Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Balthus (Balthasar Klossowski, dit)

Peintre français (Paris 1908).


Élevé dans une famille d’artistes d’origine polonaise, Balthus reçoit très jeune les encouragements du poète Rainer Maria Rilke. Il a pour frère l’écrivain Pierre Klossowski. Il vit en marge des mouvements et des modes artistiques, mais sa renommée, aujourd’hui, n’en est pas moins internationale. Il a été nommé en 1961 directeur de l’Académie de France à Rome (Villa Médicis).

Depuis la première exposition en 1934, à la galerie Pierre (Paris), jusqu’à la rétrospective organisée en mai 1966 au musée des Arts décoratifs, Balthus semble avoir toujours suivi cet ordre silencieux et marginal qui le caractérise. À l’heure où le cubisme et le surréalisme marquent les œuvres de ses contemporains, Balthus choisit une autre voie : sans doute la leçon de Cézanne et les fresques de Piero Della Francesca restent-elles plus présentes à sa mémoire. À travers des paysages et des scènes d’intérieur, le peintre choisit ces instants fugaces où lignes et formes n’existent que par lui, en deçà ou au-delà du repos. Tantôt ouverte sur la campagne immuable, tantôt recueillie dans la pénombre intime des jeunes filles à peine pubères, l’œuvre exerce sa fascination muette.

Charpentés d’ombre et de lumière derrière la résille des arbres, les paysages ou les cours de ferme, aussi éloignés dans le temps que présents et familiers, renaissent dans l’accord des tons froids amortis par la chaleur d’un crépi, d’un chaume. Albert Camus a pu écrire que Balthus était revenu « à la plus grande tradition du paysage, celle où l’homme n’est qu’un point de repère, et où la pierre et le ciel, par le seul jeu des perspectives, laissent filtrer l’étrange paix des premiers âges ». « Et l’on s’aperçoit, note-t-il encore, que la nature, si nous la regardons dans cet instant de silence et d’immobilité, est plus étrange que les plus étranges monstres formés dans l’imagination des hommes. »

Aux champs et labours bourguignons répondent les intérieurs, théâtres de secrètes immolations. Monde de l’enfance où l’érotisme négligent dispose les corps à l’abri des encens familiers... Quel démon singulier traverse la Chambre (1952-1954), incube ou succube ? Pour le spectateur, le peintre accorde les lignes mouvantes des corps et les arabesques du décor, tapis d’Orient et papiers peints, dans la suavité des parfums ; jeux floraux et jeux charnels se confondent dans la lumière fugitive du mythe. Ces nus offerts au regard du Lever, ouverts aux Rêves sur les bords d’un canapé velouté, « sont d’abord des constructions. Une architecture les domine, commande leur densité physique, leurs volumes, la position de leurs membres. Les jambes [...] s’allongent pour former un certain angle avec le sol » (Jacques Lassaigne). Balthus rejoint la vision objective d’Ingres disposant ses Odalisques au siècle précédent ; ces figures insolites, surgissant d’un autre temps, viennent troubler l’instant présent, rompant ainsi les amarres du réel usé.

H. N.

 CATALOGUES D’EXPOSITIONS : Musée des Arts décoratifs (Paris, mai-juin 1966 ; préface de G. Picon). / Tate Gallery (Londres, 1968). / Balthus (le Chêne, 1976).

Baltimore

Ville des États-Unis ; 906 000 hab. Principale ville du Maryland, Baltimore rassemble avec sa banlieue plus de la moitié de la population de l’État (2,1 millions sur 3,9).


Baltimore jouit d’une localisation remarquable qui a fait sa fortune. Elle est située au point atteint par la marée dans deux culs-de-sac (occupés par le port actuel) d’un estuaire tributaire de la baie Chesapeake et à proximité de la Fall Line, comme les autres villes de la région atlantique moyenne. Mais elle possède l’avantage sur celles-ci d’être très enfoncée dans l’intérieur du continent, et plus proche que Philadelphie et New York des régions situées à l’ouest des Appalaches. Elle exploita très tôt cet avantage et constitua d’abord le terminus oriental de la Wilderness Road, puis le point de départ de la National Pike (1806), première route transappalachienne. Dans la rivalité des villes atlantiques pour relier l’océan aux régions de l’Ohio et des Grands Lacs, New York marqua des points en creusant le canal Erié (1825). Baltimore répliqua par la construction du premier chemin de fer transappalachien, le célèbre Baltimore and Ohio (commencé en 1827) ; Philadelphie fit de même peu après avec le Pennsylvania Railroad et New York avec le New York Central. Le profil de la ligne new-yorkaise, « the Water Level Route », comme le proclame le slogan de cette compagnie, lui assura l’avantage sur les trajets courts, mais accidentés, des voies appalachiennes.

Exutoire des produits des riches plantations du Maryland depuis l’ère coloniale, puis courtier des régions pionnières de l’Ouest, Baltimore se forgea très tôt des traditions maritimes dont les activités commerciales et industrielles actuelles portent la trace. Baltimore est un des grands ports exportateurs du blé des Grandes Plaines, malgré la concurrence de Houston et des ports du Saint-Laurent. Elle exporte son acier ainsi que les fines à cokes de Pennsylvanie et de Virginie-Occidentale ; en sens inverse, les quais de l’U. S. Steel reçoivent du minerai destiné à Pittsburgh. C’est aussi un port de cabotage et de redistribution vers la côte pacifique par Panamá (premier port américain pour ces relations), vers le Sud-Est atlantique et les ports du Golfe, vers la Nouvelle-Angleterre (un canal coupant la racine de la péninsule Delmarva raccourcit les routes vers le nord et l’est). Au total, c’est le troisième port de l’Est américain après New York et Philadelphie, avec 23 Mt aux entrées et 10 Mt aux sorties.

Les industries sont liées au commerce maritime, comme celles des engrais (nitrates du Chili), du pétrole (du Golfe et du Pacifique), comme les constructions navales et surtout la grosse sidérurgie. La Bethlehem Steel Corporation a construit en 1887 à Sparrows Point (banlieue sud-est) la première aciérie au bord de la mer ; le charbon vient de Virginie-Occidentale, le calcaire de Pennsylvanie, le minerai du Venezuela, du Chili et du Labrador (depuis la fermeture des mines de Terre-Neuve). C’est la plus grosse aciérie du continent : elle produit 8,2 Mt par an.