Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
W

Wellington (Arthur Wellesley, 1er duc de) (suite)

En 1810-11, les Français reprennent l’initiative, et Wellington, réduit à la défensive, se replie sur le Portugal, où il s’accroche aux fortifications de Torres Vedras. Inexpugnable, le corps expéditionnaire britannique ne peut être rejeté à la mer. Par contre, en 1812, Wellington n’hésite pas à entamer une campagne d’hiver ; puis, profitant de la campagne de Russie, il repart en avant, gagne la bataille de Los Arapiles, près de Salamanque, en juillet — la plus brillante de ses victoires — et entre à Madrid (août). Toutefois, il doit évacuer peu après la capitale.

C’est en 1813 qu’il enregistre des succès décisifs : l’Espagne est perdue pour les Français. En effet, après la victoire remportée à Vitoria le 21 juin, l’offensive conduit Wellington jusqu’aux Pyrénées ; il franchit l’Adour, bat Soult à Orthez (févr. 1814) et marche en direction de Toulouse, qu’il occupe le 10 avril. Il rentre alors triomphalement en Grande-Bretagne, où il est fait duc de Wellington et reçoit le grade de maréchal.

Nommé aussitôt ambassadeur à Paris, il y observe les fautes politiques qu’accumulent les Bourbons, puis, en janvier 1815, est envoyé comme plénipotentiaire au congrès de Vienne. C’est là qu’il apprend le retour de Napoléon de l’île d’Elbe. Il reçoit le commandement des armées alliées du Nord et remporte le 18 juin 1815 la victoire éclatante de Waterloo.


L’homme d’État

La carrière militaire de Wellington est terminée. Une nouvelle carrière, plus longue encore, mais plus composite, commence : d’abord comme diplomate, puis surtout comme politicien. Le « grand capitaine » devient le « duc de fer ». Dans les jours qui suivent Waterloo, le général victorieux joue un rôle de premier plan dans la restauration des Bourbons, car, en face des hésitations des Alliés, c’est lui qui tranche en faveur de Louis XVIII* ; il s’oppose en même temps au drapeau tricolore, « symbole de la rébellion ». Cependant, c’est grâce à lui autant qu’à Castlereagh* que la France échappe au démembrement auquel songeaient les puissances germaniques et certains ministres britanniques. En effet, Wellington se rend compte de l’importance, pour l’équilibre européen, d’une France monarchique stable. Devenu commandant en chef des armées alliées occupant la France (1815-1818), il adopte une attitude modérée, cherche l’apaisement, soutient Richelieu* contre les ultras et prend position en faveur de l’évacuation totale du territoire, ce qui, pourtant, ne l’empêche pas d’être détesté des Français (qui l’appellent « Villainton »), car ceux-ci le rendent responsable de toutes les humiliations de l’occupation.

En décembre 1818, il est appelé à siéger dans le cabinet de Robert Banks Jenkinson, comte de Liverpool, avec le titre de maître-général de l’état-major. Mais, s’il apporte au parti tory, dont il devient l’un des leaders, le poids de son prestige, il ne se trouve pas toujours à l’aise au milieu des intrigues politiques : il montre à la fois trop de franchise brutale et pas assez de souplesse. Il souhaiterait volontiers pouvoir imposer aux politiciens la même discipline que celle qu’il obtenait de ses officiers. D’autre part, c’est un conservateur-né : « Commencer des réformes, c’est commencer une révolution », déclare-t-il à une de ses admiratrices. Malgré tout, il sait aussi faire preuve de réalisme quand c’est nécessaire.

Devenu Premier ministre en janvier 1828, il le demeure jusqu’en novembre 1830. Malgré l’opposition de bon nombre de tories, il fait voter la loi d’émancipation des catholiques en 1829. Par contre, il s’oppose farouchement à toute réforme électorale, ce qui amène sa chute. Il est alors au comble de l’impopularité : son effigie est brûlée dans les rues, et les vitres de sa maison sont brisées (1830-1832). En 1834, Guillaume IV fait appel à lui au cours d’une tentative avortée pour faire revenir les conservateurs au pouvoir.

