Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Beauharnais (les) (suite)

Sa sœur Hortense (Paris 1783 - Arenenberg 1837), après un séjour à la Martinique, entre à l’Institution nationale de Saint-Germain, fondée par Mme Campan. Bonaparte prend sa belle-fille en affection, et, d’accord avec Joséphine, lui fait épouser son frère Louis (janvier 1802). Union mal assortie : la jeune femme ne manifeste qu’un médiocre attachement pour son époux, qui, de son côté, témoigne très vite d’une jalousie maladive. La naissance de trois fils ne suffira pas à resserrer les liens du ménage. En 1806, Hortense suit à contrecœur le roi Louis en Hollande, où, en quatre années, elle passera à peine plus de six mois, ne jouant aucun rôle politique. La mésintelligence entre elle et son mari ne fait que croître, et, lorsque ce dernier abdique (1810), elle obtient de l’Empereur de vivre séparée de lui. L’année suivante, elle met au monde un enfant naturel, qui est le fils d’un jeune et brillant officier, le comte de Flahaut, et qui deviendra le duc de Morny.

À la chute de l’Empire, elle est créée duchesse de Saint-Leu par Louis XVIII, sur la demande du tsar Alexandre, et, au retour de l’île d’Elbe, elle tient la cour de Napoléon : c’est chez elle, à Malmaison, qu’il se retire en juin 1815, après la seconde abdication. Exilée par la seconde Restauration, Hortense, grâce à la protection de Metternich, se réfugie en Suisse, où elle achète sur la rive sud du lac de Constance le château d’Arenenberg (1817), qu’elle habite l’été. Après de fréquents séjours à Augsbourg, en Bavière, elle vit en Italie ou en Suisse. En 1831, elle se rend à Paris, mais est maintenue en exil par Louis-Philippe. Elle passe alors quelques mois en Angleterre, puis retourne à Arenenberg et y reste jusqu’à sa mort, se consacrant au seul de ses fils légitimes qui ait survécu, Louis Napoléon, futur Napoléon III.

Les Mémoires de la reine Hortense ont été publiés en 1927 par J. Hanoteau.

A. M.-B.

 C. d’Arjuzon, Hortense de Beauharnais (Calmann-Lévy, 1897) ; Madame Louis Bonaparte (Calmann-Lévy, 1901). / C. Gailly de Taurines, la Reine Hortense en exil (Hachette, 1914). / Arthur-Lévy, Napoléon et Eugène de Beauharnais (Calmann-Lévy, 1926). / J. Turquan, la Reine Hortense d’après les témoignages des contemporains (Tallandier, 1927 ; 2 vol.). / P. de Lacretelle, Secrets et malheurs de la reine Hortense (Hachette, 1936). / H. Bordeaux, la Reine Hortense (Flammarion, 1938). / Adalbert de Bavière, Eugen Beauharnais, der Stiefsohn Napoleons (Munich, 1940 ; trad. fr. Eugène de Beauharnais, beau-fils de Napoléon, Alsatia, 1943). / B. Nabonne, la Reine Hortense (Bonne, 1951). / M. Gobineau, la Vie amoureuse de la reine Hortense (Deux-Rives, 1954). / J. Bertaut, la Reine Hortense (Bloud et Gay, 1959). / C. Wright, Daughter to Napoleon. A Biography of Hortense, queen of Holland (Londres, 1962 ; trad. fr. Hortense, reine de l’Empire, Arthaud, 1964). / F. de Bernardy, la Reine Hortense (Perrin, 1968).

Beaumarchais (Pierre Augustin Caron de)

Publiciste et auteur dramatique français (Paris 1732 - id. 1799).



L’aventurier

« De l’intrigue et de l’argent ; te voilà dans ta sphère », dit Suzanne à Figaro. « Cet intrigant de Français... un aventurier en fureur », écrit Goethe à propos de Beaumarchais. Ce fils d’un horloger respecté fait preuve d’un talent précoce dans un tout autre domaine que celui de la littérature : à vingt et un ans, il invente la montre à échappement. Il confie sa découverte à l’horloger du roi, Lepaute, qui s’en attribue aussitôt le mérite. Outré, le jeune homme publie sur-le-champ un mémoire où il accuse Lepaute de contrefaçon. Il obtient gain de cause. Il se marie avec une veuve, Mme Franquet, se fait nommer Beaumarchais, du nom d’une terre de sa femme, devient « contrôleur de la bouche du roi », s’introduit à la Cour, passe de l’horlogerie à la musique et apprend à Mesdames, filles de Louis XV, à jouer de la harpe. Il achète une charge qui l’anoblit, la « lieutenance générale des chasses aux bailliage et capitainerie de la Varenne du Louvre » (1761). Jouissant de la faveur de Mesdames, protégé et enrichi par le financier Joseph Pâris-Duverney, Beaumarchais est un homme « arrivé » qui débute sur la scène par des Parades.

Survient l’intermède espagnol. En 1764, notre homme part pour l’Espagne. Raison officielle : négocier avec le gouvernement de la Péninsule, obtenir le monopole des Noirs dans les colonies espagnoles et le droit de coloniser la Louisiane, la Sierra Morena. Raison privée : venger l’honneur de sa sœur Lisette, victime d’un infâme séducteur, Clavijo. Beaumarchais mène tambour battant la dernière affaire : Clavijo est condamné. Il est moins heureux dans ses entreprises d’agent diplomatique : les châteaux d’Espagne sont faits pour s’écrouler, et ce sont les Anglais qui lui soufflent la fourniture des esclaves. À son retour, Beaumarchais tire de l’épisode Clavijo un drame en cinq actes et en prose, Eugénie (1767). Cette pièce de début, assez bien charpentée, mais où l’auteur tombe dans la sensiblerie, est accueillie favorablement. L’année suivante, devenu veuf, il se remarie avec la riche Mme Lévêque. Il ne renonce pas au théâtre et produit sur la scène les Deux Amis ou le Négociant de Lyon (1770), drame de la condition du commerçant et de l’homme de finance.

Un peu plus tard, Beaumarchais se met une méchante affaire sur les bras. Pâris-Duverney s’était engagé à lui servir 15 000 livres et à lui en prêter 75 000 pendant huit ans, sans intérêt.

Sur ces entrefaites, il meurt, et son légataire universel, le comte de La Blache, déclare que l’acte est faux. Beaumarchais prend feu et flamme. Un procès s’ouvre. En avril 1773, un juge rapporteur est désigné, le conseiller Goëzman. La femme de ce dernier reçoit cent louis de Beaumarchais pour favoriser une audience, mais ne lui en rend que quatre-vingt-cinq. Furieux, ce dernier la poursuit et attaque les Goëzman dans quatre Mémoires à consulter étincelants d’esprit, où il dénonce les abus judiciaires de l’époque. Tout Paris se les arrache. Goëzman est condamné (il sera guillotiné sous la Terreur), son épouse est blâmée, Beaumarchais aussi. Mais il sort moralement vainqueur de la lutte.