Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Béjart (Maurice Jean Berger, dit Maurice) (suite)

La virtuosité n’est pas l’unique caractéristique de la troupe de M. Béjart : « Les danseurs d’aujourd’hui sont obligés de multiplier leur formation, d’acquérir une culture. Lorsqu’on interprète Webern, Stravinski ou Bartók, le regard, l’être, toute la compréhension doit participer à cette science, à cette beauté musicale. » Maurice Béjart apparaît comme un des principaux artisans du ballet moderne. Sa formation, son attirance pour la philosophie hindoue le conduisent à envisager la danse comme un double langage, intérieur et universel, et comme une profession de foi. Ses mises en scène sont de riches architectures sur lesquelles se détachent des corps rompus à toutes les attitudes, de la pose la plus hiératique à la dislocation la plus totale. Source d’émotion esthétique ou de plaisir physique, le corps est une matière brute que Béjart utilise à son gré. Par lui la danse n’est plus un art d’esthète, mais l’expression d’un art de masse.

H. H.

Béla III

Roi de Hongrie de 1172 à 1196.


Au milieu du xiie s., la situation politique du royaume de Hongrie est déterminée d’une part par la lutte entre l’empereur Frédéric Barberousse et le pape Alexandre III, d’autre part par la volonté de conquête de l’empereur byzantin Manuel Ier. Ces deux facteurs augmentent l’anarchie en Hongrie en favorisant l’apparition de rois rivaux.

Le jeune prince Béla, deuxième fils de Géza II (1141-1162), est l’un des points de cristallisation de ces conflits jusqu’à ce que son frère aîné, Étienne III (1162-1172), et Manuel Ier aient conclu un accord (1163). Manuel offre la main de sa fille et, avec elle, le trône de Byzance à Béla ; en contrepartie, Étienne III promet à l’empereur l’héritage de Béla : la Croatie et la Dalmatie. La députation byzantine emmène le prince Béla, alors âgé de quatorze ans, à la cour impériale, où il est déclaré héritier de Manuel. Béla prend le nom d’Alexios et participe, aux côtés de Manuel, aux campagnes menées par ce dernier et par Étienne III pour la conquête de la Dalmatie et de la Sirmie. Mais, lorsque Manuel aura un fils, il rompra les fiançailles de sa fille et de Béla, et mariera celui-ci à Anne de Châtillon, héritière d’Antioche.

Après la mort d’Étienne III, Béla, aidé par l’empereur, mène une armée en Hongrie, où il est accueilli avec méfiance, car on le considère comme le représentant de l’influence byzantine. Mais Béla III réussit à se gagner la papauté, le clergé hongrois ainsi que les seigneurs et à libérer progressivement sa politique de celle de Manuel. Certes, il fait battre monnaie, augmente le rôle des hauts fonctionnaires et restaure l’ordre juridique, désorganisé au cours des règnes précédents, sur le modèle byzantin. Mais il favorise également l’installation d’ordres de chevalerie occidentaux, ainsi que celle des Prémontrés et des Cisterciens.

Pendant son règne est renforcée l’organisation de la chancellerie royale, dont les actes prouvent une nette influence française et dont les membres ont fait en grande partie leurs études à la Sorbonne, tels Adorján, prévôt de Buda, chancelier, et le notaire royal maître P., dit Anonymus, qui écrit vers 1200 les Gesta Hungarorum et traduit le Roman de Troie. La stabilité de la chancellerie royale impose l’administration écrite systématique. Les organisations ecclésiastiques, chapitres, couvents, jouent un rôle particulier en tant que « loca credibilia », en remplissant, à partir de 1181, les fonctions notariales.

Béla III profite de l’affermissement de son pouvoir pour entreprendre des conquêtes territoriales. Les changements de la situation internationale favorisent ses plans, le pape soutenant le roi hongrois et Byzance étant affaiblie par la mort de Manuel. Ainsi, Béla reprend aisément la Sirmie et la Dalmatie, conserve face à Venise les villes dalmates et conquiert, provisoirement, la principauté de la Galicie (1187). Après la mort de sa femme, il se remarie avec Marguerite de France, sœur de Philippe Auguste et veuve du fils d’Henri II d’Angleterre. Il est probable que le relevé des grands revenus du roi et ses fiefs, dont on garde copie à la Bibliothèque nationale de Paris, est en rapport avec la préparation de ce mariage : il en ressort que les biens de Béla III ont égalé ceux du roi d’Angleterre.

À la fin du xiiie s., les troupes de la troisième croisade traversent la Hongrie. Les chroniqueurs Ansbert et Arnold de Lübeck, qui y participent, relatent l’accueil somptueux que Béla et sa femme réservent à Frédéric Barberousse à Esztergom, dont les ruines attestent l’influence de l’architecture française.

Le règne de Béla III, qui restaura la structure de l’État féodal, fut une période de stabilité ; le roi favorisa la formation des villes et la pénétration d’un mode de vie chevaleresque dans les couches seigneuriales. Cette politique élargit l’audience de la Hongrie en Europe occidentale et confirma l’orientation latine du royaume, notamment l’influence de la civilisation française dans le domaine des arts et des lettres.

P. P.

➙ Hongrie.

 G. Forster (sous la dir. de), En souvenir du roi hongrois Béla (en hongrois, Budapest, 1900). / B. Hóman, Geschichte des ungarischen Mittelalters (trad. du hongrois, Berlin, 1940).

Bélanger (François Joseph)

Architecte français (Paris 1744 - id. 1818).


Si les élégants hôtels que construisit Bélanger dans le quartier tout nouveau de la Chaussée-d’Antin ont disparu au cours du xixe s., du moins reste-t-il, pour témoins de son goût sûr et de son sens aigu de la modernité, deux chefs-d’œuvre, Bagatelle et la folie Saint-James à Neuilly. Bélanger appartient à la brillante école des Jean Chalgrin (1739-1811) et des Jacques Cellerier (1742-1814). Épris de nouveauté, le comte d’Artois, futur Charles X, s’était attaché de bonne heure cet artiste ingénieux à résoudre des problèmes d’aménagement et de décor intérieur que la mode renouvelait sans cesse. Il fit de lui son premier architecte.