Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bali

Île d’Indonésie, à l’est de Java.


Bali, qui constitue une « résidence » à part dans la « province » des « petites îles de la Sonde » (Nusa Tenggara), a 5 561 km2 et une population de 2 120 000 habitants. La densité de la population y est donc supérieure à 380 habitants au kilomètre carré.


Le milieu naturel

L’île, très belle, a une forme grossièrement triangulaire. Elle est essentiellement montagneuse, ceinturée par une très étroite plaine côtière. Les montagnes sont surtout des volcans : notamment le Gunung Agung (3 142 m), dont la dernière éruption dura de février à mai 1963, le Gunung Batur (1 717 m) et le Gunung Catur (2 098 m), dont les belles caldeiras sont partiellement occupées par des lacs. Le relief est très dissymétrique, tous les sommets se trouvant au nord, alignés parallèlement à la côte septentrionale, dont ils sont très proches, dominant brutalement la plaine littorale. Au contraire, les pentes sont douces vers le sud, en une sorte de long versant où coulent les rivières en gorges étroites et profondes ; ces pentes douces s’arrêtent à une dizaine de kilomètres de la mer. Tout à fait au sud, la presqu’île de Jimbara est calcaire.

Cette dissymétrie a d’importantes conséquences climatiques et humaines. La partie nord est relativement sèche (Singaraja reçoit 1 192 mm de pluies, dont 75 mm seulement en hiver, de juin à octobre) et n’est pas irrigable, toutes les rivières coulant vers le sud. La partie sud reçoit des pluies plus abondantes (Denpasar : 1 737 mm), et il pleut même en hiver (327 mm de juin à octobre), surtout sur les sommets : les possibilités d’irrigation sont accrues par les lacs des caldeiras, réservoirs naturels.


La vie économique

Le nord est peu peuplé ; la culture principale y est le maïs, base de la nourriture ; 80 p. 100 de la population habitent le sud. Cette population est établie sur les interfluves, en villages (banjar) fermés de murs de brique ou de boue séchée ; les bâtiments de chaque habitation sont, eux-mêmes, enfermés dans des murs, le long de rues étroites ; les temples (pura) sont nombreux (deux ou trois par villages) ; chaque village a sa maison de réunion (balé banjar) et, en son centre, le waringin (Ficus religiosa). Le banjar est une cellule forte qui a sa constitution écrite. Tous les 35 jours, les chefs de famille se réunissent au balé banjar et prennent, à l’unanimité, les décisions importantes pour le village ; l’administration courante est confiée à cinq klihan banjar élus pour cinq ans. À l’intérieur du village, la terre appartient à la collectivité. Le banjar est divisé en deux ou trois « quartiers » qui fournissent, à tour de rôle, les travaux collectifs d’intérêt général.

Par ailleurs, les rizières sont irriguées par un remarquable réseau, très ancien, à partir des rivières. Chaque rivière est barrée par une suite de barrages déversoirs ; de chaque barrage part un canal. Les rizières irriguées par un même canal à partir d’un barrage forment une subak. Ce mot désigne en même temps l’association des paysans utilisateurs de l’eau. À l’intérieur de la subak, le canal se divise en artérioles, puis en sous-artérioles (pengalapan) amenant l’eau au kesit, qui est la plus petite unité irriguée : un kesit comprend plusieurs rizières appartenant à un même propriétaire. L’association qui règle les problèmes d’irrigation est très forte : chaque subak est dirigée par un klihan subak assisté de plusieurs aides, qui sont exempts des corvées exigées des autres membres de la subak. Ceux-ci doivent à la fois des services laïcs (construction, entretien et réparation des barrages, des canaux, des répartiteurs d’eau) et des services religieux (chaque subak a son temple). Les travaux rizicoles (le repiquage en particulier, qui exige de l’eau) se font en même temps et, au moins partiellement, en commun, en particulier grâce à des associations d’entraide, ou selisihans. Cette société n’est pas parfaitement égalitaire pour autant. À côté des propriétaires exploitants, il y a des métayers et des salariés. Les paysans d’une même subak se réunissent périodiquement. Cette organisation collective est indépendante de celle du banjar ; les habitants d’un même banjar se partagent entre deux ou plusieurs subaks différentes, où ils retrouvent les habitants d’autres banjars. Cette distinction est exceptionnelle. Tout Balinais est membre d’un banjar et d’une subak.

Le riz est la seule culture importante : des légumes et des fruits sont produits dans les jardins contigus aux maisons ; les cocotiers et les palmiers à sucre (Borassus flabellifer) sont nombreux ; le bétail est abondant et bien soigné ; quelques caféiers sont cultivés dans le centre de l’île.

La beauté de Bali, ses cérémonies religieuses, ses danses lui ont donné une réputation quasi idyllique et en ont fait un important centre de tourisme (aérodrome de Denpasar). On peut se demander toutefois si un seuil démographique n’a pas été atteint, et si l’île n’est pas menacée de surpeuplement : 100 000 personnes ont dû quitter Bali en 1963 après l’éruption du Gunung Agung pour gagner, dans les plus mauvaises conditions, Sumatra-Sud.

J. D.


L’histoire et la culture de Bali

Séparée de Java par un détroit facile à franchir, Bali a de tout temps entretenu avec sa voisine d’étroites relations. Riche en sites néolithiques, elle a subi, à partir du xe s., l’influence de la culture indo-javanaise. Udayadityavarnan, le père du grand roi de Java-Est Airlanga ou Erlangga († 1049), était un prince balinais, et plusieurs sites archéologiques de Bali datent de cette époque (grotte sculptée de Goa Gajah, tombeaux rupestres du Gunung Kawi) ; quelques inscriptions rédigées en sanskrit ou en vieux javanais (dans un alphabet dérivé de modèles indiens) permettent dans une certaine mesure de préciser la nature de ces contacts.

Lorsque, aux xve-xvie s., l’islām se répandit à Java et à travers tout l’archipel, Bali resta fidèle à l’hindouisme et devint l’unique conservatoire d’une culture qui disparaissait ailleurs. Les rājā balinais parvinrent à maintenir le système des castes, et l’on continua d’honorer les dieux de la Trimurti indienne (Śiva, Viṣnu et Brahman). Nombre de textes en vieux javanais ont été conservés et recopiés dans les bibliothèques des palais, en même temps que se développait parallèlement une littérature proprement balinaise. Certains rituels antiques, tel celui de l’incinération des morts, se sont maintenus jusqu’à nous ; d’autres, comme le sacrifice des veuves, n’ont disparu qu’à la fin du xixe s.