Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bach (suite)

Bach et ses précurseurs

Il n’est pas un isolé. Il fait partie d’une dynastie qui compte de nombreux musiciens, depuis le début du xvie s. Ils sont tous organistes, clavecinistes, violonistes, musiciens de cour, de ville ou d’église. Tous ces maîtres évoluent sur un territoire fort restreint : on les trouve à Wechmar, Erfurt, Eisenach, Magdeburg, Arnstadt, Weimar, Prettin, Iéna, Gehren, Schweinfurt, Ohrdruf. Ces artistes n’ont guère voyagé : ils se contentent des paysages boisés de Thuringe, de la Saxe, des petites villes blotties autour d’une église, d’un château, d’un collège, d’une université.

On peut distinguer quatre branches de Bach : celles de Meiningen, d’Erfurt, de Franconie, d’Arnstadt. Jean-Sébastien est issu de la troisième. L’ancêtre commun, Hans, habitait Wechmar. Son fils Veit y naquit en 1550 et y mourut vers 1619. Meunier qui jouait de la cithare, il se réfugia un temps en Hongrie. L’un des fils de Veit, Johannes, disparut vers 1626 (c’est l’arrière-grand-père de Jean-Sébastien), non sans avoir laissé trois fils qui serviront, par leurs œuvres, de permanent exemple au futur organiste de Weimar et cantor de Leipzig : Johannes, Christoph et Heinrich.

Johannes (Wechmar 1604 - Erfurt 1673) exercera le métier d’organiste à Erfurt. Ses enfants et petits-enfants en feront de même à Eisenach, Magdeburg, Erfurt, jusqu’à un arrière-petit-fils, Johann Ernst (1722-1777), qui étudiera avec son cousin Jean-Sébastien.

Christoph (Wechmar 1613 - Arnstadt 1661), qui sera grand-père de ce dernier, exercera comme musicien de cour et de ville à Weimar, Prettin, Erfurt.

Heinrich (Wechmar 1615 - Arnstadt 1692) semble avoir opté pour l’orgue à Arnstadt, donnant à son fils Johann Christoph (1642-1703) un goût évident pour cet instrument, dont il enrichit la littérature de nombreux chorals ; Johann Michael (1648-1694), frère de ce dernier, touchait l’instrument de Gehren et donna sa fille Maria Barbara à Jean-Sébastien.

Et voici le dernier des Bach que Jean-Sébastien put prendre pour modèle : il s’agit de son propre père, Johann Ambrosius (1645-1695). Frère jumeau d’un violoniste — tous deux fils de Christoph, déjà nommé —, Johann Ambrosius joue de l’alto et du violon. À ce titre, il sera musicien de la cour et de la ville d’Eisenach.

A-t-on remarqué que plusieurs de ces Bach meurent fort jeunes ? Ils n’ont pas le temps de faire toujours fructifier ce que la tradition leur a transmis. Sans aisance, mais non sans talent, ils se donnent à la musique avec amour et conviction, et se réunissent souvent pour chanter quodlibets et chorals.


Bach et sa vie professionnelle

On voit donc que Jean-Sébastien naît à Eisenach dans un milieu favorisé des Muses (21 mars 1685). Dernier de huit enfants, il perd sa mère, Elisabeth Lämmerhirt, en 1694, et son père l’année suivante. Il trouve asile à Ohrdruf auprès de son frère aîné, Johann Christoph, qui est un élève de Pachelbel.

Sa formation se continue à la Lateinschule. À l’âge de quinze ans, le cantor Elias Herda, qui connaît sa belle voix de soprano, l’adresse, ainsi que son ami Erdmann, à la Michaelischule de Lüneburg. La bibliothèque de cette école est une des plus riches qui soit en œuvres des xvie et xviie s. ; il en profite grandement, élargit ses connaissances en musique, écoute les deux organistes Johann Jakob Löwe — ancien disciple de Schütz — et Georg Böhm, attaché depuis 1698 à l’église Saint-Jean. Poussé par ce dernier, le jeune Bach accomplit un premier voyage à Hambourg, pour y entendre le célèbre Jan Adams Reinken, qui est le chef incontesté de tous les organistes de l’Allemagne du Nord. Maître à danser et violoniste de la chapelle française de la cour de Celle (la princesse Éléonore d’Olbreuse est une Poitevine), Thomas de La Selle l’introduit auprès des artistes qui, après la révocation de l’édit de Nantes, sont venus trouver refuge à Lüneburg. Bach copie le Livre d’orgue de Nicolas de Grigny, l’organiste de la cathédrale rémoise du sacre, qui vient de disparaître. Comme violoniste, Jean-Sébastien entre en 1703 au service du duc Johann Ernst de Weimar, et il entend Westhoff, le célèbre virtuose du violon. Nommé en août organiste de la Bonifaziuskirche d’Arnstadt, il écrit là sa première cantate, peut-être ses premières œuvres d’orgue. Attiré surtout par les maîtres du Nord, la musique de Reinken, Buxtehude, il fait à pied le voyage de Lübeck, à vingt ans, pour prendre contact avec le bouillant et romantique organiste de la Marienkirche, Dietrich Buxtehude (oct. 1705). Il ne sera de retour qu’à la fin de janvier 1706, et s’excuse d’une trop longue absence qui va lui causer de sérieuses difficultés de la part de ses supérieurs. On lui reproche d’improviser des préludes de choral en rendant méconnaissable le thème du cantique. On lui reproche d’accueillir à sa tribune une jeune fille — Maria Barbara Bach, sa cousine —, qui deviendra sa femme en 1707. En cette même année, il accepte la succession de Johann Georg Ahle, à l’orgue de Sankt Blasius de Mühlhausen. Il conseillera le facteur chargé de restaurer et d’agrandir son instrument. En 1708, il imprime la seule cantate qu’il éditera de son vivant. En juin 1708, il est appelé par le duc Wilhelm Ernst de Saxe-Weimar comme musicien de chambre (violoniste et altiste), mais surtout comme organiste de la Cour. Il se liera là d’amitié avec l’organiste de la ville, Johann Gottfried Walther, apprendra à découvrir la musique italienne, que lui révèlent quantité d’artistes de passage, virtuoses, compositeurs, aussi bien que des recueils de musique, manuscrits, imprimés, qui arrivent de Venise, Rome ou Amsterdam. Ayant refusé, en 1714, la succession de Friedrich Wilhelm Zachow comme organiste de Halle, Bach est nommé Konzertmeister du prince de Weimar. À ce titre, il dirige sa chapelle. Plusieurs voyages le mettent en contact avec la vie musicale d’autres cours princières, comme celle de Kassel (où il éblouit le futur Frédéric Ier de Suède), de Weissenfels et de Dresde.