Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Babylone (suite)

Les conquêtes des premiers rois amorrites sont limitées et précaires ; le sixième de ces souverains, Hammourabi (1792-1750), est à ses débuts dominé par le maître de la haute Mésopotamie, Shamshi-Adad Ier (v. 1816-1783). Le roi de Babylone, que son Code a rendu justement célèbre, mérite une étude particulière (v. Hammourabi). Mais, arrivé au règne de son fils, on constate que les conquêtes d’Hammourabi, qui se sont étendues à la majeure partie du pays des Deux Fleuves, ont été aussi peu solides que celles des princes de différentes origines qui ont, depuis la chute de l’empire d’Our, tenté d’unifier à leur profit la Mésopotamie. Samsou-ilouna (1750-1712), successeur du conquérant babylonien, est accablé de difficultés. Les Kassites, un peuple à moitié barbare, descendent en masse des monts Zagros ; vaincus en 1741, ils ne s’en établissent pas moins dans un recoin du pays des Deux Fleuves. Samsou-ilouna doit d’autre part combattre en Sumer, où les vieilles cités tentent de reprendre leur indépendance ; il perd finalement la région des bouches des fleuves, où s’installe la Ire dynastie du « pays de la Mer » (v. 1735-1530).

Ses successeurs à Babylone reculent devant ces deux groupes d’adversaires. Mais leur capitale reste active et riche, et sa réputation lui vaut une attaque combinée des Hittites et des Kassites : Babylone est pillée, le dernier roi de la dynastie amorrite est tué (1595).


Les souverains kassites à Babylone (jusqu’en 1153)

Après ce désastre, les documents se font rares pendant deux siècles, et nous ignorons à quel moment la nouvelle dynastie s’installe à Babylone. Le peuple kassite, qui ne se confondra jamais avec les sédentaires de Sumer et d’Akkad, devra être étudié à part ; il n’a fourni que des rois et des guerriers à la basse Mésopotamie, et, durant sa longue domination, les tablettes et les œuvres d’art n’évoquent pratiquement que la culture traditionnelle du pays des Deux Fleuves ; l’impartialité des chroniques (genre littéraire qui apparaît alors à Babylone) semble témoigner de l’indifférence que rencontreraient les maîtres étrangers.

Au début du xve s., les rois kassites achèvent la conquête du pays de la Mer, réalisant ainsi la réunification politique de la basse Mésopotamie, qui sera l’essentiel de leur domaine. Or, sans qu’il y ait trace d’une politique allant dans ce sens, l’historien constate qu’à partir de cette annexion aucune des vieilles cités de Sumer ou d’Akkad ne conteste plus le rôle de capitale politique de Babylone, dont d’autre part les scribes exercent maintenant une influence culturelle sur tout le Proche-Orient. Ces lettrés continuent à copier, traduire en babylonien (dialecte sémitique proche de l’akkadien et de l’assyrien) et adapter les œuvres du vieux fonds culturel sumérien. Ils fournissent ainsi aux scribes des autres États orientaux des lexiques et des dictionnaires, des recueils de problèmes d’arithmétique, de recettes médicales et de présages, des collections de textes littéraires et rituels.

Affrontés à d’autres préoccupations, les rois kassites multiplient les actes de donations foncières assorties d’immunité, qui sont inscrits sur les koudourrou (stèles), particulièrement nombreux en cette époque. Ils usent leur armée dans une guerre interminable (xive-xiie s.) avec l’Assyrie, à qui ils disputent le piémont des Zagros. La dynastie kassite subit un premier désastre quand l’Assyrien Toukoulti-Ninourta Ier (1246-1209) s’empare de Babylone, puis elle disparaît (1153) à la suite des expéditions de pillage des Élamites.


Les dynasties indigènes et la pression des Araméens (xiie-viiie s.)

Après 1153, l’aristocratie kassite garde un certain prestige en Babylonie, mais le pouvoir royal passe à une suite de dynasties originaires de différentes cités de basse Mésopotamie. Babylone connaît encore un règne brillant, celui de Nabou-koudour-outsour Ier, appelé par les modernes Nabuchodonosor Ier (v. 1129-1106), qui bat les Assyriens, met fin au puissant royaume d’Élam et ramène dans sa capitale la statue de Mardouk, son dieu, que les Élamites avaient enlevée à la fin du règne précédent. Ces exploits servent la gloire du roi et plus encore de la divinité locale. C’est à cette occasion, semble-t-il, que les scribes babyloniens donnent sa forme définitive au Poème de la Création, qui attribue dès lors le rôle essentiel de vainqueur des puissances mauvaises à Mardouk. Ce texte est récité et mimé au cours des cérémonies qui marquent maintenant le nouvel an pour l’ensemble de la basse Mésopotamie ; ainsi s’opérerait l’unification religieuse de la Babylonie, où Mardouk et Ishtar de Babylone dominent désormais de très haut le panthéon constitué par les divinités des autres villes d’Akkad et de Sumer.

Ce règne brillant est suivi d’une longue période de troubles. Le conflit traditionnel avec l’Assyrie est éclipsé par la menace que les Araméens, des Barbares sortant de la steppe du désert de Syrie, font peser sur l’ensemble de la Mésopotamie. Non contents de ruiner le commerce en attaquant les caravanes qui sortent du pays des Deux Fleuves, ils vont bloquer les cités et ravager les campagnes, dont ils enlèvent ou massacrent les cultivateurs. Le pouvoir royal, qui ne dispose plus de ressources pour solder des troupes, est déconsidéré, et les usurpations se multiplient. Abandonnées au gouvernement des clergés locaux, les villes de Babylonie apaisent les Araméens en leur cédant des terres, où les envahisseurs vont peu à peu adopter la civilisation mésopotamienne et noyer sous leur nombre les populations qui les hébergent. Mais sur le pourtour de la basse Mésopotamie, et particulièrement à l’est du Tigre et au pays de la Mer, l’esprit belliqueux est entretenu par l’afflux persistant de nouveaux groupes faméliques. Le royaume de Babylone se trouve en fait morcelé entre une foule de tribus araméennes, dont les chefs ont pris le titre de roi ; et il ne semble pas que l’on se soit choqué en Babylonie de ce que le souverain théorique de la capitale soit de plus en plus souvent un représentant de la grande confédération araméenne des Chaldéens.