Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

baroque (suite)

En Amérique centrale, on trouve le « baroque des tremblements de terre », tout en largeur et avec une tendance à exagérer l’épaisseur des membres d’architecture pour bien s’ancrer dans le sol instable. Une ville baroque entière, Antigua (Guatemala*), fut abandonnée et subsiste à l’état de ruine émouvante. En Équateur*, la présence indigène est plus sensible qu’ailleurs, notamment dans les ateliers de sculpture très actifs de Quito*. Le décor doré submerge totalement l’intérieur des églises. En Colombie*, siège de la capitainerie de la Nouvelle-Grenade, on note le contraste entre les villes de la côte, à l’architecture sévère et fermée — en raison des corsaires —, et la richesse des villes de l’intérieur, comme Popayán et Tunja.

Au Pérou et en Bolivie*, c’est d’abord l’ère des grandes cathédrales, Sucre, Lima*, un peu lourdes et austères. Puis, à Lima, l’architecture se fait plus aimable, et, au xviiie s., naît un art civil séduisant, avec transposition naïve des modes d’Occident. Dans les villes de la montagne, on retrouve des édifices lourdement étalés en largeur et ce tapis de sculptures en relief plus ou moins faible qui recouvre tout et même les colonnes avec, ici, une préférence pour le motif végétal très stylisé (Cajamarca, Arequipa, Juli, Potosí). Les figures humaines ont plutôt la rigidité abstraite des reliefs romans que la vivacité du baroque ; les idoles précolombiennes ne sont pas loin. Dans les pays de La Plata, riches en main-d’œuvre, on retiendra le nom d’un architecte fécond, le P. Andrea Blanqui († 1740) [cathédrale de Córdoba en Argentine*].


Le baroque brésilien

Le domaine portugais, au Brésil*, est très particulier. Pas de réminiscences précolombiennes, et une invention, tant dans le plan que dans l’articulation intérieure de l’église, si féconde, surtout au xviiie s., qu’elle s’apparente parfois au rococo germanique. L’essor artistique, ici plus tardif, date de la fin du xviie s., à la suite de la découverte de richesses minières prodigieuses (Minas Gerais). Les Portugais se soucient davantage de la beauté de leurs villes d’outre-mer. Il y a dans l’ancienne capitale Salvador*, à Recife*, à Ouro* Prêto un véritable effort d’urbanisme. L’architecture rappelle d’abord celle de la métropole, puis raffine, fait onduler les murs, brise les arcs et les frontons, combine les ovales. À l’intérieur, une sculpture sur bois délirante, la « talha », recouvre tout, faite de motifs tantôt naturalistes, tantôt abstraits. À la fin du xviiie s. surgit un artiste indigène étrange et inspiré, l’Aleijadinho*, à la fois architecte et sculpteur, apportant un témoignage ultime de la vitalité, mais aussi de l’autonomie de cet art baroque de l’Amérique latine qui, tant par le nombre que par la variété et parfois la qualité de ses productions, a conquis une place éminente, même si, dans le détail, nous sommes souvent déconcertés par ses maladresses d’exécution. C’est le cas en ce qui concerne la peinture, qui n’est que coloriage populaire et démarquage de gravures exportées par les fabricants d’estampes flamands.


Le baroque des Pays-Bas

L’autre grande aire d’expansion du baroque, celle d’Europe centrale, est encore plus diversifiée que le domaine ibérique. Là aussi des traditions locales et des conditions historiques interfèrent, expliquent les différences d’évolution. Le bloc le plus important est constitué par les territoires héréditaires des Habsbourg, l’Autriche et la Bohême. Dans le Saint Empire les électorats, Bavière, Palatinat, restés catholiques, sont gagnés par le baroque, comme les principautés laïques ou ecclésiastiques de Souabe ou de Franconie, jusqu’au lac de Constance et avec des incursions en Suisse. Bien que protestante, la Saxe, dont l’Électeur est catholique, donne des gages au baroque, de même que la Pologne, très tournée vers l’Occident et Rome. Les Pays-Bas catholiques, sous la domination politique de l’Espagne puis de l’Autriche, sont un cas à part, un des pôles du baroque international, puisque Anvers* est la patrie de Rubens*, dont l’importance se compare à celle du Bernin.

Les Pays-Bas catholiques (Belgique* actuelle), d’autant plus romains qu’ils sont en contact avec l’âpre sectarisme protestant de la Hollande, sont une terre d’élection pour les Jésuites. Rubens est un de leurs protégés, tout comme le Bernin, et cela n’est pas sans rapport avec le succès de sa carrière internationale. Rubens doit beaucoup à l’Italie, mais il met au point, génialement, un art personnel par lequel il domestique l’histoire sainte et la mythologie en des compositions étonnantes de dynamisme. Peinture éminemment baroque, qui ne s’oppose pas pour autant aux conquêtes de la Renaissance et du maniérisme, mais prétend bien plutôt les compléter.

Imprégnées par le gothique flamboyant, les provinces de Flandre et de Brabant n’adoptèrent pas telles quelles les formules italiennes de construction, mais cherchèrent des compromis. Les églises construites alors, Saint-Charles-Borromée à Anvers, Saint-Loup de Namur, Saint-Michel de Louvain*, Notre-Dame d’Hanswijk à Malines*, gardent une partie de la structure gothique, l’élan en hauteur et l’étroitesse des vaisseaux à bas-côté, avec des façades où le type romain est curieusement comprimé en largeur pour paraître plus élancé et correspondre à la structure intérieure. Le décor sculpté est surabondant et manque de grâce.

À la fin du xviie s., les Pays-Bas s’endorment quelque peu, et les nombreux artistes formés dans leurs ateliers doivent s’expatrier pour trouver des commandes. Jusqu’à la fin du xviiie s., ils seront une pépinière de sculpteurs d’un remarquable savoir-faire, très marqués par Rome (où Duquesnoy* fut un maître). Restés dans leur pays, les Lucas Faydherbe (1617-1697), Artus Quellin le Jeune (1625-1700), Hendrik Frans Verbruggen (1655-1724) avaient mis au point un type de chaires à prêcher, dans lesquelles le goût flamand pour la nature se mêle au pathétique baroque en d’extraordinaires compositions où se tordent des branches et des racines encadrant des groupes pittoresques.