Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

basilique (suite)

Tel est le schéma des églises qui furent construites au ive et au ve s. Il a toutefois existé de petites églises à une seule nef, qu’on appelle parfois également, par extension, basiliques. Au contraire, les monuments élevés sur les tombeaux des martyrs ou sur les Lieux saints de Palestine ont repris, en l’amplifiant, la forme à plan central des monuments funéraires — cercle, octogone, croix — et ont été souvent voûtés.

L’église basilicale ainsi définie connaît de province en province des variantes, tantôt régionales, tantôt individuelles. Chaque architecte interprète le schéma en fonction des précédents qu’il a sous les yeux et de son goût personnel, mais en fonction surtout des exigences du clergé, c’est-à-dire d’abord des formes locales de la liturgie. Il serait en effet illusoire de croire soit que la forme basilicale est dictée par des obligations cultuelles, soit que les usages liturgiques se modèlent automatiquement sur l’édifice qui leur est consacré. La situation est beaucoup moins stricte. Pour mettre en valeur le « trophée » de saint Pierre, l’architecte choisi par Constantin a construit au Vatican une grande basilique, avec un transept — c’est-à-dire un vaisseau transversal placé au-devant de l’abside, qui donne à la nef la forme d’une croix. La cathédrale de Rome, l’église du Latran, reçoit à son tour un transept, ajouté au premier monument. Que ce soit le fait de ces illustres précédents, d’une convention répandue dans l’Église ou d’une simple mode, le schéma se trouve désormais fixé. Mais d’autres influences jouent, dont voici quelques exemples.

Il existait en Syrie* du Sud, dès le iie s. de notre ère, des temples païens carrés, terminés par une abside cachée derrière un mur droit, donc flanquée de deux annexes. Ce motif s’imposera pratiquement à l’ensemble des basiliques syriennes — les plus nombreuses à être conservées.

Dans plusieurs régions, on sépare pour les offices les hommes et les femmes. Il en résultera, souvent sur la façade sud, deux portes, l’une plus à l’est et plus ornée, pour les hommes, l’autre à l’ouest et moins ornée, pour les femmes. Dans d’autres cas, on construira au-dessus des bas-côtés une tribune destinée aux femmes (matroneum), qui, surmontée de la claire-voie, accroîtra la hauteur de l’édifice.

À Philippes, en Macédoine, à Thessalonique* et ailleurs encore, le clergé aura besoin, pour le déroulement de la liturgie, de toute la nef centrale : il y aura des barrières entre les colonnes, isolant complètement les bas-côtés. En Syrie, la messe comprendra deux parties mieux marquées qu’ailleurs : pour la première, consacrée aux lectures et aux homélies, le clergé prendra place sur une grande estrade en fer à cheval, construite dans la nef, face à l’abside où se dresse l’autel.

Ailleurs, le clergé s’installe sur un banc qui suit le mur de l’abside, avec, au centre, la chaire épiscopale. L’autel est parfois dans la nef, presque au milieu de celle-ci, comme en Afrique. Et on aura besoin d’un autre autel, pour lequel on créera une contre-abside, percée à la place de la porte dans le mur opposé à la première.

Les catéchumènes, après l’instruction et avant les mystères, sont renvoyés. On peut construire pour les accueillir un atrium devant la façade, des portiques autour des cours et un narthex — un vestibule fermé — à l’intérieur même de l’édifice.

Ajoutons les transformations qu’impose très vite l’expansion du culte des martyrs — quittant les nécropoles pour entrer dans les églises urbaines, parallèlement au culte divin. Ainsi consacrera-t-on aux saints* des chapelles spéciales ; ailleurs, ce culte restera en liaison étroite avec la messe, et l’autel tendra à devenir un coffre à reliques ; ailleurs encore on creusera des cryptes sous le chœur.

Si l’on distingue rarement, parmi tant de variantes, une influence directe d’un schisme ou d’une hérésie, il est pourtant difficile de croire que les différences attestées dans l’interprétation théologique et le texte des prières n’aient pas été accompagnées de changements dans le déroulement des cérémonies.

Néanmoins, ce sont des transformations d’ordre architectural qui vont modifier le plus profondément l’aspect et l’économie de la basilique, à commencer par l’introduction de la voûte. En Asie Mineure, en Arménie et en Mésopotamie, la voûte appartenait depuis longtemps au vocabulaire usuel de la construction. Dès le début, les martyriums avaient eu des coupoles. On aboutit en Orient à des églises cruciformes, coiffées d’une coupole que les nefs croisées contreboutaient de leurs berceaux. Parfois on essaiera, par des dissymétries et des colonnades, de maintenir aux nefs des églises à coupole un dispositif basilical ; mais la logique constructive devait l’emporter, et les églises d’Orient devenir des églises en croix grecque, c’est-à-dire inscrite dans un carré.

En Occident, l’existence du transept devait maintenir à l’église voûtée une forme clairement basilicale. Les cathédrales romanes ou gothiques restent des basiliques, quel que soit le dispositif de couverture adopté pour la croisée — voûte d’arêtes, coupole ou tour. Il en sera de même des églises classiques. Seul Vignole*, architecte du Gesù, à Rome, aura l’audace de renoncer aux bas-côtés et de couvrir sa nef d’une voûte d’un seul élan. Hier encore, bien des églises en béton gardaient leurs bas-côtés, sans utilité constructive, pour rester fidèles à la forme traditionnelle, au schéma du ive s.

J. L.

➙ Baptistère / Liturgie / Paléochrétien (art) / Saint [les martyriums].

 J. Lassus, Sanctuaires chrétiens de Syrie (Geuthner, 1947). / C. Delvoye, « les Basiliques paléochrétiennes », dans Corsi di cultura sull’ arte ravennate e bizantina (Ravenne, 1959). / E. Mâle, la Fin du paganisme en Gaule et les plus anciennes basiliques chrétiennes (Flammarion, 1962). / B. Krautheimer, Early Christian and Byzantine Architecture (Harmondsworth, 1965). / A. Grabar, le Premier Art chrétien, 200-395 (Gallimard, 1966).