Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
Y

Yougoslavie (suite)

En 1620, avec l’église Sainte-Catherine de Zagreb, commence le baroque, qui connaît aux xviie-xviiie s. (à la suite du retrait des Turcs) un grand développement grâce à la reconstruction des villes de Zagreb, de Varaždin, de Bjelovar, de Karlovac. Parmi les monuments baroques du xviiie s. se distinguent l’église paulinienne de Lepoglava, les châteaux de Bistra et de Lobor près de Zagreb et, dans le Midi, la cathédrale renaissante et baroque de l’île de Hvar. Au début du xixe s., Bartolomej Felbinger (1785-1871) introduit le classicisme avec le château de Januševac. Puis vient le règne de l’académisme. Le premier qui s’en libère est l’urbaniste Viktor Kovačić (1874-1924) ; Drago Ibler (né en 1894) suit, avec son « école de Zagreb », le fonctionnalisme de Le Corbusier. Après 1945, Vjenceslav Richter (né en 1917) s’efforce de réaliser l’intégration de l’architecture et des autres arts, tandis qu’Igor Emili (né en 1921) tend à restaurer les valeurs originelles propres au pays.


Sculpture

À l’époque préromane, l’entrelacs à triple ruban est l’ornement essentiel des églises. Cet abondant décor, d’abord géométrique, se mute en décor végétal (ixe s.), puis aborde la figure humaine isolée (la Vierge de Knin, xe s.) pour former enfin des compositions historiées (la Nativité et la Fuite en Égypte de Zadar, xe-xie s.). Au xiie s., l’entrelacs disparaît et la figure saille de la surface (Saint-Blaise de Dubrovnik). Au début du xiiie s., Andrija Buvina crée les vingt-huit scènes des Évangiles sur la porte de la cathédrale de Split, et, en 1240, le maître Radovan sculpte le portail de la cathédrale de Trogir. Au xive s., l’expression romane se lie avec celle du gothique, comme le montrent les chapiteaux du couvent franciscain de Dubrovnik, le sarcophage d’argent de Saint-Siméon de Zadar, le retable d’or de Kotor et surtout les stećaks (pierres tombales des campagnes), décorés de scènes de danse et de chasse. Au xve s., Georges le Dalmate sculpte le décor de la cathédrale de Šibenik et l’autel de saint Anastase à la cathédrale de Split, où des anges renaissants évoluent dans un cadre gothique flamboyant ; à la cathédrale de Trogir, la chapelle Ursini, conçue par Nicolas le Florentin, donne le plus bel exemple de la collaboration instituée entre artistes italiens et croates avec ses statues de saints par Ivan Duknović (Giovanni Dalmata, v. 1440 - v. 1510).

En Croatie du Nord, la sculpture de la Renaissance se réduit aux gisants des dalles funéraires (Ilok, Lepoglava, Zagreb). Au xviiie s. fleurit la production d’autels baroques. S’y distingue Francesco Robba (1698-1757), d’origine vénitienne, qui, après avoir travaillé à Ljubljana, s’établit à Zagreb. À l’époque moderne s’affirment le romantique Ivan Rendić (1849-1932), Robert Frangeš-Mihanović (1872-1940), animalier disciple de Rodin, et le plus grand artiste croate, Ivan Meštrović (1883-1962). Ce dernier exprimera parallèlement, à travers l’expressionnisme de la forme, deux faces de sa vision du monde : le drame comme aspect de la réalité (chapelle des Anges à Cavtat, 1922), le lyrisme comme idéal (Harmonies lointaines, 1918, Split) ; en 1927, sa Psyché en marbre (Split) réconcilie les contraires à travers la beauté féminine, avant que surgisse de nouveau le drame avec la monumentale Pietà créée aux États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale. Frano Kršinić (né en 1897) et Vanja Radauš (né en 1906) sont des disciples de Meštrović. Plus récemment sont à remarquer les constructions en matériaux divers de Dušan Džamonja (né en 1928) et de Šime Vulas (né en 1932).


Peinture

La peinture romane (depuis le xie s.) s’est conservée surtout dans les villages de l’Istrie, la peinture gothique en Istrie et dans la région de Zagreb, tandis que l’enluminure et la peinture sur bois sont une richesse des cités dalmates. La peinture monumentale atteint un haut degré de qualité au xiiie s. dans la cathédrale de Zagreb ainsi que dans les églises de Hum, de Draguć et de Lovreć en Istrie. La peinture sur bois est représentée par la Vierge à l’Enfant de l’abbaye bénédictine de Zadar et par le Crucifix du couvent franciscain de Split. Parmi les codex enluminés, le plus ancien est l’évangéliaire de Split, de la fin du viiie s.

La peinture murale du xive s., dont les exemples subsistent dans une vingtaine d’églises, est marquée par l’influence du gothique continental dans la région de Zagreb et par le trecento italien dans le Sud. Dans la miniature, la première place revient au missel glagolitique du prince Novak (1368, Bibliothèque nationale, Vienne). La peinture murale du « gothique international » s’est conservée dans plus de soixante localités, dont, en Croatie du Nord, Kalnik et Lepoglava.

En Istrie se crée une école locale qui unit des thèmes venus du Nord (danse macabre, Rois mages, saint Georges), des apports originaux (scènes de genre, paysages et costumes du pays) et la technique italienne de la fresque : on remarque spécialement l’ensemble de Beram, peint par Vincent de Kastav (Vincencius de Kastua) et son atelier en 1474. Le frère de Vincent, Ivan (Johannes de Kastua), a exécuté en 1490 dans l’église de Hrastovlje, près de Koper, en Slovénie, d’autres fresques remarquables. En Dalmatie, c’est la peinture des « primitifs croates » qui s’épanouit, influencée à la fois par le gothique italien et par la peinture byzantine. Ses principaux représentants sont Blaž Jurjev († v. 1448) à Trogir, Dujam Marinov Vušković († v. 1460) à Split et Ivan Ugrinović († v. 1460) à Dubrovnik, auteurs de nombreux retables souvent signés. L’enluminure atteint son sommet avec le missel glagolitique du prince Hrvoje Vukčić, exécuté à Split en 1403 (Istanbul), et le missel de Juraj de Topusko, enluminé vers 1525 par Julije Klović (cathédrale de Zagreb).

À l’époque de la Renaissance, seuls Nikola Božidarević (v. 1460-1517) et Mihajlo Hamzić († v. 1518) travaillent à Dubrovnik, tandis que Juraj Ćulinović (Giorgio Schiavone, entre 1433 et 1436-1505), proche de Mantegna, Andrija Medulić (Andrea Meldola, dit lo Schiavone, v. 1500-1563), interprète de Giorgione et du Parmesan à Venise, ainsi que Julije Klović (devenu Giulio Clovio, 1498-1578), le dernier grand de l’enluminure en Occident, travaillent en Italie.