Metteur en scène de cinéma américain (Mulhouse 1902).
Après quelques études suivies à Lausanne et au Conservatoire de musique de Paris, William Wyler devient en 1919 agent de publicité à Paris pour la compagnie Universal. C’est en 1920 qu’il gagne Hollywood, où il est successivement troisième, deuxième, puis premier assistant-metteur en scène. De 1925 à 1928, il réalise de nombreux westerns, de court métrage pour la plupart, dont on ne trouve plus trace aujourd’hui. Mobilisé dans l’aviation durant la Seconde Guerre mondiale, il signe des films d’instruction militaire pour l’US Air Force, notamment The Memphis Belle (1944) et Thunderbolt (1945), ce dernier en collaboration avec John Sturges. En 1945, il fonde avec Samuel Briskin, Frank Capra et George Stevens la Liberty Films, qui fusionne en 1947 avec la célèbre Paramount. Entre-temps, William Wyler a oublié ses œuvres de circonstance pour devenir un metteur en scène non seulement reconnu, mais recherché. Dans le cadre d’une production cinématographique que les hommes d’affaires et les administrateurs de Hollywood tiennent avant tout à codifier, à aseptiser et à standardiser, en une décade d’austérité économique et morale, Wyler apparaît très rapidement comme le cinéaste idéal. Son nom s’attache vite à une notion de « qualité », à des garanties de « sérieux » qui lui interdisent toute velléité trop ostensiblement novatrice.
Après des louanges démesurées, il a fait l’objet d’une sévérité somme toute excessive. Le cinéma qu’il défend et pratique repose en grande partie sur un appareil dramatique aussi conventionnel qu’admirablement efficace : Rue sans issue (Dead End, 1937), l’Insoumise (Jezebel, 1938, où il dirige pour la première fois Bette Davis), les Hauts de Hurlevent (Wuthering Heights, 1939, adaptation soignée du livre de E. Brontë) en portent la marque. Wyler aime les « best-sellers » et les grandes évocations sudistes ; son style est plus qu’honnête, et sa direction d’acteurs, traditionnelle d’inspiration, n’en est pas moins estimable. Gary Cooper dans le Cavalier du désert (The Westerner, 1940) et la Loi du Seigneur (Friendly Persuasion, 1956), Bette Davis dans la Lettre (The Letter, 1940) ou la Vipère (Little Foxes, 1941), Montgomery Clift dans l’Héritière (The Heiress, 1949, d’après H. James) lui doivent beaucoup.
La plupart de ses films, drames sentimentaux le plus souvent destinés à un public féminin (Mrs Miniver, 1942 ; Carrie, 1952) ou films de prestige (les Plus Belles Années de notre vie [The Best Years of our Lives, 1946], son meilleur film sans doute), sont davantage marqués par le label traditionnel de leurs compagnies de production que des œuvres d’auteur. Moins à l’aise dans le policier (Detective Story, 1951 ; la Maison des otages [The Desperate Hours, 1956]) ou dans les grandes « machineries » (Ben-Hur, 1959), Wyler a eu la chance de voir la majorité de ses films accueillis avec un grand succès, dont Funny Girl (1968) est le dernier exemple. C’est pourtant au détour d’un mélodrame méconnu comme la Rumeur (The Children’s Hour, 1961) ou dans une séquence d’une anodine comédie telle que Vacances romaines (Roman Holiday, 1953) qu’on découvre un peu de la vérité américaine ou plus simplement une acuité du regard, un éclair d’émotion qu’on ne soupçonnait plus chez ce psychologue pour presse du cœur.
Couvert d’honneurs et d’oscars, ce maître de l’artifice nous a donné, au moment de sa carrière où on s’y attendait le moins, une œuvre surprenante, étrangement moderne de facture et de ton, l’Obsédé (The Collector, 1964), qui détonne agréablement dans sa filmographie. L’image y est moins léchée qu’à l’ordinaire, le style vigoureux et les sentiments d’une ambiguïté à laquelle trente ans de feuilletons démodés au moment même de leur sortie ne nous avaient guère préparés. Il est loin le temps où André Bazin lançait : « À bas Ford, vive Wyler », et lointaine est l’époque où Ils étaient trois (These Three, 1936) provoquait les sanglots des foules.
Aujourd’hui, William Wyler ne sort plus de sa retraite dorée que le temps d’une insignifiante pochade (Comment voler un million de dollars [How to steal a Million, 1966], où Audrey Hepburn fait merveille), d’un édifiant pensum sur le racisme (On n’achète pas le silence [The Liberation of L. B. Jones, 1970]) ou d’un « véhicule » pour chanteuse à succès (Barbra Streisand dans Funny Girl). Il est difficile d’aimer tous les films de Wyler, mais il serait malséant de les négliger. Les respecter, c’est (aussi) aimer Hollywood, ses défauts, ses insuffisances, mais également son indéfinissable charme : toute une époque.
M. G.