Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

adhérence

Liaison de contact entre deux corps appliqués l’un sur l’autre suivant une certaine surface, le degré d’adhérence se caractérisant alors par l’effort, rapporté à l’unité de surface, qu’il est nécessaire d’exercer, soit dans le sens normal, soit dans le sens tangentiel, pour réaliser la séparation.


Selon la nature de la liaison, on distingue l’adhérence physico-chimique, due aux forces d’affinité moléculaire, et l’adhérence mécanique, due aux forces de frottement. Ces deux types d’adhérence peuvent agir simultanément et se renforcer mutuellement.

Les premiers essais d’adhérence

En 1812, Christopher Blackett, industriel et ingénieur anglais, ne voulut pas ajouter la dépense d’un rail à crémaillère pour utiliser la traction à vapeur sur la ligne d’une mine qu’il possédait à Wylam. Il chargea alors William Hedley (1770-1843) d’effectuer des recherches sur les possibilités que pouvait offrir l’adhérence des roues lisses sur des rails en fonte. Hedley entreprit des essais à l’aide d’un véhicule mû par des hommes et rechercha la relation existant entre le poids d’une locomotive et la plus grande charge qu’elle pouvait mettre en mouvement depuis l’état de repos. Parvenu à la conclusion que les roues lisses adhéraient aux rails à condition de donner à la machine un poids suffisant, il en administra la preuve en faisant construire par Timothy Hackworth en 1813 la première locomotive conçue sur ce principe, la Puffing Billy, dont les deux essieux étaient couplés afin que toute la masse de l’engin fût utilisée pour la traction. Le poids de la machine était trop élevé pour les rails en fonte de l’époque. En 1815, on la transforma en machine à huit roues, puis on lui rendit ses quatre roues en 1830 lorsque l’on disposa de rails plus solides. Cette locomotive, qui fonctionna jusqu’en 1864, fut parfaitement capable de rouler en remorquant des charges appréciables. Conservée au Science Museum de Londres, elle est la plus vieille locomotive du monde encore existante.

C. M.


Adhérence physico-chimique ou adhérence parfaite

Elle se produit si deux conditions sont remplies :
1o Le contact doit être établi de telle sorte que les molécules des deux corps, dans la zone d’interface, se trouvent à des distances inférieures ou au plus égales à la distance d’attraction moléculaire ;
2o Il doit y avoir affinité positive ou attractive entre les molécules des deux corps.

La première condition est réalisée par le mouillage préalable de l’un des deux corps par l’autre ; ce dernier doit donc prendre l’état liquide temporairement, soit par fusion, suivie de solidification par refroidissement (galvanisation à chaud), soit par changement d’état dû à une polymérisation, une oxydation ou une polycondensation (collage ou enrobage par une résine époxy liquide contenant un durcisseur catalytique), soit encore par dépôt électrolytique à partir d’un bain approprié dans un bac à électrolyse (argenture du cuivre, ou nickelage, cobaltage, cadmiage de l’acier), soit enfin par réaction chimique à l’interface (dépôt de chaux sur une armature d’acier avec formation d’un film passivant de ferrite de calcium Fe2O3, CaO, dans le cas du béton armé ; formation d’un film passivant de phosphate de fer à partir d’une solution de phosphate de sodium, dans la technique de phosphatation ou de parkérisation de l’acier, rendant ce dernier inoxydable). Si les deux conditions de l’adhérence parfaite sont remplies, celle-ci se suffit à elle-même et ne nécessite nullement l’appoint de l’adhérence mécanique par frottement. La séparation ne peut pas d’ailleurs être réalisée par action mécanique (traction ou cisaillement), car la liaison entre molécules des deux corps est aussi solide que la liaison entre molécules d’un même corps, même dans le cas de surfaces en contact rigoureusement lisses. La liaison est parfois même plus solide : c’est le cas de l’adhérence épitaxique, qui est une variété de liaison moléculaire par affinité réciproque, suivant laquelle les molécules à l’interface des deux corps ne se soudent pas dans le désordre, mais s’orientent avant de s’enchevêtrer. Il peut y avoir mouillage (à la limite de la zone d’attraction moléculaire) même si l’affinité est nulle : c’est le cas de l’enrobage d’un granulat par du bitume en fusion, en technique routière, le bitume pur n’ayant ni répulsion ni affinité pour les granulats tels que le quartz, le quartzite, le silex, le porphyre, etc. Certaines impuretés du bitume lui donnent cependant une affinité très faible. On peut renforcer l’affinité du bitume en y introduisant en très faible quantité des dopes d’adhésivité qui se portent à l’interface et réalisent l’adhérence parfaite ; sinon, en présence d’eau, le désenrobage se produit par déplacement progressif du bitume.

Enfin, il ne peut y avoir mouillage de l’un des corps par l’autre (ce dernier étant à l’état liquide) si l’affinité est négative ou répulsive. C’est le cas, par exemple, du plomb fondu sur le fer ; il y a affinité répulsive, et il n’y a pas d’adhérence moléculaire comme dans le cas de l’étamage du fer par l’étain à chaud. De plus, la distance d’interface n’est pas d’ordre moléculaire (quelques millimicrons tout au plus), mais d’ordre capillaire (plus de 40 ou 50 millimicrons) : l’eau peut s’insérer par capillarité entre le fer et le plomb, et former de la rouille. La notion d’adhérence physico-chimique est d’une importance exceptionnelle dans la plupart des techniques modernes : construction routière, béton armé, béton précontraint, passivation du fer et de l’acier, charpente collée, réparation des fissures dans les grands ouvrages et les barrages, métallurgie des poudres, etc.


Adhérence mécanique

Celle-ci, fondée sur les lois du frottement, est d’une nature très différente de l’adhérence physico-chimique. L’adhérence par frottement peut se substituer en partie à une adhérence physico-chimique imparfaite par suite d’affinité trop faible et insuffisante. On a alors une adhérence mixte, l’adhérence mécanique jouant le rôle de liaison fondée sur une imbrication entre éléments de deux surfaces en contact, rugueuses ou granulaires au lieu d’être polies. L’adhérence mécanique est le résultat d’un frottement statique créant des forces de liaison tangentielles, qui dépendent de la pression normale que les corps en contact exercent l’un sur l’autre. Il y a, à l’état d’adhérence statique, un rapport constant

entre l’effort tangentiel résistant T et l’effort normal, ou compression, N. L’angle de frottement statique est l’angle qui admet f comme tangente trigonométrique. Ce type d’adhérence mécanique intervient dans trois cas principaux.