Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Belfort-Montbéliard (suite)

Pays froid, humide, venteux, aux terres médiocres, ce seuil semblait moins fait pour attirer une population dense que le Sundgau alsacien voisin. Mais le carrefour appelait la création de villes. Et les bois, les eaux vives, les minerais superficiels de fer étaient favorables à l’essor de l’industrie, comme l’étaient la proximité du sel du Saulnot ou, plus tard, celle de la houille de Ronchamp et des minerais métalliques de la vallée de Plancher-les-Mines.

L’essor industriel est pourtant né davantage des hommes que des ressources. Il s’est fait en deux étapes. Dans le pays de Montbéliard, il est le résultat de l’initiative de quelques grandes familles protestantes : dès le xviiie s., les Peugeot, les Japy vont apprendre en Suisse les techniques nouvelles, la fabrication des indiennes ou celle des montres, qui sont à la base du premier essor industriel. Á Belfort, longtemps place médiocre, la poussée industrielle naît de la guerre de 1870 : la porte de Bourgogne cesse d’être un carrefour, pour ne plus être qu’un boulevard, mais les industriels alsaciens qui refusent l’annexion font, en quelques décennies, de Belfort un grand centre d’industries mécaniques et textiles, cependant que la bordure méridionale des Vosges se trouve animée par des ateliers ou de petites usines.

L’entre-deux-guerres voit l’activité se développer dans un tout petit nombre de branches. Si la bordure sous-vosgienne et Héricourt demeurent vouées presque exclusivement au coton, Belfort accuse son orientation vers la mécanique grâce aux succès de l’Alsthom (l’ancienne Alsacienne de constructions mécaniques). Dans le pays de Montbéliard, la métallurgie, le textile, l’horlogerie cèdent de plus en plus le pas à la mécanique, que dominent les deux groupes Japy et Peugeot. L’automobile entraîne un essor rapide des fabrications, en même temps qu’un glissement vers le nord, vers Audincourt d’abord, puis vers la plaine de l’Allaine (ou Allan) à Sochaux, des foyers industriels jusqu’alors cantonnés dans les petites vallées qui descendent de l’Ajoie.

La porte de Bourgogne a été assez gravement éprouvée par la guerre à l’automne 1944. Mais le potentiel industriel de la région n’était pas entamé et correspondait à des branches dont l’essor était rapide. Pour faire face aux nouveaux besoins de main-d’œuvre de l’Alsthom et des automobiles Peugeot, il n’était d’autre moyen que de multiplier les réseaux de cars d’ouvriers, qui allaient chercher dans les zones rurales ou dans les secteurs d’industrie textile déclinante le personnel qui ne pouvait pas loger à proximité des usines. Ainsi s’est formé un vaste bassin de main-d’œuvre, où les aires de ramassage de Sochaux et de Belfort se chevauchent et orientent vers la porte de Bourgogne une bonne part du nord-est de la Franche-Comté ainsi que le Sundgau occidental et central.

La région de Belfort-Montbéliard fait ainsi figure de région industrielle spécialisée tournée vers la mécanique : le textile a presque disparu, et toute la vie est dominée par Peugeot et Alsthom, accessoirement par Japy et Bull. Le cadre étroit de cette région n’a cependant pas permis la poursuite de l’expansion sur place. L’usine de Sochaux constitue le plus gros établissement industriel de la province française (30 000 personnes employées). Mais la croissance se poursuit surtout à l’extérieur de la région urbaine de Belfort-Montbéliard — à Mulhouse en particulier —, ce qui a tendance à rapprocher celle-ci de ces terres de l’Alsace méridionale.

L’unité de la région résulte ainsi plus du parallélisme des orientations industrielles et d’une médiocrité commune des équipements tertiaires que de rapports organiques : entre les deux ensembles de Belfort et du pays de Montbéliard, il existe toujours dans le paysage une coupure. Mais on commence à prévoir ou à mettre en œuvre une organisation commune : le port de Bourogne intéressera aussi bien les industriels de Belfort que ceux de Montbéliard ; les services nouveaux sont prévus pour desservir l’une et l’autre agglomération, cependant que l’autoroute A 36, entre Danjoutin et Exincourt, mettra les deux cités à quelques minutes de trajet.

Les paysages urbains et les organisations de l’espace demeurent jusqu’à présent très différents, malgré la similitude qui résulte, de part et d’autre, de la rapidité de la croissance et de la multiplication des quartiers neufs.


Belfort

La ville est ordonnée autour d’un centre dense et bien équipé. Mais son site a pesé sur son développement. Belfort, qui garde un grand passage est-ouest, est allongée sur plus de 5 km dans le sens nord-sud, le long de la vallée de la Savoureuse. La ceinture des forts qui la protégeaient vers l’Alsace lui a interdit de déborder vers les espaces calmes du Sundgau. Vers l’ouest, l’expansion ne s’est réellement produite qu’après la Seconde Guerre mondiale : à l’obstacle du relief s’ajoutait celui des voies ferrées. La croissance s’est faite d’abord le long du fond plat de la vallée et plutôt en direction du nord, vers Giromagny : c’est là que se sont installées les grandes usines, celles de l’Alsthom et de Dollfus-Mieg (celle-ci est aujourd’hui occupée par Bull) ; c’est là aussi que se sont édifiées les cités ouvrières, multipliées très tôt, selon une habitude du patronat mulhousien.

La vieille ville avait été ceinturée de fortifications par Vauban. Elle était ainsi coupée de la circulation, et le centre de la vie s’est fixé, à la fin du xixe s., à l’extérieur de l’enceinte fortifiée, immédiatement à l’ouest. Le quartier commerçant garde de cette époque une certaine ordonnance monumentale, mais aussi un air impersonnel, car le paysage n’y évoque en rien les aspects traditionnels de l’Alsace ou de la Comté. Au-delà, les constructions sans grand caractère se sont multipliées ; ce n’est que vers Giromagny, au nord, que l’on retrouve les fermes à pignon sur rue du pays sous-vosgien. Du lion qui commémore l’héroïque résistance de Denfert-Rochereau, en 1870-71, le panorama ne manque pourtant pas de charme.