Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Beaumarchais (Pierre Augustin Caron de) (suite)

Beaumarchais a été, suivant le mot de Sainte-Beuve, un grand « rajeunisseur ». Si ce n’est par la matière qu’il se soucie d’innover (il s’inspire, dans le Barbier de Séville, en particulier, de l’Ecole des femmes de Molière et de la Précaution inutile de Scarron), il tranche sur la production théâtrale de son temps par son adroite exploitation de thèmes comiques depuis longtemps éprouvés. Quels sont donc les traits généraux de sa comédie ? Il convient d’abord de souligner la simplicité de l’intrigue. On peut résumer celle du Barbier et celle du Mariage en quelques mots. Mais cette intrigue est sinueuse, fertile en rebondissements et en surprises : presque chaque scène débouche sur une situation qui a pour but de provoquer l’embarras des protagonistes et de leur présenter un problème qu’ils auront à résoudre. À plusieurs reprises, Beaumarchais agit en illusionniste : on ne voit jamais comment ses héros vont se débarrasser d’une cascade d’incidents imprévus. De là des tours de force et de savantes constructions qui tombent par terre. À la limite, l’auteur paraît vouloir aller jusqu’au bout de ce qui est possible et de ce qui ne l’est pas : c’est finalement toujours l’impossible qui triomphe. Il en résulte une sorte d’élan interne de la comédie : le spectateur ne se repose pas, il n’y a pas un temps mort, mais une perpétuelle invention, un mouvement endiablé qui masque parfois les incohérences de l’action, met en valeur les morceaux de bravoure, les clins d’œil au parterre. Le théâtre de Beaumarchais est essentiellement dynamique.

C’est aussi le théâtre de la fantaisie. À partir d’indications scéniques très poussées sur les costumes, les lieux, la mise en scène en général, Beaumarchais laisse libre cours à son imagination : quiproquos, déguisements, personnages cachés, reconnaissances, entrevues secrètes dans la pénombre se multiplient au fil des actes. Dans cette trame romanesque, Beaumarchais tire les ficelles de ses acteurs, les fait mouvoir dans des situations inextricables ; ils en sortent miraculeusement indemnes, grâce à des artifices qui ont l’apparence de la logique et du bon sens. L’action s’épanouit dans tous les sens, en des développements embrouillés, et, en fin de compte, tout revient en ordre.

Dynamisme et fantaisie ; ajoutons qu’un autre trait de ce théâtre est d’être celui du bonheur. « Me livrant à mon gai caractère, j’ai tenté, dans le Barbier de Séville, de ramener au théâtre l’ancienne et franche gaieté, en l’alliant avec le ton léger de notre plaisanterie actuelle. » Beaumarchais, dramaturge heureux ? Le mot n’est pas déplacé. Outre le franc comique de ses comédies, il se dégage une impression d’allégresse. Les personnages, du moins ceux du Barbier et ceux du Mariage, s’ils évoluent bien à Séville ou au château d’Aguas-Frescas, vivent peut-être dans un monde à part, dans un royaume où les méchants sont bernés. On a le sentiment que Beaumarchais, à l’intérieur même d’une intrigue habilement conduite, prête une vie radieuse à ses héros, qui finissent toujours par vaincre les obstacles qui leur sont présentés. Toutes les difficultés se trouvent peu à peu aplanies. Il règne une atmosphère de fête galante, surtout sensible dans le Mariage.

Les personnages nous semblent à l’abri des contradictions de l’existence. Nous participons à leurs luttes, mais nous savons qu’ils sortiront vainqueurs. L’écheveau compliqué de ces empêchements et de ces contretemps se défait de lui-même, comme si ces êtres avaient le pouvoir mystérieux, par leur intelligence ou leur astuce, mais aussi probablement par l’aura de bonheur qui les entoure, de se jouer sans peine des embarras.

Ces êtres, quels sont-ils ? Par son génie de l’intrigue, par son ardeur de vivre et son esprit, Figaro incarne un type nouveau de valet de comédie. Il brûle les planches et attire la sympathie. Dans le Mariage plus encore que dans le Barbier, il est pourvu d’une vérité humaine : égaré, courant sous les grands marronniers, il est si grave tout à coup, si près de souffrir à son tour... Rosine, de son côté, qui a déjà le charme des héroïnes de Musset, est amoureuse délicate et fine dans le Barbier, et plus tard amante délaissée qui a tant de mal à comprimer les élans de son cœur. Chérubin, le petit page, apporte au milieu de personnages anxieux et tendus une note de fraîcheur et de volupté ingénue. Voilà plus que des silhouettes : Beaumarchais a créé des types.

A. M.-B.

➙ Comédie / Théâtre.

 L. de Loménie, Beaumarchais et son temps (Lévy, 1855 ; 2 vol.). / E. Lintilhac, Beaumarchais et ses œuvres (Hachette, 1887). / A. Hallays, Beaumarchais (Hachette, 1897). / R. Dalsème, la Vie de Beaumarchais (Gallimard, 1928). / A. Bailly, Beaumarchais (Fayard, 1945). / P. Richard, la Vie privée de Beaumarchais (Hachette, 1951). / J. Schérer, la Dramaturgie de Beaumarchais (Nizet, 1954). / R. Pomeau, Beaumarchais, l’homme et l’œuvre (Hatier, 1956 ; nouv. éd., 1967). / P. Van Tieghem, Beaumarchais par lui-même (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1960). / E. J. Arnould, la Genèse du « Barbier de Séville » (Minard, 1965). / R. Thomasset, Beaumarchais, écrivain et aventurier (Nathan, 1966). / A. et C. Mauceron, Beaumarchais, Figaro vivant (Dargaud, 1968). / B. N. Morton, la Dernière Aventure de Beaumarchais : l’affaire des fusils de Hollande (Lettres modernes, 1970). / R. de Castries, Figaro ou la Vie de Beaumarchais (Hachette, 1972). / M. Descotes, les Grands Rôles du théâtre de Beaumarchais (P. U. F., 1974).

Beaune

Ch.-l. d’arrond. de la Côte-d’Or ; 19 972 hab. (Beaunois).


Capitale de la Bourgogne des vignes, Beaune est aussi sa grande ville d’art. Par un heureux mariage, ce sont des maisons du xiiie ou du xve s. qui souvent abritent ses caves et ses entrepôts, et son principal monument, l’hôtel-Dieu, est aussi le siège des grandes ventes, où la « cuvée des Hospices » fixe le prix des vins de l’année.