Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Weygand (Maxime) (suite)

Après avoir employé l’année 1942 à écrire ce qui sera le tome III de ses Mémoires, Weygand est une dernière fois confronté avec l’histoire. Appelé en consultation à Vichy par Pétain dès la nouvelle du débarquement allié en Afrique, il insiste auprès de lui pour qu’il rompe avec l’Allemagne, se range aux côtés des Alliés et approuve cette fois l’action de Darlan à Alger. Mais, le 12 novembre, en sortant de chez le maréchal, il est arrêté par la Gestapo et interné en Allemagne, d’abord à Radolfzell, puis à Garlitz (Mecklembourg), où sa femme le rejoint au début de 1943. Au mois de décembre suivant, le ménage Weygand est conduit au château d’Itter (dans le Tyrol), où il retrouve Édouard Daladier, Paul Reynaud, Léon Jouhaux, le général Gamelin, Jean Borotra... ; alors que tous ces prisonniers sont libérés le 5 mai 1945, le général Weygand apprend à Lindau du général de Lattre que ce dernier a reçu de De Gaulle l’ordre de le transférer à Paris, où, le 9 mai, Weygand est incarcéré à la Conciergerie et inculpé de « complot contre la sûreté intérieure de l’État ». Conduit en raison de son état de santé au Val-de-Grâce, il y sera bien traité et soigné. Le 31 juillet 1945, il témoigne avec éclat au procès de Pétain, tandis que se déroule l’instruction de son propre procès devant la Haute Cour de justice. Le 6 mai 1946, celle-ci le met en liberté provisoire, mais attend deux ans encore pour conclure le dossier Weygand par un non-lieu sur tous les chefs d’accusation portés contre lui. Recouvrant ses droits et prérogatives, le général devra encore répondre en 1949 à 133 questions écrites posées dans une ambiance tumultueuse par la commission d’enquête parlementaire sur les événements de 1933 à 1945.

Dans sa retraite, Weygand continuera à faire preuve d’une étonnante activité d’esprit. Après Foch (1947) et le Général Frère (1950), il publie ses trois volumes de Mémoires sous les titres Rappelé au service (1939-1942) en 1950, Idéal vécu (1914-1918) en 1953, Mirages et réalités (1919-1939) en 1957, et une réponse aux thèses du général de Gaulle (En lisant les Mémoires de guerre du général de Gaulle) en 1955. Depuis la fin de son procès, il a repris de façon assidue le chemin de l’Académie française, où il reçoit Pierre Gaxotte en 1954. Mais l’armée demeure sa grande préoccupation et jusqu’à la fin de sa vie il garde un contact attentif avec tous ses problèmes, ouvrant largement sa porte à de hauts personnages comme à de jeunes officiers, qu’il étonne par sa faculté d’écouter comme par la curiosité et la vivacité de son intelligence. En 1952, ne voulant pas « être un profiteur de la défaite », il refuse le bâton de maréchal qu’on voulait lui accorder en même temps qu’à de Lattre et à Juin. Au cours des années suivantes, il demeure proche des drames que connaît l’armée en Indochine, puis en Algérie. Aussi sort-il une fois encore de sa réserve le 5 octobre 1959 en s’élevant dans un communiqué de presse « contre toute atteinte à l’intégrité du territoire national » et en affirmant son unité et son indivisibilité « de Dunkerque à Tamanrasset ».

Après la mort de sa femme en 1961, Weygand continue à travailler avec une indomptable énergie. Âgé de quatre-vingt-quinze ans, il donne en 1962 un remarquable condensé de sa pensée d’homme et de chrétien dans la réponse qu’il adresse au discours de réception à l’Académie française du philosophe Jean Guitton, auquel l’unit une amitié vieille de trente ans. La même année paraît son dernier livre, sur les militaires ayant siégé sous la Coupole (l’Armée à l’Académie), et en décembre 1963 Weygand improvise encore une allocution aux saints-cyriens de Paris réunis pour leur fête annuelle. Lui qui fut un violent et un passionné s’éteindra dans une sérénité que les malentendus, les polémiques et les injustices n’atteignaient plus.

P. D.

➙ Darlan / Foch / France (campagne de [1940]) / Pétain.

 G. Raissac, Un soldat dans la tourmente (A. Michel, 1963). / J. Weygand, Weygand mon père (Flammarion, 1970).

Whistler (James Abbott McNeill)

Peintre et graveur américain (Lowell, Massachuselts, 1834 - Londres 1903).


Avec son visage allongé, ses longs sourcils, sa mèche blanche, son monocle, son air « méphistophélique », son talent de causeur aux mots célèbres terminés par un rire sarcastique, son goût de la réclame, Whistler, né en Amérique, vivant en Angleterre et se plaisant surtout à Paris, fut un des plus remarquables esthètes « fin de siècle ». Il fut aussi un des pères de l’impressionnisme*, un des meilleurs peintres-graveurs, un peintre original, annonciateur de l’art abstrait dès 1884, en même temps qu’un décorateur ingénieux, « japonisant » et précurseur de l’Art* nouveau.

Arrivé à Paris en 1855, il travaille dans l’atelier de Charles Gleyre. En 1859, son tableau Au piano (Taft Museum, Cincinatti) est refusé par le jury du Salon. Il commence à graver dans le style des aquafortistes d’alors, se lie avec Henri Fantin-Latour, Alphonse Legros, Théodule Ribot et Courbet* (dont il rejettera l’influence) et découvre l’art du Japon. Sa Jeune Fille en blanc (National Gallery of Art, Washington) est refusée au Salon de 1863 et, exposée au Salon des refusés, en constitue l’attraction. Elle est très discutée, mais Baudelaire l’admire et Zola la remarque. Louis Edmond Duranty fait l’éloge de tous ses envois : « De surprenants portraits et des variations d’une infinie délicatesse. » Whistler est alors considéré comme pouvant devenir le maître de la nouvelle école ; il s’y refuse, et retourne en Angleterre pour près de trente ans.

À Londres, il collectionne des porcelaines bleues et blanches, réunit des kimonos et des gravures. Dès 1863, il décore sa maison de Chelsea — il recommencera pour une autre en 1866 ; la Chambre des paons de F. R. Leyland (Freer Gallery of Art, Washington) date de 1876-77 — et peint par touches (strokes) d’une manière qui surprend ses amis. En 1871, il commence la série fameuse de ses Nocturnes. Ces vues de Londres dans la brume (souvenirs de certaines toiles de Turner*) ont certainement frappé les Français venus à Londres en 1871-72, dont Monet* et Camille Pissarro.