Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Belgique (suite)

Il est vrai qu’ils ont hâte de régler le second problème, celui de la couronne. Dès le 17 février 1831, Louis-Philippe, par crainte des Anglais, a refusé le trône pour son fils, le duc de Nemours. Lebeau jette son dévolu sur le prince Léopold de Saxe-Cobourg, veuf d’une princesse anglaise, très bien vu à Londres. Or, Léopold met comme condition à son acceptation la ratification des Dix-Huit Articles par le Congrès. Cette ratification étant votée, Léopold Ier prête serment à la Constitution (21 juill.).

En fait, tout est bientôt à recommencer : les Hollandais, le 2 août, envahissent la Belgique, qui, impuissante, fait appel aux Français. Ceux-ci délivrent le territoire belge, sauf Anvers, dont ils ne s’empareront qu’en décembre 1832. Événement fâcheux qui révèle à l’Europe la vulnérabilité du jeune État. Les Vingt-Quatre Articles (14 oct. 1831), qui remplacent les Dix-Huit Articles, sont plus durs pour la Belgique, qui voit Maastricht, le Limbourg hollandais et le Luxembourg de langue allemande passer à la Hollande ; les Chambres belges doivent s’incliner (15 nov.).

L’acceptation, en 1838-39, par la Hollande, de l’indépendance belge finit par donner une assiette à un pays à qui est imposé une neutralité perpétuelle.


La Constitution de 1831

Le Congrès national, élu pour donner à la Belgique une Constitution, termine sa tâche en février 1831 (approbation le 7 ; promulgation le 11).

Cette Constitution, qui s’inspire de la loi fondamentale de 1815 et de la charte française de 1830, fait de la Belgique une monarchie constitutionnelle et héréditaire, par ordre de primogéniture dans la postérité mâle du souverain. Les ministres sont nommés par le roi et révocables par lui. La Constitution affirme bien l’inviolabilité de la personne du roi et la responsabilité ministérielle, mais elle est muette sur les relations possibles entre ces deux principes.

Le roi, chef de l’État, exerce le pouvoir exécutif, sanctionne et promulgue les lois, commande l’armée et peut dissoudre les deux Chambres — Chambre des représentants et Sénat —, élues au suffrage censitaire et qui, avec le gouvernement, exercent le pouvoir législatif.

Les lois communale et provinciale, votées en mars 1836, s’inspirent des mêmes principes de libéralisme bourgeois et de désaveu des particularismes de l’Ancien Régime.


Les règnes de Léopold Ier (1831-1865) et de Léopold II (1865-1909)


Les souverains et leur politique générale

Léopold Ier*, que l’on surnomme l’« Oracle politique de l’Europe », s’efforce de maintenir la balance égale entre la France et l’Angleterre, qui l’ont protégé contre les Pays-Bas. Ses relations avec la monarchie de Juillet sont particulièrement bonnes ; en 1832, il épouse, en secondes noces, Louise-Marie d’Orléans, fille de Louis-Philippe, qui lui donne trois enfants : Léopold, Philippe et Charlotte.

Par contre, il connaît des difficultés avec le second Empire. Après le 2 décembre 1851, la Belgique sert de refuge à nombre d’opposants français en fuite ou exilés : accueil que Napoléon III voit d’un mauvais œil. De plus, les Belges sont ulcérés des visées françaises sur leur pays, visées qui entrent dans la stérile politique de « pourboires » pratiquée par l’empereur des Français à l’égard de Bismarck. Aussi, l’opinion belge sera-t-elle généralement hostile à la France lors du conflit franco-allemand de 1870.

À l’intérieur, Léopold Ier désire diriger la vie politique ; conservateur, il impose des cabinets unionistes ; il tente même d’obtenir la nomination des bourgmestres et des échevins. Mais, ces manœuvres rencontrant l’hostilité des partis, il a la prudence et l’intelligence d’y renoncer et de se cantonner dans la diplomatie.

Léopold II* est un homme aux vastes desseins, à l’étroit dans la petite Belgique. Dès avant son accession au trône, il a parcouru l’Afrique, cette Afrique où il rêve de se tailler un empire. Devenu roi, et quoique de tempérament autoritaire, il laisse la Belgique se gouverner librement et assiste, sans les entraver, aux progrès du parti libéral. Sans doute met-il en état de défense le pays et le couvre-t-il de monuments, mais, homme d’affaires avisé, il s’intéresse surtout à l’Afrique. En 1876, il fonde l’Association internationale africaine ; puis il fait explorer le Congo par Stanley (1879). En 1885, la propriété personnelle du Congo, érigé en État indépendant sous sa souveraineté, lui est reconnue (conférence de Berlin) ; il en tire d’importants bénéfices, s’attirant de violentes critiques pour ses méthodes d’exploitation. Finalement, le Congo, légué par le roi à la Belgique, est annexé par celle-ci (1908).


L’évolution politique

Au lendemain de l’indépendance, il n’y a pas de partis en Belgique, encore qu’un certain clivage permette, depuis longtemps, de distinguer catholiques et libéraux, divisés sur la question religieuse et sur la formulation des relations Église-État.

Le roi lui-même favorisant l’union, la plupart des ministères qui se succèdent de 1831 à 1847 sont des cabinets unionistes (catholiques-libéraux). Mais, peu à peu, les deux partis s’organisent, prennent des options, en attendant d’inaugurer ce qu’on appellera « la discipline du parti autour d’un pouvoir commun ».

Le parti libéral s’organise d’abord. Le 14 juin 1846 se tient le premier congrès libéral, préparé par la société l’Alliance. Parmi les points du programme élaboré, l’abaissement progressif du cens électoral et l’organisation d’un enseignement public aux mains de l’État constitueront les revendications majeures des libéraux, dont les chefs de file sont H. J. Frère-Orban (1812-1896) et Ch. Rogier (1800-1885).

Les catholiques mettent plus de temps à s’organiser, parce qu’ils sont divisés en mennaisiens et en conservateurs. Ce n’est qu’après les congrès de Malines (1863, 1864, 1867) qu’un parti catholique (Fédération des cercles catholiques et des associations constitutionnelles et conservatrices) se crée (1868). Son programme : « la défense de l’Église sur le plan des institutions nationales ». Charles Woeste (1837-1922), plus conservateur, et Auguste Beernaert (1829-1912), plus sensible aux problèmes sociaux, sont les chefs principaux de cette « droite » belge.