Belfort (Territoire de). 90 (suite)
Il se présente comme un triangle dont le sommet est au ballon d’Alsace et dont la base est constituée par la frontière suisse, le long de l’Ajoie. Le pays est varié : formé par les lourdes croupes vosgiennes au nord, marqué par des vallées brusquement épanouies et de hautes collines gréseuses dans la zone sous-vosgienne, il oppose plus au sud les éléments de plateaux, qui prolongent à l’ouest ceux de la Franche-Comté, et les ondulations régulières de la région du Sundgau, à l’est.
La production agricole porte la marque de cette diversité physique. L’élevage tient partout une grande place, mais il existe des contrastes ou des nuances. La montagne perd ses dernières fermes et ne vit plus guère que des forêts et du tourisme. Autour de Belfort et au sud-ouest, à proximité de Montbéliard, l’agriculture n’est bien souvent qu’une activité d’appoint. Seul le Sundgau demeure essentiellement rural.
Le Territoire est un carrefour de voies : il fait partie de cette porte de Bourgogne et d’Alsace qui ouvre à la France de l’Est le monde rhénan. On s’attendrait à voir le commerce et les échanges tenir une place importante, mais il n’en est rien. Porrentruy et Montbéliard ont joué dans ce domaine un rôle plus actif que Belfort, qui servait surtout à verrouiller le passage.
L’économie est surtout industrielle. Les ressources locales sont médiocres : quelques gisements superficiels de minerai de fer dans le prolongement de ceux du pays de Montbéliard. Toutefois, le bois, les eaux vives des rivières venues des Vosges pouvaient fournir l’énergie nécessaire aux ateliers, et le bassin houiller tout proche de Ronchamp a incontestablement favorisé la croissance économique dans la seconde moitié du siècle passé.
Cependant, les activités industrielles ne doivent pas grand-chose au milieu local. La plupart sont nées depuis moins d’un siècle. Elles ont été créées par des Suisses (à Delle par exemple) ou par des Mulhousiens fuyant la province annexée (le textile dans les vallées vosgiennes et à Belfort, avec la puissante usine Dollfus-Mieg ; la mécanique à Delle et à Belfort, avec l’Alsacienne de constructions mécaniques).
Le Territoire est articulé autour de ses agglomérations industrielles. Beaucourt, au sud-ouest, fait déjà partie du pays de Montbéliard. Delle souffre et profite à la fois de la proximité de la Suisse. Belfort regroupe l’essentiel des équipements.
Est-ce à dire que le Territoire constitue une construction harmonieuse ? Au début du siècle, il y avait sans doute une vie locale relativement autonome autour de Belfort. La situation actuelle est toute différente : Alsthom recrute sa main-d’œuvre jusqu’en Haute-Saône, cependant que des Belfortains vont travailler tous les jours en Suisse et que les usines Peugeot de Sochaux attirent des ouvriers de tout le Territoire.
Il se crée une solidarité entre le pays de Montbéliard, la région belfortaine et la zone industrielle sous-vosgienne en Haute-Saône : la circonscription administrative que constitue le Territoire n’est plus à l’échelle de cette géographie moderne.
Une partie des activités nouvelles du Territoire témoigne de cette transformation, car celui-ci se trouve bien placé par rapport à l’ensemble de l’espace industriel du nord-est de la Franche-Comté, par rapport aussi au marché suisse, proche. Belfort bénéficie ainsi d’équipements de service plus importants. Sur le tracé du futur canal du Rhône au Rhin, on équipe déjà la zone industrielle et commerciale de Bourogne, qui intéresse à la fois les Belfortains, les Montbéliardais et la Suisse, qui voit là un moyen de décongestionner Bâle, surchargée.
P. C.
A. Gibert, la Porte de Bourgogne et d’Alsace (A. Colin, 1930). / A. Bailly et coll., Problèmes d’urbanisation dans la région de Belfort (les Belles Lettres, 1968). / B. Dézert, la Croissance industrielle et urbaine de la Porte d’Alsace (Sedes, 1970).