Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
Z

Zola (Émile) (suite)

1886-1888

Mars 1886 : l’Œuvre, dont le héros, le peintre Claude Lantier, se tue par désespoir de ne pas réaliser son rêve d’art. On a cru reconnaître comme modèles possibles, selon les divers épisodes, les peintres Paul Cézanne, Édouard Manet, Claude Monet, André Gill, l’écrivain Duranty. Zola y évoque ses propres débuts à travers le personnage de Sandoz. Le 25 février 1887, le théâtre de Paris joue le Ventre de Paris, drame en cinq actes de W. Busnach ; le Théâtre-Libre, dirigé par Antoine, donne le 30 mars Jacques Damour, pièce en un acte tirée d’une nouvelle de Zola par Léon Hennique ; le 16 avril, Renée, pièce tirée de la Curée par Émile Zola, est jouée au Vaudeville ; la critique l’accueille avec sévérité, comme toutes les pièces précédentes de Zola. Tandis que la Terre paraît en feuilleton dans le Gil Blas, cinq écrivains de second rang (Paul Bonnetain, Lucien Descaves, Gustave Guiches, Rosny aîné, Paul Margueritte) publient contre Zola un violent manifeste dans le Figaro du 18 août, en se donnant pour des disciples écœurés par « son violent parti pris d’obscénité ». On soupçonne Goncourt et Daudet de les avoir encouragés. Zola s’abstient de répondre. Le 23 décembre, le Théâtre-Libre donne Tout pour l’honneur, drame en un acte tiré du Capitaine Burle par Henry Céard. Le 21 avril 1888, Germinal, drame en cinq actes de W. Busnach, est joué au Châtelet. Le 14 juillet, Zola est fait chevalier de la Légion d’honneur. En octobre paraît le Rêve, qui est resté longtemps, en raison de son sujet — l’histoire d’une jeune fille mystique dans un décor de conte — la seule œuvre de Zola qu’on acceptât dans les milieux bien pensants. Dans l’été de 1888, Zola s’est épris d’une jeune lingère qui travaillait à Médan, Jeanne Rozerot : elle devient sa maîtresse le 11 décembre 1888. Il vivra désormais une double vie, déchiré entre une affection inaltérable pour Alexandrine et son amour pour Jeanne, qui lui donnera deux enfants, Denise, née le 20 septembre 1889, et Jacques, né le 23 septembre 1891.


1889-1893

Le 1er mai 1889, le Théâtre-Libre joue Madeleine. En automne, les Zola s’installent dans un hôtel particulier, au 21 bis de la rue de Bruxelles. En octobre, Zola est juré aux assises de la Seine. Mais cette expérience lui servira peu pour la Bête humaine, roman des chemins de fer et roman du crime, qui est presque achevé et qui paraîtra en mars 1890. En 1891, Zola répond à l’enquête de Jules Huret sur l’évolution littéraire : « Je crois à une peinture de la vérité plus large, plus complexe, à une ouverture plus grande sur l’humanité, à une sorte de classicisme du naturalisme. » Dans l’Argent (mars 1891) reparaît Aristide Saccard, le spéculateur cynique de la Curée ; le roman s’inspire du krach de l’Union générale, survenu en 1882, et dépeint les milieux de Bourse. Quelques semaines plus tard, Zola est élu président de la Société des gens de lettres. En revanche, candidat à l’Académie française depuis 1888, il échouera à chaque élection. En avril, il parcourt le champ de bataille de Sedan pour préparer la Débâcle, qui paraîtra en juin 1892 : « La débâcle, écrit-il, ce n’est pas la guerre, seulement, c’est l’écroulement d’une dynastie, c’est l’effondrement d’une époque. » À deux reprises, les Zola visitent Lourdes, en septembre 1891 et en août-septembre 1892 : leur second voyage les conduit à Aix-en-Provence, sur la Côte d’Azur et à Gênes. Le dernier volume des Rougon-Macquart, le Docteur Pascal, paraît en juin 1893. En tête du roman, Zola publie l’arbre généalogique de sa « terrible famille ». Le docteur Pascal tient à la fois de Claude Bernard et de l’auteur ; Clotilde doit beaucoup à Jeanne Rozerot. Le 13 juillet, Zola est fait officier de la Légion d’honneur et, en octobre, il est accueilli en ambassadeur des lettres françaises au Congrès de la presse qui se tient à Londres.


