Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Belgique (suite)

La Seconde Guerre mondiale et le problème royal

Cela n’empêche pas Hitler de faire envahir la Belgique par ses troupes le 10 mai 1940. Malgré l’apport tardif des Alliés, le pays ne peut réitérer la résistance de 1914. Le 28 mai, le roi des Belges, comme chef suprême de l’armée, capitule et regagne le château de Laeken, tandis que des membres de son gouvernement, présidé par le catholique Hubert Pierlot (1883-1963), partent pour Londres, d’où ils dirigeront la Résistance belge.

Léopold III, pendant les quatre ans d’occupation de la Belgique par les nazis, se tient à l’écart des affaires publiques. Veuf de la princesse Astrid de Suède († 1935), il épouse en 1941 Liliane Baels, qui devient princesse de Réthy.

L’attitude jugée équivoque du roi fera rebondir à la Libération la question royale (jusqu’où vont les prérogatives royales en matière politique et militaire ?), question qui a déjà opposé Albert Ier et ses ministres durant la Première Guerre mondiale, mais que la personnalité discutée de Léopold III rendra particulièrement épineuse.

En juin 1944, le roi et sa famille sont déportés en Allemagne. Son frère, le prince Charles, est élu régent (20 sept.). Le parti socialiste belge (héritier du P. O. B.) prend position contre le retour du roi, libéré le 7 mai 1945. Gauche et droite s’affrontent violemment au Parlement.

En 1950, bien que rappelé par les Chambres et le gouvernement social-chrétien homogène issu des élections législatives, et conformément au référendum du 12 mars, Léopold III, devant l’hostilité de la gauche, remet ses pouvoirs à son fils, le prince Baudouin (1er août), en faveur duquel il abdique un an plus tard. Le 17 juillet 1951, Baudouin prête le serment constitutionnel.


La Belgique depuis 1951


La question économique et sociale

En 1945, la Belgique connaît un redressement économique spectaculaire, dont les principaux éléments sont : le fait que les destructions, durant la Seconde Guerre mondiale, ont été relativement faibles ; l’utilisation du port d’Anvers par les Américains ; la richesse du pays en dollars et la prospérité coloniale (Congo, Katanga) ; l’aide du plan Marshall (1947) ; l’assainissement rapide du pays par l’opération de contraction monétaire, doublée d’un blocage des avoirs, réalisée par le ministre des Finances Camille Gutt.

Des signes d’une récession — due au redressement des pays voisins, à la faiblesse du taux de croissance, au malaise charbonnier et wallon — se manifestent après 1949. Mais la création du Benelux (1948), l’entrée de la Belgique dans le Marché commun, la politique du cabinet Eyskens (1958) assainissent quelque peu la situation économique.


Le problème scolaire

La question royale réglée, voici qu’éclate la question scolaire. Revenus au pouvoir en 1951, les catholiques (parti social-chrétien [P. S. C.]) veulent favoriser l’enseignement chrétien et le soutenir financièrement. Ils se heurtent à l’hostilité violente de la gauche, qui, à l’issue des élections de 1954, revient au gouvernement. Léo Collard, ministre de l’Instruction publique du gouvernement socialo-libéral présidé par Achille Van Acker (1898-1975), veut uniformiser et démocratiser les deux enseignements. La guerre scolaire éclate, qui va heureusement se terminer.

Car, après la victoire du parti social-chrétien, qui obtient même la majorité absolue au Sénat (élections de 1958), le gouvernement Eyskens institue une commission, formée de représentants des trois grands partis, chargée d’établir une paix scolaire. Ses délibérations provoquent la conclusion d’un pacte scolaire (20 nov. 1958) sur la base d’un compromis, en matière de subsides notamment.

Une fois réglé le problème scolaire, le gouvernement Eyskens (1958-1961) doit s’attaquer au contentieux congolais. Le 30 juin 1960, le Congo est proclamé indépendant. (V. Zaïre.)


Le problème linguistique

Mais, déjà, le gouvernement est aux prises avec une grave agitation sociale, due en partie au vieillissement de l’industrie wallonne. À la « loi unique » de redressement financier et d’austérité économique, les syndicats opposent des grèves monstres (janv. 1960).

Mais les revendications ouvrières — wallonnes surtout — sont liées à une volonté de défendre, face à la Flandre, les intérêts de la Wallonie. Les élections législatives de 1961 — où l’Union populaire flamande (Volksunie) gagne plusieurs sièges — provoquent la chute du gouvernement Eyskens et la formation d’un gouvernement de coalition présidé par le social-chrétien Théo Lefèvre (1914-1973), qui doit immédiatement faire face au problème linguistique.

Considérant que, durant plus d’un siècle, ils ont été dominés par la bourgeoisie francophone et que la balance démographique et économique s’est modifiée en leur faveur, les Flamands (néerlandophones) agissent désormais d’une manière déterminée (marche vers Bruxelles, oct. 1961). Leur volonté de « flamandiser » tous les aspects de la vie dans les provinces non francophones s’exerce de toutes les façons. Ils réclament la « reconquête » de Bruxelles, capitale du Brabant mais ville francophone, l’industrialisation systématique des Flandres, la décentralisation administrative (certains parlent de fédéralisme) ; ils obtiennent le transfert en Wallonie des facultés francophones de l’université de Louvain.

Le problème linguistique, auquel s’ajoutent de graves préoccupations économiques et sociales, explique en grande partie l’instabilité politique en Belgique. En 1963, la situation est tellement grave que les trois grands partis en viennent à envisager ensemble une révision de la Constitution unitaire belge. Mais la « table ronde » ne débouche sur aucune solution. Les partis sont d’ailleurs divisés eux-mêmes, le clivage linguistique venant s’ajouter aux différences idéologiques.

Quand Pierre Harmel, en juillet 1965, vient au pouvoir avec un gouvernement de coalition (P. S. C.-P. S. B.), il ne peut, lui non plus, obtenir une révision de la Constitution qui exige la majorité des deux tiers du Parlement.