Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Wurtemberg (suite)

En 1793, après de nouveaux agrandissements, le duché s’étend sur 9 400 km2, peuplés de 620 000 habitants, et dirige le cercle de Souabe. Depuis 1780, il est très lié à l’empereur Joseph II*. Frédéric-Eugène (duc de 1795 à 1797), en faisant élever ses enfants dans la foi protestante, rend une dynastie luthérienne au Wurtemberg ; il a participé aux guerres contre la Révolution française. Frédéric Ier (duc [puis roi] de 1797 à 1816) doit céder à la France ses possessions alsaciennes et la principauté de Montbéliard (traité de Lunéville, 1801). Mais, en échange, il est un des principaux bénéficiaires du recez d’Empire (1803) et des modifications territoriales de 1806 et de 1809 (paix de Vienne), qui incorporent toute la Haute-Souabe jusqu’aux confins des Alpes et au lac de Constance, soit neuf villes impériales (Heilbronn et Reutlingen dès 1802, Ulm en 1810), de multiples seigneuries ecclésiastiques, des possessions autrichiennes et des fiefs de chevaliers. Le territoire est également agrandi au nord vers la Franconie et à l’est. Le duc, devenu Électeur (1803) à cette occasion, se voit récompensé en 1805-06 pour son alliance avec l’Empire français en obtenant la dignité royale.

Jusqu’en 1813, le nouveau roi pratique une politique brutale d’absolutisme : abolition du Landtag, des privilèges des territoires annexés, incorporation des biens ecclésiastiques aux biens patrimoniaux, mais aussi égalité juridique entre les diverses catégories sociales et les deux confessions. L’Église catholique, désormais solidement installée dans le royaume, obtient sa propre université à Ellwangen. Le roi entreprend d’adopter les institutions napoléoniennes et soumet le pays à des mesures de plus en plus unificatrices et centralisatrices, en particulier grâce à la division en circonscriptions administratives qui ne tiennent aucun compte de la situation géopolitique antérieure. Reconnaissant, le roi se montre un allié fidèle de Napoléon jusqu’au lendemain de la bataille de Leipzig (1813), où il se rallie à la sixième coalition, après s’être fait garantir par l’Autriche et ses alliés (traité de Fulda, 2 nov. 1813) sa couronne royale et l’intégrité de son État, dont il a doublé l’étendue et qui couvre désormais 19 510 km2 peuplés de 1,1 million d’habitants.

En 1815, le Wurtemberg devient membre de la Confédération* germanique, mais la fin du règne de Frédéric Ier est assombrie par une agitation politique. Sous la pression des États membres de la Confédération et des patriotes, il promulgue en 1815-16 une constitution rejetée par les députés, qui la jugent insuffisante.

Guillaume Ier (roi de 1816 à 1864) promulgue en 1819 une constitution libérale qui réserve le pouvoir politique au roi et qui reste en vigueur jusqu’en 1906. Elle prévoit une chambre haute réservée à la noblesse et une chambre de représentants élus par les villes et les bailliages. L’État est réorganisé selon les principes de la séparation des pouvoirs. Les communes obtiennent une large autonomie. Cette période de restauration, qui a connu l’essor d’une école littéraire souabe animée par Ludwig Uhland (1787-1862), auteur de poésies patriotiques, est restée calme sur le plan politique, grâce à la prudence et à l’esprit d’économie du roi. En 1828, ce dernier conclut une union douanière avec la Bavière, qui devient en 1833 le Zollverein, incluant la majorité des États allemands.

L’opposition libérale à la diète est animée par le poète Uhland et par Gustav Pfizer (1807-1890). Lors de la révolution de 1848, particulièrement active ici, le roi confie le pouvoir aux chefs libéraux Friedrich Römer (1794-1864) et Pfizer. La nouvelle chambre est dominée par les démocrates, qui votent de nombreuses réformes et une nouvelle constitution. Mais le Wurtemberg est épargné par les troubles badois et palatins malgré l’installation à Stuttgart en 1849 des derniers membres du Parlement de Francfort. Le roi profite de l’échec de la révolution pour dissoudre la diète, annuler toutes ses décisions et revenir à la Constitution de 1819. La nouvelle chambre se compose surtout de fonctionnaires dociles qui ratifient toutes les propositions du nouveau gouvernement conservateur de Schleyer, déjà un des ministres en vue avant la révolution. Par contre, la diète rejette en 1861 le concordat signé en 1857 avec Rome, car elle tient à voir fixées les relations entre l’État et l’Église par une législation étatique.

Opposé à toute centralisation politique de l’Allemagne, le Wurtemberg constitue avec l’Autriche et la Bavière la Triade, hostile à la Prusse. Depuis 1850, il aligne d’ailleurs sa politique sur celle de l’Autriche, tout en acceptant en 1862 le renouvellement du Zollverein, qui exclut l’Autriche. À partir de 1864, la politique intérieure est plus libérale, et une impulsion nouvelle est donnée à la construction d’un réseau ferré. La participation du nouveau roi Charles Ier (de 1864 à 1891) à la guerre contre la Prusse (1866) aboutit à la défaite de Tauberbischofsheim (24 juill.), trois semaines après Sadowa, et à l’occupation prussienne de la moitié du royaume. Le traité de paix, moyennant l’intégrité territoriale, impose une contribution militaire de 8 millions de florins, la conclusion d’une alliance secrète offensive et défensive avec la Prusse et l’adhésion au Parlement douanier de Berlin en 1867. Si les élections de 1868 donnent la majorité parlementaire aux démocrates et aux partisans de la grande Allemagne, la diète vote pourtant à la quasi-unanimité les crédits de la guerre de 1870, dans laquelle le Wurtemberg joue un rôle appréciable.

Le royaume entre le 1er janvier 1871 dans l’Empire allemand, tout en conservant le contrôle de ses postes, télégraphes et voies ferrées ainsi que des taxes particulières sur les boissons alcoolisées. De 1870 à 1900, le gouvernement est dirigé par Hermann von Mittnacht (1825-1909), qui préserve le royaume du Kulturkampf* malgré une majorité de nationaux-libéraux. L’État participe activement à l’essor économique de l’Empire malgré un léger fléchissement démographique.