1894-1897

Deux mois après la publication de Lourdes, premier roman du cycle des Trois Villes (août 1894), et tandis que les Zola se préparent à partir pour l’Italie, où ils séjourneront du 30 octobre au 14 décembre 1894, le capitaine Dreyfus est arrêté et inculpé d’espionnage au profit de l’Allemagne. Il est condamné le 22 décembre, par un conseil de guerre, à la déportation perpétuelle. Zola n’y prête pas d’attention particulière et consacre l’année 1895 à écrire Rome, qui paraît en mai 1896. De décembre 1895 à juin 1896, il publie dans le Figaro une série de chroniques, qui paraîtra en mars 1897 sous le titre de Nouvelle Campagne. La campagne pour la révision du procès Dreyfus commence à la fin de 1896 avec la publication d’une brochure de Bernard Lazare. En mai, Zola avait consacré un de ses articles du Figaro (« Pour les Juifs ») à condamner l’antisémitisme. La campagne en faveur d’Alfred Dreyfus s’amplifie à la fin de 1897 avec la dénonciation publique d’Esterházy. Zola soutient les « dreyfusards » par trois articles dans le Figaro (25 nov., 1er et 5 déc. 1897).

Il a abandonné tout espoir de réussir dans le théâtre dramatique. Mais, depuis que le musicien Alfred Bruneau a mis en musique le Rêve (1891) et l’Attaque du moulin (1893), et est devenu son ami, il s’est tourné vers le théâtre lyrique, composant pour Bruneau des livrets originaux : Messidor est joué le 19 février 1897 à l’Opéra ; l’Ouragan sera joué à l’Opéra-Comique le 29 avril 1901 ; Lazare (achevé au début de 1894), Violaine la Chevelue (écrit en 1897), l’Enfant-Roi (1902) et Sylvanire ou Paris en amour ne seront publiés qu’après sa mort.


1898-99

Tandis que Paris paraît en feuilleton dans le Journal (en librairie : mars 1898), Zola s’engage de toute sa force dans la défense de Dreyfus. Exaspéré par l’acquittement d’Esterházy devant le conseil de guerre (11 janv. 1898), il publie dans l’Aurore du 13 janvier J’accuse, pamphlet qui dénonce les forfaitures commises ou couvertes par l’état-major pour laisser Dreyfus au bagne. Déféré devant la cour d’assises pour diffamation du conseil de guerre qui a jugé Esterházy (7-23 févr. 1898), il est condamné à un an de prison et 3 000 F d’amende. Cassé, le jugement est confirmé par la cour de Versailles en juillet. Mais les officiers appelés à témoigner ont prononcé des paroles imprudentes. Tandis que Zola vit exilé près de Londres (depuis le 18 juillet), le lieutenant-colonel Henry, principal accusateur de Dreyfus, convaincu de faux, est arrêté et se suicide dans sa cellule du Mont-Valérien. Le mécanisme de la révision se met en mouvement. Deux jours après la cassation du procès de 1894, Zola rentre à Paris (5 juin 1899). Jamais le jugement qui le condamnait ne lui sera signifié. À l’issue des débats d’un second conseil de guerre (Rennes, 7 août - 9 sept. 1899), Dreyfus est de nouveau condamné, mais presque aussitôt gracié. Zola proteste dans l’Aurore contre l’iniquité du jugement de Rennes, puis, l’année suivante, contre l’amnistie, qui renvoie dos à dos innocents et coupables. En octobre 1899 paraît le premier des Quatre Évangiles, Fécondité, roman sur les problèmes de la natalité, écrit en Angleterre.