À partir de 1841, Wellington siège de nouveau au gouvernement en tant que ministre sans portefeuille dans le cabinet de Peel*, en reprenant les fonctions de commandant en chef de l’armée, qu’il avait déjà assumées en 1827. Il soutient loyalement le Premier ministre dans sa décision d’abolir les Corn Laws et, après la démission de Peel* en été 1846, il décide de se retirer de la vie politique. Mais il conserve ses fonctions militaires. Il meurt octogénaire, entouré de la vénération générale, et est enterré dans la cathédrale Saint-Paul à Londres à côté de Nelson.

F. B.

 W. H. Maxwell, The Life of Field-Morshal his Grace the Duke of Wellington (Londres, 1839-1841, 3 vol. ; nouv. éd. en 1 vol., The Life of Wellington, 1911). / J. W. Fortescue, Wellington (Londres, 1925 ; nouv. éd., 1960). / P. Guedalla, The Duke (Londres, 1931). / C. R. M. Cruttwell, Wellington (Londres, 1936). / R. Aldington, The Duke. Being an Account of the Life and Achievements of Arthur Wellesley, first Duke of Wellington (New York, 1943 ; nouv. éd., Londres, 1946). / J. Chastenet, Wellington (Fayard, 1945). / C. A. Petrie, Wellington : a Reassessment (Londres, 1956). / M. E. Howard, Wellingtonian Studies (Aldershot, 1959). / E. Longford, Wellington (Londres, 1969-1972 ; 2 vol.).

Wells (Herbert George)

Écrivain anglais (Bromley, Kent, 1866 - Londres 1946).


Le bouillonnement des esprits qui emplit la fin de l’ère victorienne et prépare la montée irrésistible du socialisme conditionne fortement les écrivains jusque très avant dans le xxe s. En vain, H. James condamne-t-il cette conception de la littérature d’actualité ou de propagande dans laquelle l’art se subordonne aux idées. Le triomphe de la littérature sociale et de la littérature engagée continue. Les Galsworthy, Bennett, Chesterton brillent au firmament des lettres anglaises. Et surtout ces deux grands manieurs d’idées, G. B. Shaw* et H. G. Wells, qui se définit « journaliste » plutôt qu’artiste et satirise dans Boon (1915) son ex-ami James et ses principes littéraires.

Le « progress » de Herbert George Wells s’identifie assez à celui du héros traditionnel de l’époque précédente dans une vie riche et bien remplie, dont Experiment in Autobiography : Discoveries and Conclusions of a Very Ordinary Brain (1934) dresse un bilan. Tous ces apprentis, commis, drapiers ou pharmaciens de son œuvre, Kipps (Kipps : the Story of a Simple Soul, 1905), Hoopdriver (The Wheels of Chance, 1896), George Ponderevo (Tono-Bungay, 1909), tous ces boutiquiers, les Mr. Polly et autres cherchant à faire fortune, rappellent et l’origine familiale et les débuts difficiles de Wells. Car, si Kipps s’évade de son milieu grâce à un héritage, rien de semblable n’arrive au sous-maître de la Midhurst Grammar School. Pourtant ses mérites reconnus et doté d’une bourse (1884), Wells peut commencer ses études scientifiques au Royal College of Science de South Kensington. Élève en première année de T. H. Huxley, il subit profondément la marque d’un maître dont on retrouve à tout instant l’empreinte dans la démarche de sa pensée et dans son œuvre, où ne manquent ni le savant incarné par le Trafford de Marriage (1912), ni l’étudiant pauvre et doué, tel Lewisham dans Love and Mr. Lewisham (1900). Car, étudiant et professeur, Wells connaît la gêne — et la maladie — avant que son premier roman, The Time Machine : an Invention (1895), ne lui ouvre la voie du succès et d’une œuvre immense dans un brassage prodigieux d’idées.