Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
Z

Zimbabwe (suite)

L’occupation humaine sur le site de Zimbabwe remonte au moins au ive s. de notre ère. Dès le xe s., l’or du plateau était l’objet d’un commerce actif avec les Arabes des ports de Kilwa, puis de Sofala, sur l’océan Indien. La prospérité ainsi engendrée permit la constitution de puissants États. On date du xie s. les premières constructions de pierre sur l’acropole. Zimbabwe aurait été la capitale d’un vaste empire dont le souverain portait le titre de Monomotapa. À l’arrivée des Portugais en 1509, la capitale se trouvait à 300 km plus au nord, au bord du Zambèze. Le Monomotapa tomba sous l’influence des Portugais, dont la protection ne put empêcher l’effritement de son empire. Les constructions de l’enclos elliptique dateraient des xviie-xviiie s. Elles seraient l’œuvre d’une dynastie émancipée de l’autorité du Monomotapa. Zimbabwe fut mise à sac vers 1830 par les Ngonis, fuyant devant le conquérant zoulou Chaka, puis fut définitivement abandonnée.

D. B.

 G. Caton-Thompson, The Zimbabwe Culture : Ruins and Reactions (Oxford, 1931 ; nouv. éd., Londres, 1971).

Zimmermann (Bernd Alois)

Compositeur allemand (Bliesheim, près de Cologne, 1918 - Cologne 1970).


Comme tous ses contemporains et cadets, il ne put se développer qu’après la chute du nazisme, à partir de 1945, « année zéro » de la nouvelle musique allemande. Ses premières œuvres, demeurées inédites, datent des années de guerre, mais rien ne fut joué avant 1948, et, à cette époque, grâce à ses études auprès de Wolfgang Fortner et de René Leibowitz aux Cours d’été de Darmstadt, il avait déjà adopté le langage dodécaphonique. La création, en 1953, de sa Symphonie en un mouvement, synthèse et aboutissement de cette première époque, lui apporta la notoriété nationale, mais, jusqu’à sa mort, son art ne devait guère s’imposer au-delà des frontières de son pays, ce dont il souffrit beaucoup. Zimmermann enseigna la théorie musicale à l’université de Cologne de 1950 à 1952, puis la composition au conservatoire de cette ville de 1957 à sa mort, tout en dirigeant un séminaire pour la musique de film, de scène et de radio. À deux reprises (1957 et 1963), il fut boursier à la villa Massimo de l’Académie allemande à Rome. À partir de 1955 (Perspectives pour 2 pianos), il aborda la phase sérielle de son évolution. Cette étape culmine dans l’œuvre centrale de sa trop brève carrière, clef de voûte de son activité créatrice, l’opéra les Soldats (1958-1960), rejeté comme inexécutable par l’Opéra de Cologne, qui en avait été le commanditaire, mais pourtant créé sur cette même scène après cinq ans d’atermoiements, en 1965. Depuis lors, les Soldats se sont affirmés comme le plus important opéra depuis Moïse et Aaron de Schönberg* et Lulu de A. Berg*, et comme l’une des rares partitions lyriques du xxe s. destinées à durer. Inspirés par la pièce de J. M. R. Lenz* (1751-1792), l’un des auteurs les moins connus, mais les plus révolutionnaires du Sturm und Drang, précurseur direct de Büchner, voire de Brecht, qui aborde le problème dramatique des filles de famille des villes de garnison de province, séduites et abandonnées par des officiers aristocratiques et oisifs, ils illustrent la conception révolutionnaire de la sphéricité du temps et du pluralisme musical, déjà approchée dans certaines œuvres précédentes. Cette conception entraîne la simultanéité de plusieurs actions, qui peuvent être successives dans la réalité des faits. Sur le plan musical, elle rend possible et évident le procédé du collage de musiques appartenant à diverses époques du passé : Bach, Josquin Des Prés et le chant grégorien dans les Soldats. La musique de Zimmermann, d’un raffinement et d’une complexité extraordinaires, poursuit, en la renouvelant, la grande tradition expressionniste de l’école viennoise. Les œuvres écrites après les Soldats, jusqu’au Concerto pour violoncelle en forme de pas de trois (1965-66) inclusivement, approfondissent les recherches de « pluralisme » et de sphéricité temporelle, tout en dépassant peu à peu le sérialisme. Le titre de ce concerto illustre une autre préoccupation de Zimmermann : nombreuses sont ses œuvres de concert destinées à des « ballets imaginaires », selon ses propres termes, et effectivement chorégraphiées dans la plupart des cas. À partir d’Intercomunicazione (1967) pour violoncelle et piano, nous abordons la dernière phase, celle de l’extension temporelle, fondée sur de longues plages statiques. Toujours sombre, l’inspiration de Zimmermann, à l’approche de la mort (ce fut une mort volontaire, provoquée par une grave maladie, un état dépressif et une hypersensibilité au drame de l’époque, que cet humaniste chrétien vivait avec une intensité terrible), se fait angoissée, funèbre. La dernière grande œuvre, pendant tardif des Soldats, le Requiem pour un jeune poète (1967-1969), dédié à la mémoire de trois jeunes poètes suicidés, est un gigantesque montage de parlé, de chanté, d’instrumental et d’électronique, mêlant bandes d’actualité et musique écrite pour aboutir à ce que le compositeur nomme un Lingual : Zimmermann semble y porter le poids de cinquante ans de tragique histoire de notre temps, poids sous lequel il finit par succomber, après l’œuvre testamentaire, achevée cinq jours avant son suicide, l’Action ecclésiastique, inspirée à la fois par la « Légende du Grand Inquisiteur » des Frères Karamazov de Dostoïevski et par les amères paroles de l’Ecclésiaste, qui parcourent toute son œuvre dès 1957 (Omnia tempus habent) à la manière de quelque sombre fil conducteur. Il fut un pur expressionniste, qui se définissait lui-même comme « un mélange très rhénan de moine et de Dionysos », alors qu’un de ses proches le qualifiait d’« ascète explosif ». Quoi qu’il en soit, il vécut son œuvre avec une si terrifiante intensité qu’elle finit par le détruire. Encore presque inconnue en France, elle s’impose graduellement ailleurs comme l’une des plus fortes et des plus originales de son temps.