Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bechet (Sidney) (suite)

Moments et lieux

14 mai 1897 (?) ou 1892

Naissance de Sidney Bechet à La Nouvelle-Orléans.

1908

Il fait partie de l’Eagle Band sous la direction de Bunk Johnson.

1914

Tournée au Texas avec Clarence Williams.

1918

Il joue à Chicago et à New York.

1919

Il est l’un des musiciens du Southern Syncopated Orchestra, ensemble américain qui joue à Londres. Ernest Ansermet écrit à son sujet un article enthousiaste dans la Revue romande.

1920

Premier séjour à Paris, où il dirige quelques semaines un orchestre chez Bennie Peyton.

1925

Retour, après avoir participé à des opérettes et autres comédies ou revues musicales aux États-Unis, à Paris, avec la Revue nègre dont la vedette est Joséphine Baker. Il se produit aussi à Berlin et à Moscou.

1927

De nouveau en Europe dans l’orchestre de Sam Wooding, puis avec Noble Sissle. Impliqué dans une rixe à Montmartre, il sera expulsé de France en novembre 1929.

1932

À New York, il s’associe avec Tommy Ladnier pour créer les New Orleans Feetwarmers.

1934

Noble Sissle engage de nouveau Bechet, qui avait abandonné la musique et ouvert une boutique de fripier à Harlem.

1937

Premier disque sous son nom.

1938

Hugues Panassié l’enregistre à New York avec Mezz Mezzrow et Tommy Ladnier.

1940

Nombreux enregistrements à partir de cette date, notamment avec Louis Armstrong.

1945

Création de la firme de disques King Jazz par Mezz Mezzrow, qui utilise beaucoup Bechet.

1949

Il triomphe au festival de jazz, à la salle Pleyel de Paris.

1950

Après un bref retour aux États-Unis, il décide de se fixer en France.

1951

Mariage fastueux à Antibes avec l’Allemande Elisabeth Ziegler.

1955

Il reçoit à l’Olympia le Disque d’or, qui témoigne d’une vente supérieure à un million d’exemplaires.

14 mai 1959

Mort de Bechet, à Garches, d’un cancer du poumon. Il est enterré au cimetière de Garches.

Becker (Jacques)

Metteur en scène de cinéma français (Paris 1906 - id. 1960).


La première passion du jeune Jacques Becker est celle du jazz : à seize ans, il forme un petit orchestre, auquel vient parfois se mêler Ray Ventura. Plus tard, alors qu’il travaille pour le compte de la Compagnie générale transatlantique, il profite d’un voyage à New York pour fréquenter Harlem et ses musiciens. C’est sur un paquebot de la Compagnie qu’il rencontre le réalisateur américain King Vidor. Becker se voit offrir un engagement comme assistant et comme acteur, mais, la mort dans l’âme, il ne peut donner suite à cette proposition, car il n’obtient pas le permis de séjour nécessaire.

Ce n’était pourtant pas son premier contact avec le monde du cinéma : quelques années auparavant, pendant les vacances d’été, il avait fait la connaissance de Jean Renoir, dont le père avait été fort lié avec la famille Becker, qui avait compté également Cézanne parmi ses amis. Pour Jacques Becker, l’amitié de Jean Renoir sera déterminante. De 1932 (Boudu sauvé des eaux) à 1937 (la Grande Illusion), Jacques Becker va apprendre le métier à l’ombre de celui qui s’impose déjà comme un des grands maîtres de l’image. Assistant consciencieux et minutieux — deux qualités qui se retrouveront dans ses futurs films —, Jacques Becker ne trouve avant la guerre que le temps de tourner deux pochades et de réaliser les premières bobines d’un film (l’Or du Cristobal) qu’un autre se chargera de terminer. Sa carrière prend tournure quand on lui propose de réaliser une parodie de roman policier : Dernier Atout (1942), œuvrette dont le rythme très soutenu parvient avec bonheur à masquer la pauvreté technique de la production. Goupi Mains-Rouges (1943) est d’une tout autre facture : cette minutieuse description d’une famille de paysans hésite parfois entre la fantaisie et le réalisme, mais on reconnaît dans ce film un ton qui annonce un véritable auteur. Falbalas (1944) décrit le monde de la haute couture, Antoine et Antoinette (1947) conte les aventures d’un petit couple d’ouvriers parisiens qui gagnent le gros lot à la Loterie nationale, mais égarent le billet : l’histoire n’était qu’un prétexte, le véritable sujet du film étant la peinture tendre et précise d’un milieu social jusqu’alors très dédaigné par les cinéastes. Après Rendez-vous de juillet (1949) et Édouard et Caroline (1951), Jacques Becker tourne son chef-d’œuvre, Casque d’or (1952), sur la vie des apaches à Belleville au début du xxe s. Le film a le malheur de déplaire à la critique française, qui ne le redécouvrira que dix ans plus tard. Il doit beaucoup à la présence éclatante de Simone Signoret, qui interprète le rôle d’une « pierreuse », enjeu d’une impitoyable rivalité amoureuse entre un ouvrier (Serge Reggiani) et un chef de bande (Claude Dauphin). Plastiquement admirable, Casque d’or représente dans l’œuvre de Becker un sommet qu’il lui sera difficile d’égaler. À l’exception de Touchez pas au grisbi (1954), histoire d’un gangster vieillissant (Jean Gabin) qui cherche à se retirer des affaires, et du Trou (1959), récit implacable d’une évasion manquée, les autres films réalisés par Becker pendant les années 50 souffriront parfois d’une certaine fragilité dans l’élaboration du scénario, que ce soit Rue de l’Estrapade (1953), Ali Baba et les 40 voleurs (1954), les Aventures d’Arsène Lupin (1957) ou même Montparnasse 19 (1958), sur la vie de Modigliani, que devait tout d’abord tourner Max Ophuls. Hanté par ses personnages, Becker est un cinéaste pudique qui refuse le spectaculaire pour le spectaculaire. Aucune esbroufe dans sa manière de filmer. C’est l’homme des situations nettes et bien définies, de la logique rigoureuse, de la simplicité et de la tendresse. « Les sujets ne m’intéressent pas en tant que sujets. L’histoire (l’anecdote, le conte) m’importe un peu plus ; seuls les personnages, qui deviennent mes personnages, m’obsèdent au point d’y penser sans cesse. Ils me passionnent comme me passionnent tous les gens que je croise au hasard de mes journées, et dont je suis curieux au point de me surprendre à lorgner des inconnus. »

J. L. P.

 J. Queval, Jacques Becker (Seghers, 1962). / R. Gilson, « Becker » dans Anthologie du cinéma, t. II (C. I. B., 1966).