Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Barcelone (suite)

Tout change à l’époque gothique. La cité, à l’apogée de sa prospérité vers la fin du xiiie s. et au début du xive, voit se développer dans ses murs une modalité originale de l’architecture ogivale. Comme c’est encore l’âge des cathédrales, ce « gothique particulier » se manifeste d’abord dans celle de la ville, qui se distingue de ses sœurs françaises par la hauteur exceptionnelle du déambulatoire et des collatéraux. Ce caractère est systématisé par l’architecte Berenguer de Montagut à Santa María del Mar, la paroisse maritime de Barcelone. On s’achemine avec cet édifice, qui est un des sommets de l’architecture catalane, vers l’église-halle, à trois vaisseaux de même importance.

Le gothique catalan dut emprunter au midi de la France la nef unique, couverte soit de voûtes nervées, soit d’une charpente sur arcs diaphragmes, mais il assura à cette formule la plus large diffusion. À Barcelone, l’esprit pratique et ingénieux des Catalans sut l’adapter à tous les besoins du moment. À une époque de grand développement urbain, le vaisseau unique convenait bien à la construction rapide des nouvelles églises paroissiales. On le trouve donc à Santa María del Pino et au Santos Justo y Pastor. Mais on ne le considéra pas comme indigne d’une noble destination, et c’est ainsi que, enjolivé d’une charpente mudéjare, il apparaît à Santa Águeda, la chapelle du palais royal. Simultanément, il s’adapte aux usages les plus humbles, que ce soit aux bâtiments de l’arsenal ou à la salle des malades de l’hôpital général de la Santa Cruz.

L’architecture civile tient dans l’art gothique catalan une place toute particulière. Les solides maisons bourgeoises de Barcelone, construites en pierre de taille et ouvrant sur la rue par un portail aux grands claveaux et par d’élégantes fenêtres géminées, surprenaient les voyageurs venus du nord, habitués aux maisons en pisé et à colombage. La vitalité des classes dirigeantes se manifeste aussi dans des bâtiments publics servant soit au commerce, comme la Loge de mer — une grande salle divisée en trois nefs par un système hardi d’arcatures —, soit à l’exercice de l’autorité. L’hégémonie de la Catalogne au sein de la Confédération catalano-aragonaise s’exprimait par le pouvoir considérable des Cortes et de leur délégation permanente, la députation, ou généralité. Celle-ci possédait à Barcelone son propre palais (auj. provincial) de la Diputación, dotée d’une belle cour intérieure. L’hôtel de ville, où siégeait le parlement municipal, fut lui aussi partiellement reconstruit à l’époque.

Grâce aux nombreuses demandes de retables, une active école de peinture se maintint à Barcelone tout au long des xive et xve s. (œuvres à la cathédrale, au musée de Montjuich, etc.). Dans la chapelle San Miguel du monastère royal de Pedralbes, Ferrer Bassa montrait en 1346 une attention soutenue pour les nouveautés que Giotto avait introduites dans l’art italien, mais ce courant dut apparaître trop savant à la clientèle barcelonaise. Ce fut en définitive l’art siennois dans ce qu’il avait de plus aimable et de plus décoratif qui triompha dans la seconde moitié du xive s., d’abord avec Ramon Destorrents, ensuite avec les frères Serra. Les générations suivantes furent sensibles aux charmes du « style international », que cultivèrent Lluís Borrassà et Bernat Martorell. De l’art flamand, révélé par Lluís Dalmau en 1445, la peinture catalane ne retint que l’accessoire. C’est pourquoi, incapable de se renouveler et en dépit du bain d’humanité que lui apporta Jaume Huguet, elle mourut d’épuisement à la fin du xve s.

Après une période de repliement, c’est dans la seconde moitié du xviiie s. que, ranimée par le commerce colonial, la ville s’ouvre de nouveau aux courants internationaux. C’est ainsi que s’élèvent dans le style néo-classique les monuments où s’opèrent les échanges : la douane (1783-1792) de Miguel Roncali et la nouvelle loge de commerce (la Lonja) de Juan Soler y Faneca (1731-1794).

Au xixe s., Barcelone entreprend la conquête industrielle de toute la Catalogne et, simultanément, sort de son enceinte médiévale. Si ses dirigeants ne surent pas maîtriser parfaitement le tracé du nouvel organisme urbain, du moins témoignèrent-ils d’une ouverture étonnante aux recherches menées dans le domaine architectural. Gaudí* fit de Barcelone une des capitales du « modern style » avec ses maisons qu’envahit un vitalisme exubérant. S’il avait poursuivi l’expérience du parc Güell, il se serait engagé dans un urbanisme d’avant-garde, mais il préféra s’enfermer dans le rêve de la Sagrada Familia.

Dans les années 30, les disciples catalans de Le Corbusier introduisirent à Barcelone l’architecture fonctionnelle. Aujourd’hui, la ville honore les plus illustres de ses enfants prodigues : un riche musée Picasso* a été établi dans un palais médiéval rénové, et un édifice moderne a été spécialement construit pour abriter la fondation Miró* (1975).

M. D.

Barocci (Federico)

En franc. Baroche, peintre italien (Urbino v. 1526 ou 1535 - id. 1612).


Barocci (ou Baroccio) résume le renouveau artistique dont Urbino, petite capitale des Marches et foyer de la première Renaissance, a bénéficié dans la seconde moitié du xvie s. Formé d’abord par des maîtres locaux, il se rendit à Rome à l’âge de vingt ans et y étudia les ouvrages de Raphaël, son compatriote ; mais c’est l’influence du Corrège* qui devait le marquer le plus profondément, sensible dès 1557 avec le Martyre de saint Sébastien de la cathédrale d’Urbino. En 1560, Barocci retourna à Rome ; avec Federico Zuccari (v. 1540-1609), il décora le casino du pape Pie IV, dans les jardins du Vatican, de fresques dont on admire encore la ferme élégance. Revenu peu après à Urbino, il s’y établit pour travailler dès lors à de nombreuses commandes, souvent destinées à d’autres villes de l’Italie centrale.

La majeure partie de sa production est faite de tableaux religieux, parmi lesquels on peut signaler : la Madone de saint Simon, Vierge à l’Enfant avec les apôtres Simon et Jude, peinte vers 1567 pour les franciscains d’Urbino, aujourd’hui à la Galleria Nazionale delle Marche, dans la même ville ; la magistrale Déposition de Croix placée en 1569 dans la chapelle San Bernardine à la cathédrale de Pérouse ; une Fuite en Égypte de caractère plus intime, peinte en 1573 pour un citoyen de cette ville, aujourd’hui à la pinacothèque du Vatican ; la grande Mise au tombeau qui orne depuis 1582 le maître-autel de Santa Croce à Senigallia ; le Martyre de saint Vital peint en 1583 pour l’église de ce nom à Ravenne, aujourd’hui à la pinacothèque Brera de Milan ; la Vocation de saint André, de 1584, commandée pour Sant’ Andrea de Pesaro, mais dont une réplique autographe figure au musée de Bruxelles ; un Christ en croix commandé par le doge de Gênes pour la cathédrale ; un Calvaire peint en 1599, au maître-autel de l’Oratorio della Morte à Urbino.