan ; il « met la tête de mort parmi les fleurs ».

Son œuvre, toute baroque, il faut le répéter, réalise une série de « vanités » du xxe siècle avec un art et une verve dont l’originalité fait souvent oublier les facilités et fléchissements.

C. R.

Berkeley (George)

Évêque et philosophe irlandais (près de Kilkenny, Irlande, 1685 - Oxford 1753).


Entré à quinze ans au Trinity College de Dublin, il y acquiert une vaste culture tant littéraire que scientifique, avant d’y enseigner. Il publie alors des opuscules mathématiques : De l’infini, une Arithmétique et des Mélanges mathématiques. En même temps, il prend des notes sur des sujets philosophiques : le Commonplace Book. Ses premières grandes œuvres paraissent en 1709 (Essai sur une nouvelle théorie de la vision) et en 1710 (Traité sur les principes de la connaissance humaine). Cette même année 1710 le voit ordonné diacre dans la religion anglicane. Mais déjà ses thèses philosophiques suscitent les sarcasmes. Aussi, après avoir publié un Traité de l’obéissance passive, où il fait une obligation du loyalisme politique, gagne-t-il Londres en 1713 pour les défendre en y publiant les Trois Dialogues entre Hylas et Philonous. Fréquentant la société cultivée de la capitale, où il brille et acquiert une certaine célébrité, il se lie avec Swift, qui lui procure l’occasion d’accompagner une mission diplomatique avec laquelle il parcourra la France et l’Italie. De l’automne 1716 à l’automne 1720, il effectue un second voyage en Italie, au cours duquel il rédige un Journal très pittoresque, adresse de nombreuses lettres à son entourage et compose un traité sur le mouvement (De motu) destiné à l’Académie des sciences de Paris. Revenu à Trinity College, il publie en 1721 un Essai pour prévenir la ruine de la Grande-Bretagne, tant la crise morale qu’il traverse lui paraît mal augurer de l’avenir de son pays. Un épisode romanesque vient alors justement ouvrir de nouvelles perspectives à son dégoût de l’Ancien Monde, livré au scepticisme. Esther Vanhomrigh (Vanessa), à la suite d’une déception sentimentale, avait modifié son testament et légué à Berkeley une importante somme initialement destinée à Swift. Sa mort, en 1723, met donc Berkeley en possession d’une fortune qu’il veut utiliser dans une entreprise d’évangélisation aux Bermudes, projet dont la préparation l’occupera cinq années. C’est en septembre 1728, peu de jours après son mariage, qu’il s’embarque, accompagné de quelques amis et d’une bibliothèque de vingt mille volumes. Il débarque en Amérique du Nord, s’installe à Rhode Island, attendant, pour gagner les Bermudes, de nouvelles subventions de plus en plus improbables, déployant une intense activité religieuse, culturelle et philanthropique, rédigeant Alciphron ou le Pense-Menu, jusqu’à ce que, sans être allé plus loin, il doive renoncer à son projet : il rentre en Angleterre en septembre 1731. Il y publie l’Alciphron (1732), accompagné d’une nouvelle version de la Théorie de la vision. Il est consacré évêque de Cloyne (près de Cork) en mai 1734. Occupé par sa charge épiscopale, il ne publiera plus que de brefs pamphlets, l’Analyste (1734) et le Questionneur (1735-1737), avant de faire paraître en 1744 la Siris, réflexions et recherches philosophiques concernant l’eau de goudron et divers autres sujets connexes et naissant les uns des autres, curieux et abondant prospectus qui prend pour prétexte un remède indien rapporté par Berkeley d’Amérique et qu’il utilisait dans son diocèse lors des épidémies, mais qui s’achève sur des points de métaphysique et de religion. Malade, Berkeley quitte l’Irlande en 1752 pour Oxford, où il meurt en 1753.

Comme sa vie, l’œuvre de Berkeley obéit à un double dessein scientifique et religieux, liant le combat contre le libertinage et l’irréligiosité à une tentative de rénovation de l’optique, de la géométrie et du calcul infinitésimal.