Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

administration (suite)

Il y a conflit négatif dans deux cas : 1o une juridiction de chacun des deux ordres s’est déclarée incompétente (en principe, depuis 1960, ce cas ne devrait plus se produire, la seconde juridiction saisie devant automatiquement renvoyer l’affaire au Tribunal des conflits) ; 2o une juridiction de chaque ordre ayant rendu — dans les limites de ses attributions — à l’occasion d’un litige intervenu entre les mêmes parties et ayant le même objet une décision définitive, il y a — selon la loi du 20 avril 1932 — contrariété des deux décisions et déni de justice.

Le conflit positif est élevé par le seul préfet (ou le fonctionnaire qui en tient lieu) devant les seules juridictions judiciaires de droit commun et dans les matières où la loi ne l’a pas exclu. (Il ne peut y avoir conflit lorsque l’action est engagée par le ministère public, c’est-à-dire en matière pénale.) La juridiction saisie du déclinatoire de compétence statue sur les conclusions du préfet ; si elle les admet, elle se déclare incompétente et le plaideur fait appel lorsque celui-ci est possible ou saisit une juridiction administrative ; si elle les rejette, elle sursoit à statuer pendant 20 jours. Ce délai permet au préfet de renoncer au conflit ou d’adresser à la juridiction intéressée un arrêté de conflit qui la dessaisit momentanément ; le Tribunal des conflits, alors saisi par le garde des Sceaux, dispose d’un délai de trois mois pour statuer.

En cas de conflit négatif, le Tribunal des conflits est saisi soit par une décision juridictionnelle de renvoi (rendue en application du décret du 25 juillet 1960), soit par une requête de l’une des parties intéressées.


Le contentieux de l’annulation

L’originalité de la juridiction administrative française est constituée par le contentieux de l’annulation, à l’intérieur duquel on distingue le contentieux de l’excès de pouvoir et le contentieux de la cassation, suivant que le texte dont l’annulation est sollicitée émane de l’administration ou d’une juridiction administrative.

Le développement considérable pris par ce contentieux est la conséquence de sa quasi totale gratuité.

Dès sa création, le Conseil d’État a pris l’habitude d’annuler les décisions administratives qui empiétaient sur le domaine réservé aux tribunaux judiciaires, les actes administratifs qui violaient les règles de la compétence administrative en empiétant sur les attributions d’un autre agent ou d’un juge administratif ainsi que les décisions des juridictions administratives irrégulièrement composées. De l’excès de pouvoir et de l’incompétence, le Conseil est progressivement passé aux violations de la loi et au détournement de pouvoir. Depuis 1934, les recours pour excès de pouvoir ont pu — dans un nombre croissant de cas — être portés non plus seulement devant le Conseil d’État, mais devant les tribunaux administratifs.

Toute décision, tout acte administratif peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, y compris les règlements. Cependant la jurisprudence administrative a reconnu l’existence d’actes de gouvernement qui échappent à la compétence du juge administratif, parce qu’ils ressortissent exclusivement au contrôle parlementaire, au contrôle du peuple ou — depuis 1958 — à la compétence du Conseil constitutionnel. Ce sont : les actes concernant les rapports du gouvernement et du Parlement (actes constituant des préliminaires aux élections des assemblées législatives, qui sont de la compétence du Conseil constitutionnel ; actes relatifs à l’initiative législative du gouvernement ou à la promulgation des lois ; décrets de convocation du Parlement, d’ajournement ou de clôture des sessions ; dissolution de l’Assemblée nationale ; décret soumettant un projet de loi au référendum ; décision de mise en application de l’article 16 de la Constitution ; messages du président de la République) ; les actes mettant en cause les rapports du gouvernement avec un organisme international ou une puissance étrangère et les opérations et faits de guerre.

Pour exercer un recours en annulation d’une décision ou d’un acte administratifs, il faut que le requérant (personne physique ou morale) puisse justifier d’un intérêt personnel direct (matériel ou moral) à obtenir son annulation. Le plus grand libéralisme est de règle en cette matière ; c’est ainsi, par exemple, qu’un usager d’un service public est considéré depuis longtemps comme ayant un intérêt direct à l’annulation d’un texte relatif aux conditions de fonctionnement de ce service. Le recours doit être exercé dans les deux mois de la publication, de la notification ou de la signification de la décision ou de l’acte attaqué ; lorsque la mesure dont l’annulation est sollicitée est constituée par une décision implicite de rejet, le point de départ du délai d’action est constitué par le dernier jour du quatrième mois suivant la réception par l’Administration de la demande du requérant.

Le juge administratif n’exerçant sur l’activité administrative qu’un contrôle de légalité, les cas d’ouverture d’un recours pour excès de pouvoir sont les suivants : l’incompétence de l’autorité qui a pris l’acte ou la décision, le vice de forme, la violation de la règle de droit et le détournement de pouvoir.

Saisi d’une demande d’annulation, le juge de l’excès de pouvoir ne peut qu’annuler en tout ou en partie la décision qui lui a été déférée ou rejeter la requête. Il ne peut ni réformer la décision, ni condamner à des dommages et intérêts ; il peut, en revanche, renvoyer le requérant devant l’autorité compétente pour que celle-ci prenne les mesures qui s’imposent ou statue de nouveau sur une demande irrégulièrement rejetée. La décision du juge prononçant une annulation a l’autorité absolue de la chose jugée (l’acte annulé est réputé n’être jamais intervenu et disparaît rétroactivement), alors que la décision rejetant la demande d’annulation n’a que l’autorité relative de la chose jugée et n’a donc d’effet qu’à l’égard des parties qui ont été en cause et qui ne peuvent exercer un nouveau recours contre le même acte administratif en s’appuyant sur les mêmes motifs.