Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
Z

Zwingli (Ulrich) (suite)

Les adversaires

Comme Luther avec les paysans et Calvin avec Michel Servet, Zwingli trouve devant lui d’irréductibles adversaires, qu’il combat avec les méthodes de son époque : les baptistes anarchistes, connus sous le nom d’anabaptistes*, veulent saper l’édifice fragile de la nouvelle Église et de la société civile qui la porte en elle : en 1527, un des chefs du mouvement Felix Manz est noyé dans le lac, « ayant péché par l’eau et châtié par l’eau »...

Comme il fallait s’y attendre, la réaction à la Réforme zurichoise s’organise : les cantons catholiques, Uri, Schwyz, Unterwald, Lucerne, Zoug, ainsi que ceux de Soleure et Fribourg, constituent en avril 1524 l’« alliance de Beckenried ». Malgré les exhortations à l’union qu’il fait entendre, Zwingli et ses Zurichois sont mis en marge de la Confédération ; bien plus, en 1526, la diète, sur la base d’une dispute qui a eu lieu en mai-juin à Baden, et pour laquelle les catholiques ont fait donner leurs meilleurs théologiens et polémistes, condamne Zwingli et somme Zurich, en vain, de l’abandonner.

Mais voici qu’en 1527 Berne, à son tour, bascule dans le camp protestant et, en janvier 1528, au cours d’une dispute organisée dans cette ville, les protestants, tirant les enseignements de Baden, font un retour en force. Devenu officiellement réformé, le canton de Berne jouera un rôle décisif : en 1536, il s’emparera du pays de Vaud et, du coup, c’est toute la Suisse francophone qui s’ouvrira aux idées nouvelles ; Genève aussi, où Calvin, sans cela, n’aurait pu trouver refuge...

Mais dès 1529 la situation se radicalise : face aux succès protestants, les catholiques s’allient à l’Autriche, l’ennemi héréditaire des Confédérés ; la guerre de religion est à la porte ; différée un moment, que Zwingli utilise pour essayer de constituer une ligue d’États protestants opposés à la coalition catholique, recherchant des alliés en haute Allemagne et même en France ; il s’efforce d’obtenir l’appui de François Ier, en lui dédiant, en 1531 (comme il l’avait fait en 1525 de son De vera et falsa religione commentarius, exposé systématique de la religion réformée), son dernier écrit théologique, la Brevis ac Distincta Summa sive Expositio christianae fidei. Comme la situation entre l’Église et le pouvoir se tend à Zurich même, il offre sa démission ; on la refuse ; finalement, les catholiques attaquent les cantons protestants qui les ont soumis à un blocus : le 11 octobre 1531, à Kappel, les Zurichois, privés de l’appui des Bernois, subissent une défaite complète ; Zwingli, qui est avec les siens comme aumônier, est tué ; son cadavre est coupé en quatre par le bourreau et brûlé. La paix qui s’ensuit fixera pour trois siècles les frontières confessionnelles à l’intérieur de la Confédération helvétique.

Tel est le dernier acte de cette vie intense. Si l’on peut, à juste titre, regretter que, comme tant d’autres, Zwingli n’ait pas été préparé à la tâche historique qu’il devait assumer et que sa théologie, élaborée au fur et à mesure des besoins de tout un peuple, n’ait pas la rigueur et l’équilibre des œuvres de cabinet, il n’en est pas moins exemplaire à plus d’un titre : non seulement parce qu’il a eu le souci permanent de ne pas laisser retomber dans une « religion » d’autorité et d’évasion, dans un système clos de garanties, de rites et de médiateurs l’Évangile redécouvert dans sa pureté ; mais encore parce qu’il a compris et vécu jusqu’à la mort qu’il doit être cru et traduit dans le domaine politique ; car si l’amour ne vise pas à la constitution d’une cité nouvelle, esquissant la nouvelle Jérusalem, c’est qu’il n’est pas celui du Christ de la foi, ni de Jésus de l’histoire, pour qui c’est bien « la justice qui est l’épanouissement de l’amour et de son avènement triomphal » (Bernanos).

G. C.

➙ Calvin / Protestantisme / Réforme.

 J. Courvoisier, Zwingli (Labor et Fides, Genève, 1947) ; Zwingli, théologien réformé (Delachaux et Niestlé, Neuchâtel, 1965). / J. V. Pollet, « Zwinglianisme » dans Dictionnaire de théologie catholique, t. XV, 2e partie (Letouzé et Ané, 1950) ; Huldrych Zwingli et la Réforme en Suisse d’après les recherches récentes (P. U. F., 1963). / J. Rilliet, Zwingli, le troisième homme de la Réforme (Fayard, 1959).