Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Beaune (suite)

Castrum gallo-romain au pied des sources qui jaillissent de la Côte d’Or, au croisement de deux grandes voies, Beaune entre dans l’histoire avec les ducs capétiens de Bourgogne, qui la choisissent pour capitale. Depuis l’époque romane, chaque siècle y a laissé une trace monumentale, soit dans la ville, dotée d’une nouvelle enceinte au xive s., soit dans les sept faubourgs (vignerons, corroyeurs, aubergistes, etc.), qui gardent une large part de leur aspect ancien. Aux xiie et xiiie s. on doit l’église Notre-Dame, bel exemple de roman bourguignon à berceaux brisés et triforium, et aussi les maisons de la rue Sainte-Marguerite, l’église Saint-Nicolas dans le faubourg du même nom, le cloître des Cordeliers ; à la fin du Moyen Âge — la grande époque de Beaune malgré la préférence accordée à Dijon par les ducs Valois —, outre l’hôtel-Dieu, le palais ducal, devenu musée du Vin de Bourgogne, et l’hôtel de Saulx. Ensuite, malgré le transfert du parlement à Dijon — marque de la rancune de Louis XI contre la ville, fidèle aux « grands ducs d’Occident » —, malgré les troubles des guerres religieuses, la Renaissance est évoquée par une belle série de maisons et d’hôtels (celui de la Rochepot, ceux de la rue de Lorraine). De l’époque classique, Beaune conserve la série des couvents (Oratoire, aujourd’hui lycée, avec sa chapelle et son grand escalier, Ursulines, abritant l’hôtel de ville et le petit musée des Beaux-Arts, etc.), qui attestent la renaissance catholique du xviie s., le majestueux hôtel de la sous-préfecture, ceux de la rue des Tonneliers et l’arc de triomphe (porte Saint-Nicolas) élevé à partir de 1762 à l’entrée de la ville.

Le joyau de cet ensemble reste l’hôtel-Dieu, qui ressuscite, cas unique en France, les structures et le décor d’un hôpital du xve s. Il fut fondé en 1443 par le chancelier de Bourgogne, Nicolas Rolin, et sa femme Guigone de Salins ; ceux-ci appelèrent pour le desservir des religieuses de Malines, dont le costume aux lourdes draperies et les hennins se sont perpétués. L’hôpital garde sa cour à galeries de bois, ses hautes toitures coupées de lucarnes aiguës, ses cuisines, l’imposant vaisseau couvert en carène renversée de la grande salle, à la fois chapelle et salle des malades, les trente tentures à fond rouge ornées de tourterelles et d’armoiries envoyées de Flandre pour décorer les lits aux grandes fêtes. C’est pour l’autel de la chapelle que Rolin commanda à Rogier Van der Weyden* le polyptyque du Jugement dernier, œuvre maîtresse de la peinture flamande du milieu du xve s.

Le mécénat des Rolin fut poursuivi par leur fils Jean, le cardinal : celui-ci commanda en 1474 au Bourguignon (?) Pierre Spicre les cartons d’une Histoire de la Vierge, tissée en cinq pièces, qui sont le principal et magnifique trésor de l’église Notre-Dame.

P. G.

➙ Bourgogne / Côte-d’Or.

 A. Kleinclousz, Dijon et Beaune (Laurens, 1907). / H. Stein, l’Hôtel-Dieu de Beaune (Laurens, 1934). / A. Leflaive, l’Hôtel-Dieu de Beaune et les Hospitalières (Grasset, 1959). / R. Marconnet, Beaune (Zodiaque, La Pierre-qui-Vire, 1968).

Beauneveu (André)

Sculpteur et peintre du nord de la France (seconde moitié du xive s.).


Beauneveu était originaire de Valenciennes, nous le savons par son ami Froissart et par divers contrats. Il est mentionné en activité pour la première fois en 1360 ; il disparaît avant 1401. Il appartient donc au milieu de l’art international qui s’est développé dans l’entourage de Charles V et de ses frères mécènes.

On ne peut lui attribuer avec certitude qu’une sculpture : la statue gisante de Charles V à l’abbaye royale de Saint-Denis. La commande date de 1364 et porte sur quatre gisants payés un prix très élevé pour l’époque : 4 700 francs. L’un de ces gisants a disparu. Ceux de Philippe VI et de Jean le Bon sont dus à des ouvriers : les drapés manquent d’aisance, les gestes sont empruntés, les visages lourds. Mais la statue de Charles V est un chef-d’œuvre. La composition sobre confirme le retour à la simplicité amorcé par Jean de Liège, sculpteur attitré du roi de France, que Beauneveu dépasse par l’ampleur noble des plis et surtout par le modelé souple des mains, l’expression vivante du visage et du regard. Ce portrait, un des meilleurs de Charles V, a dû être sculpté peu après 1364, et innove par sa sensibilité naturaliste et son élégante sobriété ; il est à la source des courants de la sculpture française de la fin du xive s.

Pourtant, on ne trouve plus trace ensuite de Beauneveu à Paris. Entre 1374 et 1384, il séjourne dans le Nord et en Flandre. En 1374, il est à Valenciennes, et le comte de Flandre Louis de Mâle le convoque à Gand comme faiseur de tombes. En 1375, on le rencontre à Malines ; en 1377, à Ypres ; en 1378, à Courtrai et à Cambrai ; en 1384, de nouveau à Malines. Il semble qu’il ait des difficultés pour l’exécution du tombeau du comte de Flandre, dont on transporte une partie à Courtrai en 1388, mais qui ne sera achevé que longtemps après. Pendant cette période, on peut attribuer deux œuvres à Beauneveu : une sainte Catherine à Courtrai et l’ensemble des statues du « beau pilier » d’Amiens. Entre 1373 et 1377, le cardinal Jean de La Grange fait consolider la tour nord par un contrefort orné de neuf statues : en haut, la Vierge, saint Jean-Baptiste et saint Firmin ; au-dessous, le roi, le dauphin et Louis d’Orléans ; en bas, La Grange, le chambellan Bureau de La Rivière et un inconnu. Ces statues très restaurées ont le naturalisme, la souplesse et l’harmonie du Charles V de Saint-Denis, et la présence de Beauneveu dans les parages n’est guère douteuse.

Vers 1384, Beauneveu entre au service du duc de Berry*, dont il est imagier en 1386. Il reçoit la visite de Sluter* au château du duc, à Mehun-sur-Yèvre, en 1393. On ne garde aucune sculpture de cette dernière partie de la vie de Beauneveu, mais la Bibliothèque nationale conserve un psautier (ms. fr. 13091) dont vingt-quatre miniatures, douze apôtres et douze prophètes, sont de la main de Beauneveu. Ce sont des images en grisaille au modelé accusé, qui montrent un souci de profondeur dans la forme des sièges et apparaissent sans équivalent dans la peinture de la fin du xive s., car Beauneveu s’y révèle beaucoup plus sculpteur que peintre malgré la subtilité des valeurs. L’authenticité de ces peintures est attestée par l’inventaire des livres de Jean de Berry de 1401-1402. Le talent de Beauneveu dessinateur y est digne de celui du sculpteur.

A. P.