Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bavière (suite)

Le xviiie siècle

La Bavière s’efforce de louvoyer entre les grandes puissances que sont la France et les Habsbourg. Ainsi se rapproche-t-elle de la France vers 1660, au point de signer en 1670 une alliance formelle, qui assure des subsides réguliers. Cette politique pacifiste favorise le relèvement du pays sans tenir compte des intérêts allemands.

L’Électeur Maximilien II Emmanuel (1679-1726), orgueilleux, jouisseur, mécène gaspilleur et soldat courageux, revient à l’alliance autrichienne et participe pendant plusieurs années à la guerre contre les Turcs, où il se couvre de gloire au siège de Vienne et à la prise de Belgrade, qui lui vaut le surnom de « roi bleu ». En 1691, il devient gouverneur des Pays-Bas espagnols. Dans l’espoir de conserver ces terres, il conclut en 1701 une alliance avec la France. La guerre de la Succession d’Espagne se révèle catastrophique : Maximilien II Emmanuel est chassé à la fois de la Bavière — où se produit en 1705 un soulèvement populaire qui échoue contre les Autrichiens — et des Pays-Bas. En 1714, il retrouve son État affaibli par les lourdes contributions livrées à l’Autriche. Grand amateur de fastes, il gaspille des sommes énormes dans les représentations théâtrales, les constructions et la collection de tableaux. Son fils Charles Albert (1726-1745) personnifie le rococo léger et riant. À l’avènement de Marie-Thérèse d’Autriche (1740), il s’allie à la Prusse et à la France, puis parvient à la couronne impériale sous le nom de Charles VII. Mais la Bavière est envahie et ravagée par les Autrichiens, ce qui oblige son fils à renoncer à toute revendication et élimine la Bavière, affaiblie, de la grande politique européenne (1745).

Maximilien III Joseph (1745-1777) limite son intérêt à la politique intérieure, dans le dessein d’imposer des réformes inspirées par l’Aufklärung, sensibles surtout dans le domaine du droit et de la justice. Il est le premier à lutter contre la puissance des couvents et à affaiblir la suprématie jésuite dans l’enseignement.

Les nombreux et riches couvents sont alors les porteurs du baroque*. Sur le plan artistique, la Bavière connaît durant deux siècles une période faste. D’abord de caractère héroïque, le baroque est fortement italianisé après 1650, comme dans l’église des Théatins à Munich et le château de Nymphenburg. Après 1720 prédomine le rococo, qui obtient un grand succès populaire sur le plan religieux. Salzbourg est le grand foyer de la vie intellectuelle, théâtrale et musicale de toute l’Allemagne du Sud.

En 1777, à l’extinction de la branche bavaroise des Wittelsbach, l’empereur Joseph II veut annexer la Bavière, mais il lui faut y renoncer devant la pression militaire de la Prusse et celle, diplomatique, de la France. Il doit reconnaître les droits à la succession de Charles Théodore (1778-1799), Électeur palatin, et le traité de Teschen (1779) consacre l’union du Palatinat et de la Bavière (séparés depuis 1329), auxquels s’ajoutent les duchés de Juliers et de Berg, moyennant la cession à l’Autriche du quartier de l’Inn (Innviertel). Mais l’Électeur a du mal à s’adapter à la Bavière, qu’il consentirait à échanger contre les Pays-Bas autrichiens.

Une telle attitude provoque la méfiance de ses sujets, d’autant plus que la découverte de l’ordre des Illuminés en 1784 entraîne un changement politique : du libéralisme on passe à une attitude réactionnaire et patriarcale, notamment dans le domaine de la censure, qui isole totalement la Bavière de la vie intellectuelle du reste de l’Empire. Face aux guerres révolutionnaires de la France, l’Électeur adopte une politique mesquine : après l’occupation de ses terres de la rive gauche du Rhin, il s’allie aux Autrichiens ; devant l’invasion de la Bavière en 1796, il s’enfuit, laissant à ses états le soin de négocier une paix peu glorieuse. Deux ans après, il livre totalement son pays à l’Autriche, de sorte que sa mort, en 1799, sera ressentie comme un soulagement,

B. V.


La Bavière contemporaine

• La Bavière dans le système français. En dépit des menaces que la guerre fait peser (les soldats de Moreau à Munich le 29 juin 1800, maîtres du pays par leur victoire de Hohenlinden en décembre suivant), le règne de Maximilien Ier Joseph (1799-1825) ouvre l’ère de la Bavière moderne. Il doit beaucoup à Maximilian von Montgelas (1759-1838), chargé des Relations extérieures, puis, cumulativement, de l’Intérieur (1806) et des Finances (1809) — l’homme fort jusqu’en 1817 et l’une des figures du despotisme éclairé.

Dans le grand conflit européen entre la Révolution française et l’Ancien Régime, prince et ministre penchent pour la France, ce qui facilite un accroissement territorial intéressant (Bamberg, Ulm) en 1803, mais entraîne dès 1805 à une alliance étroite qui installe la Bavière, devenue royaume (1805), au premier rang des États de la Confédération du Rhin en 1806. L’alliance politique se fortifie d’une alliance dynastique, par le mariage d’Eugène de Beauharnais, beau-fils de Napoléon, avec Augusta, fille de Maximilien-Joseph. Ce mariage assure un nouvel agrandissement du royaume, qui, en 1810, s’étend de la ligne du Main, au nord, jusqu’au Tyrol et aux confins du Trentin, au sud, devenant limitrophe du royaume d’Italie, administré par Eugène. On sait la fidélité de la Bavière au système français jusque dans la campagne de Russie, d’où 30 000 de ses fils ne revinrent pas.

À l’extension géographique correspond une refonte des institutions et de la société, dans l’esprit rationaliste qu’exprime bien le préambule de la Constitution de 1808 : il s’agit de substituer un État moderne à « un simple agrégat de territoires hétérogènes ». Le nouveau régime appliquera les principes proclamés par la France depuis 1789, et cela à l’instar de la Westphalie. À vrai dire esquissée antérieurement, du moins sur le plan religieux (liberté des cultes et sécularisation radicale en 1803), l’œuvre de réforme se réalise sous l’action combinée des « insinuations » du gouvernement français et des « choix » du gouvernement bavarois. Maximilien Ier Joseph élude la garantie solennelle de la liberté et de l’égalité civiles, si le « code Feuerbach » (1813) humanise la justice criminelle. Il prévoit seulement une représentation nationale. Mais la création de « cercles », « autant que possible égaux », administrés par des « commissaires généraux », véritables préfets (1808), le démantèlement presque total des privilèges féodaux (1807-08), la modernisation de l’armée, l’introduction de la vaccine améliorent rapidement la condition des sujets tout en fortifiant l’État. Une réforme pédagogique (1809) assure le recrutement des enseignants. Héritière d’Ingolstadt, l’université de Landshut appelle, en 1800, un clerc d’origine paysanne, Johann Michael Sailer, dont l’audience sera considérable, mais aussi, en 1808, Friedrich Karl von Savigny, dont les thèmes dits « de l’école historique » contestent ceux de l’Aufklärung. Cette vitalité se retrouve dans l’Académie des sciences de Munich (fondée en 1759), qui attire Jacobi en 1807, et dans l’Académie des arts (fondée par Maximilien-Joseph), dont Schelling est le secrétaire général à partir de 1806.