Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bach (suite)

Bach, qui a formé à Weimar ses premiers disciples (Schubart, Vogler, Johann Ludwig Krebs, Johann Bernhard Bach), qui a vu naître ses premiers enfants (Wilhelm Friedemann, Carl Philipp Emanuel), se décide pourtant, devant les difficultés qui s’accumulent avec son prince, à quitter Weimar pour accepter à Köthen le poste de directeur de la musique du prince Leopold d’Anhalt. Il dirige l’orchestre de ce dernier, se tourne vers la musique instrumentale profane, la musique pour clavier, orchestre, instruments solistes. Ce qui ne l’empêche pas de tenir parfois le petit orgue de l’Agnuskirche. À la demande du margrave de Brandebourg, il écrit ses six Concerts pour divers instruments (1721). Ayant perdu sa femme durant l’été de 1720, il se remarie, l’année suivante, avec Anna Magdalena Wülcken (ou Wilcken), fille d’un trompette de la Cour, et cantatrice. Mère de six fils et sept filles, elle continuera, malgré sa très lourde tâche, à aider son mari en copiant nombre de ses partitions. Quant à Jean-Sébastien, il accomplit encore un voyage auprès de Reinken à Hambourg et improvise devant le virtuose émerveillé une série de variations sur le choral An Wasserflüssen Babylon. Peu après son second mariage, Bach voit le prince de Köthen épouser F. H. von Anhalt-Bernburg, une « amusa » qui éloignera son mari de la musique. Bach a décidé de quitter Köthen.

La mort de J. Kuhnau, cantor de Sankt Thomas, ouvre une succession difficile à Leipzig. Le poste a été offert à Telemann et Johann Christoph Graupner : ils refusent l’un et l’autre. Après avoir donné deux fois, à Sankt Thomas, notamment par l’audition de la Passion selon saint Jean, des preuves de son talent de compositeur et de chef, Jean-Sébastien Bach est nommé, au printemps 1723. À la Thomasschule, il est chargé de l’enseignement musical, ainsi que de cours de latin. Quelques élèves musiciens lui permettront de former un orchestre et une chorale, car il lui faut assurer le service liturgique à Sankt Thomas et à Sankt Nikolai, de même qu’il organise parfois des cérémonies à l’université. Mais il doit lutter autant avec le conseil de la ville qu’avec le recteur de l’école. Les litiges se multiplient, à l’heure où la Thomasschule traverse une crise qu’expliquent l’indiscipline des élèves et la mauvaise administration. Ces luttes sont telles qu’il faudra parfois en appeler à l’Électeur lui-même.

Bach trouve heureusement, en dehors de l’école, des activités stimulantes. De 1729 à 1740, il dirige le Collegium Musicum qu’avait créé Telemann en 1702, et donne un concert par semaine. L’essentiel, pour lui, est également de se concentrer sur une œuvre qui, de semaine en semaine, s’enrichit de cantates nouvelles.

Entre 1733 et 1736, il sollicite le titre de compositeur de la cour de Saxe, titre que lui vaut l’envoi du « Kyrie » et du « Gloria » de la Messe en « si » mineur. Toujours en relation avec organistes et cantors de la Saxe et de la Thuringe, il voyage, se fait entendre en concert, inaugure des orgues, visite ses enfants ou place ses élèves. En 1731, il joue à Dresde des orgues de Silbermann ; il expertise les premiers pianoforte de ce facteur. Il entretient des relations avec Hasse, Benda, et tente, en vain, de rencontrer Händel.

En 1747, il accomplit un voyage à Potsdam auprès de Carl Philipp Emanuel et du roi de Prusse, devant lequel il improvise sur un thème que le souverain lui a transmis. Il continue à former un grand nombre d’élèves, parmi lesquels J. N. Gerber, J. Schneider, J. F. Agricola, J. F. Doles, G. A. Homilius, J. Ph. Kirnberger, C. F. Schemelli, J. Goldberg, J. C. Altnikol, J. C. Kittel.

Agréé dans la société Mizler, où l’on cultive les mathématiques autant que le contrepoint, il écrit à cette occasion, et à titre de preuves, des Variations canoniques sur un thème de Noël. Devenu aveugle en 1749, il est opéré en 1750 par le chirurgien Taylor. Il ne peut pas terminer son Art de la fugue, et met au point dix-huit chorals d’orgue, dont il dicte les trois derniers à son gendre Altnikol.

Il meurt le 28 juillet 1750 et est enterré le long du mur de la Johanniskirche de Leipzig.

L’homme nous apparaît comme un magnifique travailleur et un chrétien. Les deuils ne l’ont pas épargné, et la vie de famille n’est pas toujours propice à l’éclosion des chefs-d’œuvre. Toujours poussé par les circonstances, Bach a composé vite. « J’ai travaillé avec application », dira-t-il. « Quiconque s’appliquera aussi bien que moi en fera autant. » Touchante modestie ! Celle-ci ne se peut comprendre que si l’on saisit le point d’aboutissement : soli Deo gloria, telle est sa devise. En lui, le fervent admirateur des Écritures, le protestant qui tend vers le piétisme, le croyant se double d’un mystique hanté par l’idée de la mort, dans laquelle il voit la libération suprême. Homme de devoir doué d’une sensibilité et d’un raffinement que voilent sans doute des apparences un peu rudes, professeur, théoricien, virtuose, chef de chœur ou d’orchestre, dans tous les domaines on trouve un architecte qui se double d’un poète. À défaut de Mémoires ou de correspondances, son œuvre dévoile sa vie intérieure : œuvre instrumentale, œuvre vocale qui projettent une égale lumière sur le « siècle des lumières ».


Bach, le violon et le clavecin

Dans son atelier, il possède plusieurs clavecins à un ou deux claviers, de même qu’il joue du clavecin à pédalier. Non loin de ces grands instruments, se trouvent des épinettes et un clavicorde. Il est difficile de faire le départ entre ce qu’il destine à l’un ou l’autre de ces instruments à claviers. Cette œuvre dense peut se subdiviser en deux parties : d’une part les petites ou grandes pièces séparées, d’autre part celles qui sont groupées en recueils.

Du simple point de vue de la chronologie, il semble qu’il ait écrit pour le clavecin autant à Weimar, à Köthen qu’à Leipzig. Les pièces séparées relèveraient plutôt de l’époque de Weimar. On y trouve quelques danses, peut-être destinées aux petites mains de ses enfants, des préludes et fugues, des fantaisies, le Caprice sur le départ du frère bien-aimé, des toccatas, partitas, toutes pièces qui lui permettent, comme à ses élèves, de se faire la main sur le clavier.