Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

bâtardeau

Ouvrage provisoire, tel que digue ou enceinte de palplanches, dont le rôle est de mettre à sec un chantier normalement sous l’eau, ou en danger de l’être, en vue de permettre l’exécution de travaux commodément, correctement et normalement, sans risque de submersion.


Un bâtardeau, qu’il soit établi dans le lit d’une rivière (pour édifier une pile ou une culée) ou dans une zone fréquemment ou périodiquement submergée, en bordure de mer soumise à marée par exemple, doit être conçu non seulement pour résister à la poussée des eaux, mais aussi pour résister à l’envahissement progressif de l’eau par manque d’étanchéité directe ou par insuffisance de protection contre les venues d’eau par la base, sous l’effet des sous-pressions : à ce titre, le bâtardeau s’apparente à un barrage et a les mêmes exigences. Toutefois, comme c’est un ouvrage provisoire, il ne saurait toujours remplir à la perfection les exigences caractérisant un ouvrage définitif. Les venues d’eau par infiltration ou sous-pression, bien que très ralenties, ne sont pas toujours inexistantes, et la prudence exige souvent que l’emplacement de chantier délimité par le bâtardeau soit maintenu à sec grâce à l’emploi de pompes centrifuges de débit largement calculé. De plus, en prévision d’une forte crue accidentelle ou d’une forte marée, il convient de disposer, en un endroit sec, mais rapidement accessible, de sacs de ciment à prise rapide (un quart d’heure normalement pour la durée de prise), en vue d’un cachetage rapide du béton fraîchement coulé pour éviter son délavage, ou délitage.


Conditions générales d’établissement

Il faut avant tout assurer la stabilité du bâtardeau contre la poussée des eaux et son étanchéité, ainsi que celle de son sol de fondation. Mais il faut aussi protéger le pied du bâtardeau contre les érosions et les affouillements dus aux courants, particulièrement rapides en période de crues. Ces travaux d’établissement et de protection doivent être prévus pour les plus hautes eaux (crues ou marées) ; la protection mobile consiste aussi à doubler ou parfois à tripler les moyens d’épuisement calculés d’après les prévisions, car il faut prévenir l’éventualité d’une panne de pompe, d’un afflux d’eau par formation d’un renard ou d’un accident au bâtardeau par le choc d’un corps flottant.

Un problème essentiel est celui de la détermination de la hauteur à donner au bâtardeau : on admet que cette hauteur doit dépasser celle des crues normales ou celle des fortes marées, dont les dates et les hauteurs peuvent être connues, sans toutefois se prémunir contre des crues ou des marées de caractère exceptionnel et rare. Pour les rivières, il existe un service d’annonce des crues avec lequel il est indispensable de se tenir en relation.

Le tracé de l’espace limité par le bâtardeau est à définir ; cet espace est fermé en forme de cercle, limité au moyen d’une enceinte de palplanches battues quand il s’agit d’une pile en rivière ; dans d’autres cas, tels que celui de l’emplacement d’un barrage, on barre le cours d’eau en amont et en aval de l’emplacement en détournant le cours normal, et, latéralement, ce sont les berges elles-mêmes qui forment l’espace à mettre à sec ; il n’y a pas lieu, dans ce cas, de donner au bâtardeau une hauteur supérieure à celle de ces berges.


Types de bâtardeaux


Bâtardeaux en terre

On y a recours pour de faibles retenues et pour des ouvrages d’une importance moyenne. On établit une digue en terre argileuse, en remblai corroyé, en protégeant la face amont et le couronnement par des enrochements destinés à parer au danger d’érosion et d’affouillement. Le parement amont, ou externe, est incliné à 3 de base pour 2 de hauteur, et le parement interne à 2 de base pour 1 de hauteur. Enfin, il faut qu’en cas de réparation on puisse circuler sur la crête, à laquelle on donne dans ce but une largeur minimale de 1,70 m.


Bâtardeaux en terre et palplanches

On les établit si l’on ne possède pas de terre pouvant se prêter au corroyage pour assurer l’étanchéité ou si le sol est perméable ; dans ce dernier cas, les palplanches métalliques sont battues en profondeur jusqu’au terrain pratiquement imperméable. Le corroyage d’une digue est obtenu par un noyau central (vertical ou incliné vers l’amont), constitué par de la terre argilo-sableuse, bien homogénéisée avant la pose, mais humidifiée sur le lieu même d’établissement ; on y procède, si nécessaire, à des additions correctives et à des hersages avant agglutination et compactage, de manière à réaliser l’imperméabilité ; le corroi ne doit pas être préparé ou mis en place par temps de pluie ou de gel. On n’établit parfois qu’une demi-digue, côté aval ; on protège alors le pied de l’enceinte des palplanches, face amont, par des enrochements. On peut réduire l’emplacement occupé par le bâtardeau en battant deux rideaux de palplanches parallèles avec massif compacté dans l’intervalle. Si le sol imperméable est trop profond pour être atteint par le niveau inférieur BD du rideau de palplanches, celles-ci doivent être enfoncées d’une profondeur h3, donnée par la formule de Caquot (ou condition de Renard), h1 étant la distance de la nappe aquifère EF à la surface libre, et h2 la distance entre le pied des palplanches et le niveau de la nappe aquifère. Cette formule, valable dans le cas d’un massif pulvérulent à 40 p. 100 de vide et d’angle de frottement interne de 37°, est applicable à la majorité des terrains. En général, le terme est négligeable et il suffit que la fiche h3 des palplanches soit au moins égale à la demi-distance du niveau inférieur BD des palplanches au niveau EF de la nappe aquifère.


Bâtardeau en palplanches métalliques

Un tel bâtardeau s’impose si l’enceinte à protéger ne dispose pas, sur le pourtour, de l’emprise de superficie exigible pour une digue ou un massif d’épaulement en terre. L’enfoncement de la palplanche doit donner un moment d’encastrement suffisant, et le profil de celle-ci doit permettre au bâtardeau de résister à l’effort de flexion dû à la poussée de l’eau. Si cela est nécessaire, on bat, à l’intérieur de l’enceinte, des pieux métalliques inclinés, qui étayent le rideau vertical de palplanches, à des intervalles convenables, par appui sur une poutre de butée horizontale, disposée à proximité du sommet des palplanches.