Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Ben Bella (Ahmed) (suite)

Mais le M. T. L. D. connaît alors des difficultés financières qui paralysent toute activité ; les militants de l’Organisation spéciale attaquent la poste d’Oran et parviennent à renflouer pour un temps la trésorerie du parti. Quelques mois plus tard, la police finit par mettre la main sur les auteurs de ce coup, inspiré par Ben Bella. Le chef de l’Organisation spéciale et quelques-uns de ses amis sont condamnés à de lourdes peines de prison. Deux ans plus tard, en 1952, Ben Bella s’évade de la prison de Blida. Désormais, il va se consacrer activement à la préparation de la lutte armée. Les conditions semblent alors favorables pour passer à l’action. La Tunisie et le Maroc sont en pleine insurrection, et l’Égypte, où Ben Bella s’est rendu en 1953, promet son aide.


Le chef de la délégation extérieure du F. L. N.

Après avoir tenté vainement de gagner à leurs idées la direction du M. T. L. D., neuf militants, anciens responsables de l’Organisation spéciale, constitués en Comité révolutionnaire d’unité et d’action (C. R. U. A.) se réunissent au cours de l’automne 1954, en Suisse, et décident, en dehors et à l’insu du parti, de passer à l’action. Le 1er novembre 1954, l’insurrection est déclenchée avec des moyens rudimentaires. Resté à l’étranger, Ben Bella organise le soutien logistique des opérations. Son rôle consiste à obtenir des pays arabes le plus d’armes possible et à les introduire en Algérie. Ben Bella apparaît alors comme le véritable chef du F. L. N. (Front de libération nationale), mouvement fondé par l’« Organisation spéciale » et qui ne tarde pas à s’imposer comme l’unique force politique de l’Algérie. En 1955, il entre en contact avec le gouvernement français. Des pourparlers menés au Caire, à Belgrade et à Rome aboutissent en septembre 1956 à un accord qui devrait mettre fin à l’état de guerre.


Le prisonnier politique

Des perspectives de paix commencent à se dessiner, lorsque Ben Bella et les autres responsables de l’Extérieur sont arrêtés en octobre 1956. L’avion qui doit les conduire de Rabat à Tunis pour participer à une réunion des États nord-africains et informer la Tunisie et le Maroc des conditions de paix qui leur sont faites se pose à Alger, à la demande des autorités françaises d’Algérie. Le gouvernement de la République, mis devant le fait accompli, ne désavoue pas l’opération. Ben Bella et ses compagnons, transférés en France, vont y passer six ans en captivité.

Cette opération accroît le prestige du chef de la délégation extérieure. En 1958, Ben Bella est désigné comme vice-président du premier G. P. R. A. (Gouvernement provisoire de la République algérienne). Libéré au mois de mars 1962, après les accords d’Évian, il se consacre activement à doter le F. L. N. d’une doctrine, dont l’absence risque fort, à ses yeux, de compromettre une indépendance chèrement acquise. Le C. N. R. A. (Conseil national de la révolution algérienne), réuni à Tripoli, adopte le programme préparé en prison par Ben Bella et ses compagnons, et dont les options préconisent l’établissement de structures socialistes en Algérie. Sur la base de ce programme, Ben Bella est élu au nouveau Bureau politique du F. L. N. Il entre alors en lutte contre le G. P. R. A., dont les membres ne figurent pas à l’instance suprême du parti.

Après une période d’incertitude, le Bureau politique, fort de l’appui de l’état-major de l’A. L. N. (Armée de libération nationale), l’emporte sur le G. P. R. A. Le 27 septembre 1962, Ben Bella constitue le premier gouvernement de l’Algérie indépendante.


Le chef de l’État algérien

La situation est alors extrêmement difficile en Algérie. Le départ massif de la population française provoque un effondrement des structures économiques. Le pays compte près de 2 millions de chômeurs, dont 250 000 dans la seule ville d’Alger. Les paysans affluent dans les villes dans l’espoir de trouver du travail et de participer au partage des logements des Français. Au surplus, après sept ans de guerre et de souffrances, la population est impatiente de récupérer les immenses domaines exploités par les colons européens.

Ben Bella procède au mois de mars 1963 à la nationalisation de la plupart des grandes propriétés foncières. Conformément au programme de Tripoli, il engage le pays dans la voie du socialisme et de l’autogestion. Cette politique ne détériore pas pour autant les rapports franco-algériens. Les liens qui unissent les deux pays sont assez étroits pour nécessiter des concessions d’une part comme de l’autre. La France réagit timidement à la nationalisation des terres de la colonisation ; de son côté, le gouvernement algérien lui donne des assurances de principe dans le domaine du pétrole.

Cette attitude à l’égard de l’ancienne métropole n’empêche pas Ben Bella d’adopter des positions résolument anti-impérialistes. Au mois d’octobre 1962, après une visite aux États-Unis, il se rend à Cuba, marquant ainsi sa solidarité avec la révolution cubaine.

Au demeurant, Ben Bella considère que la lutte du peuple algérien lui assigne des responsabilités toutes particulières dans le monde arabe, en Afrique, et d’une façon générale dans le tiers monde. De là la politique panarabe fondée sur le soutien donné au peuple palestinien contre l’État d’Israël, et qui rejoint dans une certaine mesure celle de Nasser, pour lequel le chef de l’État algérien professe une profonde estime. De là aussi l’aide apportée aux mouvements de libération nationale, notamment en Angola, et les critiques véhémentes à l’égard de la politique américaine au Viêt-nam.

En 1965, Ben Bella semble au faîte de sa puissance : secrétaire général du F. L. N. et président de la République, il convoque à Alger une conférence afro-asiatique. Son prestige va être confirmé lorsque, le 19 juin 1965, quelques jours avant l’ouverture de la conférence, un coup d’État fomenté par son principal collaborateur, le colonel Boumediene, l’écarte du pouvoir. Depuis lors, Ben Bella attend son procès en prison.

M. A.

➙ Algérie / Boumediene (Houari).

 R. Merle, Ahmed Ben Bella (Gallimard, 1965).