Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

basques (provinces) (suite)

Bilbao (environ 410 000 hab. avec une agglomération de 600 000 hab.), à laquelle l’atmosphère enfumée, les brouillards fréquents et le crachin confèrent un certain cachet britannique, dirige ce gros foyer industriel. Installée à la tête de la ría, au débouché de la route de Burgos par la vallée du Nervión et le col d’Orduña, la ville a dû sa fortune à l’exportation des laines et du blé castillans. Le commerce a accumulé les capitaux que les Basques ont su investir dans l’industrie (construction navale) et faire fructifier dans un grand nombre d’entreprises nationales par l’intermédiaire de leurs florissantes banques (Banco de Bilbao, Banco de Vizcaya). Le port possède le tiers de la flotte marchande espagnole et, s’il continue à exporter de la laine et du fer, il importe des tonnages croissants de charbon et de matières premières pour l’industrie, qui déséquilibrent de plus en plus son trafic.

En Guipúzcoa, l’industrie, née de multiples petits gisements de fer et de l’abondance des eaux des rivières, se disperse dans de petits centres aux activités différenciées : métallurgie de transformation (matériel ferroviaire, machines, armes, cycles, coutellerie, etc.), textile, papier, ciment. Les vallées des ríos Deva et Oria sont de véritables rues d’usines. Paradoxalement, la fortune de Saint-Sébastien (166 000 hab.) n’est pas liée à cette tradition industrielle. À la différence des autres localités de la région, le développement de l’industrie et du commerce est récent. Ancien débouché de la Navarre, la ville a souffert de la proximité de Bilbao et doit son essor au tourisme, qui est né dans la seconde moitié du siècle dernier.

L’industrie basque se trouve confrontée à une redoutable concurrence depuis la libéralisation des échanges intervenue en Espagne en 1959. Beaucoup de petites entreprises familiales sont en difficulté ; les grosses affaires n’ont pu se moderniser qu’avec l’aide de capitaux étrangers, américains et allemands en particulier. Mais le manque d’espace gêne leur développement.

La montagne enserre en effet les foyers industriels. Ses belles forêts de chênes et de hêtres ont été bien souvent surexploitées et ont fait place à la lande. Sur leur versant castillan, le climat devient à la fois plus sec et plus continental : les herbages cèdent la place à la culture du blé, et les ovins remplacent les bovins. Au sud de la province d’Álava, la Rioja s’est couverte de vignobles et de vergers. Ici, les densités de peuplement restent faibles. Vitoria (137 000 hab.), centre administratif et marché rural d’un petit bassin, a bénéficié d’un effort de décentralisation industriel (machines agricoles, automobiles).

R. L.


L’histoire

Il est très difficile de déterminer les origines du peuple basque, issu d’un mélange d’Ibères, de Celtes et de Cantabres. Chez les Basques, la société est fondée sur le système du patriarcat et le culte de la mère. Le patrimoine familial se transmet intégralement à travers les générations par le respect du droit d’aînesse. Les communautés sont dirigées par un conseil qui groupe les chefs de famille. La législation repose sur le droit coutumier, de tradition orale. Tous les hommes sont libres et égaux en droits, et il n’existe pas de privilèges de classe, puisqu’en réalité tous sont de petits propriétaires. La religion, le catholicisme, est pure, archaïque, empreinte de coutumes séculaires et de sévérité médiévale. Le clergé, qui a une large audience, est nombreux, puissant et autoritaire. La langue basque, l’eskuara, représente elle aussi une énigme. En effet, c’est la seule langue préaryenne ayant survécu à l’invasion indo-européenne, et elle n’est comparable à aucune autre.


Du Moyen Âge au xixe s.

Au début du Moyen Âge, les provinces basques ont la réputation d’être peu sûres. Le brigandage est chose courante, et tout laisse supposer que l’attaque de l’arrière-garde de Charlemagne, le fameux épisode de Roland, est le fait de pillards. Ceux-ci causent de graves désordres, surtout lors du développement du pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle : ce qui est à l’origine de l’excommunication prononcée par le troisième concile du Latran en 1179 contre les Basques et les Navarrais, accusés d’être des voleurs, des brigands et donc des hérétiques.

En 1379, la Biscaye est rattachée à la Castille. Le Guipúzcoa l’est depuis 1200, l’Álava le sera en 1332 et la Navarre en 1512. Comme cette zone est d’un accès difficile, il est pratiquement impossible de la contrôler, et la Castille préfère lui accorder les « fueros », c’est-à-dire les privilèges, qu’elle réclame. Ceux-ci donnent aux Basques une grande autonomie administrative et financière : dirigés par une assemblée de délégués élus parmi les notables de la région, les Basques sont exempts du service militaire ; ils jouissent d’une liberté totale pour le commerce de certains produits considérés comme monopoles d’État, tels que le sel et le tabac ; les impôts sont levés globalement, et seule une portion forfaitaire est due à la couronne. La Biscaye et le Guipúzcoa se consacrent aux mines de fer et à la pêche, et les autres provinces à l’agriculture et à l’élevage. La Société basque des amis du pays, créée en 1765 par le comte de Peñaflorida (1723-1785), diffuse les idées encyclopédiques et réussit à faire entrer dans la vie active une grande partie de la noblesse de la région.


L’apparition du problème basque

Grâce au maintien des privilèges, le problème basque n’existe pas véritablement avant le début du xixe s. Après la guerre d’Indépendance (1808-1813), les Basques pensent qu’ils vont avoir droit à une extension de leurs fueros, mais la monarchie ne l’entend pas ainsi. En conséquence, lorsqu’en 1833, à la mort de Ferdinand VII, le remplacement de la loi salique par l’application de la Pragmática Sanción, qui permet aux femmes de régner, ouvre la crise de succession d’Espagne, les provinces du Nord appuient don Carlos pour tenter de sauvegarder leurs privilèges.